Par Elsa Collobert
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« Lisons, lisez de la poésie ! »

Globetrotteuse installée à Strasbourg depuis quatre ans, Mathilde Le Clainche y a fondé la Maison de la poésie. Ce plaisir de mots et de rimes, l’ingénieure de projets internationaux à la Direction des relations internationales (DRI) a appris à l’apprécier « avec le temps », et compte bien le propager autour d’elle ! À commencer par la manifestation « Le Printemps des Poètes », dont la quinzaine officielle débute ce 14 mars.

Une forme de spiritualité : c’est ainsi que Mathilde Le Clainche conçoit la poésie, une respiration, une aspiration à s’élever au-dessus de notre quotidien terre-à-terre.

Son coup de foudre à elle, véritable choc qui a agi comme porte d’entrée dans la poésie , a lieu au début de sa vie de jeune adulte. Je traversais une période un peu compliquée. Je me revois dans ma petite chambre à Paris, avoir trouvé un écho à mes états d’âme chez les Russes, Marina Tsvetaïeva, Anna Akhmatova, Vladimir Maïakowski, Sergueï Essénine – des écorchés vifs, des révoltés. Cette vibration, elle cherche encore aujourd’hui à la retrouver : C’est pour cela que je lis et relis de la poésie, sans me lasser, au gré de mes envies, de mes humeurs. 

S’ancrer 

Avant de s’enflammer pour la poésie, étudiante en hypokhâgne, je lisais des choses très classiques, plutôt des romans. Elle évoque une famille sensible à ce genre, sans toutefois se prendre trop au sérieux : ma mère pouvait nous réciter de la poésie populaire, comme Prévert. Et moi je suis tombée dans la lecture, enfant, par des collections grand public, comme les livres de Roald Dahl. De ses études en double filière franco-britannique à Sciences Po Lille, elle garde le goût pour la langue anglaise, et apprécie de pouvoir lire en version originale des poètes anglophones, notamment les poétesses de l’école confessionnaliste – Anne Sexton, Lucille Clifton, Wendy Cope. Mais aussi un regret : Ne pas avoir combiné études politiques et études littéraires, on est parfois un peu immature au moment des choix. Il faudrait y revenir plus tard ! Au rayon de ses figures inspirantes, elle cite la Polonaise Wisława Szymborska et la sud-africaine Ingrid Jonker, adoubée par Nelson Mandela, alors même qu’elle est issue d’une famille blanche pro-apartheid. Un bel exemple du pouvoir rassembleur de la poésie.

Quand elle pose ses valises à Strasbourg, en 2021, Mathilde Le Clainche voit la fondation d’une Maison de la poésie comme un projet susceptible de m’ancrer ici. Nous sommes une équipe très motivée de dix personnes, avec un groupe d’une cinquantaine d’adhérents, mais doté de très peu de moyens encore !  La création est officiellement actée en août 2024. J’avais eu l’occasion de fréquenter celles de Paris, Rennes, Nantes, alors cela m’a surprise qu’il n’y en ait pas à Strasbourg. Sa création intervient au milieu d’un revival  des Maison de la poésie, de Brest à Montreuil, en passant par Bordeaux, avec un intérêt renouvelé des jeunes notamment via les réseaux sociaux, se félicite la passionnée, qui n’hésite pas à ouvrir des recueils au hasard sur les tables des librairies pour faire de belles découvertes .

Tout sauf élitiste

Sa démarche, Mathilde la considère à rebours de tout élitisme : je veux promouvoir davantage qu’un format littéraire, mais des voix susceptibles de parler à notre humanité et notre part commune d’êtres sensibles. Pour cela, il lui tient à cœur de faire découvrir au public tout une palette d’auteurs, déjà reconnus mais aussi émergents : comme son coup de cœur pour la Québécoise Camille Redman-Prud'homme, la première que nous avons accueillie à la rentrée dernière, ou encore Jennifer Grousselas, avec laquelle une rencontre est organisée le 22 mars à la librairie L’Indépendante, dans le cadre du Printemps des Poètes (lire encadré). La toute jeune Maison de la poésie s'est aussi associée à l'organisation de l'Académie des écrivains, temps fort de Strasbourg Capitale mondiale du livre, en novembre dernier.

« Établir des liens avec les poètes et la poésie donne du sens à mes voyages » Comme elle est amenée à beaucoup voyager pour le travail, Mathilde en profite à chaque fois pour créer des connexions avec le monde de la poésie et des poètes : Cela donne du sens au voyage et fait partie de mes souvenirs les plus émouvants. Comme cette fois à Lomé, au Togo, où après avoir acheté son petit ouvrage au bibliothécaire du campus de l’université, qui en avait toujours en stock dans son bureau, je lis sur un banc en pierre à l’ombre du campus cette phrase parfaitement appropriée : “Ce monde n’a pas de toit”. Ou encore cette autre fois, en Bulgarie, où j’échange longuement avec le gardien de l’appartement du poète Peyo Yavorov, un vieux monsieur lui-même poète. Il a lu en moi comme dans un livre ouvert, et m’a profondément touchée… C’est sûr, je reviendrai à Sofia ! 

Éclosion du premier Printemps des poètes à Strasbourg, du 14 au 31 mars 2025

Le Printemps des poètes est une manifestation nationale et internationale, qui a pour vocation de sensibiliser à la poésie sous toutes ses formes. Le thème de cette année est « La poésie volcanique ».

  • Prochain rendez-vous de la Maison de la Poésie de Strasbourg : samedi 22 mars, 18 h 30, rencontre poétique avec Jennifer Grousselas, librairie L’Indépendante (Neudorf)
  • Agenda du Printemps des poètes 2025

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