Par Mathilde Hubert
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Vers une révolution de l’édition scientifique ?

Pierre Braunstein, directeur de recherche émérite CNRS à l’Université de Strasbourg, spécialiste de la chimie moléculaire fondamentale et appliquée et membre de l’Académie des sciences, se veut un fervent défenseur de la science ouverte. Dans le cadre d’un groupe de travail de l’Académie, il a participé à la rédaction de l’état des lieux des modalités actuelles de l'édition scientifique et des nombreuses voies vertueuses à suivre pour son évolution. Un rapport publié lors du déploiement du deuxième Plan national pour la Science ouverte 2021-2024.

L’ouverture de la science suscite l’enthousiasme de la communauté scientifique et progresse depuis une dizaine d’années, grâce notamment au progrès du numérique. Une évolution qui se heurte cependant au modèle actuel des publications scientifiques et à l’évaluation des acteurs de la recherche.

Favoriser la bibliodiversité

Il faut changer de paradigme, souligne Pierre Braunstein, aujourd’hui, les scientifiques font la recherche puis doivent payer pour lire ce qu’ils ont fait. Cela n’a pas de sens, il nous faut explorer les modalités alternatives de publications. Selon le rapport de l’Académie des sciences, de multiples canaux de publication vertueux se développent aujourd'hui et tendent même à augmenter la visibilité des produits de la recherche tout en offrant les mêmes garanties de validation, sinon meilleures, que les canaux traditionnels. Depuis 2020, la revue Les Comptes Rendus de l’Académie des sciences est accessible en ligne selon la formule du « libre accès diamant ». Ce modèle de publication rend disponible en permanence tous les articles dans le monde entier, sans aucune charge financière, ni pour les lecteurs ni pour les auteurs.

Mon rêve serait d’arriver à un modèle de libre accès qui permette aux organismes de recherche de réaliser des économies par rapport aux budgets actuellement dédiés aux abonnements des revues

Pour exploiter ces alternatives, il faut que la communauté scientifique se ressaisisse de la diffusion du savoir, explique le chimiste, mon rêve serait d’arriver un jour à un modèle de libre accès qui, en plus d’être vertueux, permette aux organismes de recherche de réaliser des économies par rapport aux budgets actuellement dédiés aux abonnements des revues.

La qualité plutôt que la quantité de l’évaluation de la recherche

Pour l’Académie des sciences, c’est très clair, l'ouverture de la science doit être pensée dans le contexte d'une évolution de l'évaluation des résultats de la recherche et cette activité indispensable doit être réalisée par les pairs et davantage valorisée. Il apparaît cependant nécessaire de moduler cette approche évaluative de la production scientifique en fonction des enjeux des différentes communautés. Les mathématiques, par exemple, ne portent pas la même importance à la publication dans des revues de prestige comme cela peut être le cas pour la biologie. Et pour les sciences humaines, c’est encore différent, ajoute le directeur de recherche.

Valoriser l’évaluation dans un contexte international

Les progrès de la recherche dépendant souvent d'une coopération internationale étroite, c'est donc à cette échelle qu'une solution doit être trouvée pour les pratiques d'évaluation. Amplifier l’évaluation par des pairs étrangers permettrait en outre de limiter les conflits d’intérêts,  explique Pierre Braunstein.

Des enjeux majeurs à relever d'ici 2030, période fixée par le deuxième Plan national pour la Science ouverte pour que la France ait 100 % des publications en accès ouvert.

La science ouverte à l’Université de Strasbourg

En termes de services, l’Unistra a notamment déployé sa propre plateforme d'archives ouvertes, Univoak. Elle est aussi partenaire de l'écosystème national Recherche DataGouv et de la plateforme européenne de libre accès, EOSC. L’université s’est par ailleurs engagée à réformer son système d’évaluation de la recherche en devenant signataire de la Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche (Dora) ainsi que membre de la coalition pour la réforme de l’évaluation de la recherche (Coara). De plus, l’université est représentée dans différentes instances internationales comme la Ligue européenne des universités en recherche (Leru) ou encore l’Alliance pour les données de la recherche (RDA).

Dossier | Science ouverte : une dimension incontournable

Le mouvement de la science ouverte qui vise à diffuser librement la recherche scientifique afin de la rendre accessible à tous est l’un des grands enjeux du 21e siècle pour l’enseignement supérieur et la recherche. Au travers de différents initiatives, l'Université de Strasbourg cherche à favoriser le partage et la réutilisation des savoirs, afin de favoriser le débat public et de promouvoir un choix démocratique dans le domaine de la science. En ouvrant la démarche scientifique à toutes les étapes des projets de recherche, elle soutient les actions engagées et citoyennes de l’ensemble de sa communauté.

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