Par Elsa Collobert
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« Une si belle histoire » pour sensibiliser aux fake news

Conçu grâce au soutien de Strasbourg Capitale mondiale du livre*, le livre audio « Une si belle histoire » brouille les pistes entre réalité et fiction. Ambition de Christophe Deleu (Centre universitaire d’enseignement du journalisme) et Marine Angé, ses concepteurs : immerger l’auditeur dans une véritable série à rebondissements, qui soit aussi un outil pédagogique impactant.

« Camille, le personnage principal de l’histoire, est une animatrice de podcasts interprétée par Camille Dagen, comédienne formée au Théâtre national de Strasbourg. Mais interviennent aussi de vrais journalistes, tel l’expert Philippe Piot, directeur départemental du territoire de Belfort pour le journal l’Est Républicain, spécialiste du droit de la presse », sourit Christophe Deleu. Auteur radio, professeur à l’Université de Strasbourg, enseignant au Centre universitaire d’enseignement du journalisme (Cuej), il s’amuse dans « Une si belle histoire », avec sa complice Marine Angé, artiste et musicienne, à brouiller les pistes entre réalité et fiction.

« Dix épisodes de trente minutes, soit une série fleuve, presqu’une saga, avec tous les ingrédients du genre : suspense, climax, cliff hangers… ! Intéresser l’auditeur à ce genre, la ‘fiction documentée’, est un pari. » Devant et derrière le micro, ils sont une dizaine, à prêter leurs voix et leurs compétences à la fiction audio. Tout comme les statuts (journaliste, avocat, artiste), les formats s’entremêlent pour former une trame hybride : extraits d’interviews, vocaux, archives télé reconstituées, immersion en coulisses…

Dérapage

Au cœur de l’intrigue, un sujet qui prête moins à rire : vingt ans après les faits, Camille, 30 ans, présentatrice du podcast quotidien à succès « La Belle histoire », souhaite revenir, dans un ultime épisode, sur une mystification médiatique : l’histoire de Julien, qui a connu son heure de gloire grâce à un pseudo-accident et sa miraculeuse guérison, qui n’ont en fait jamais eu lieu. Vingt ans après, la cause est entendue, l’histoire de Julien offre à jamais la preuve qu’il faut se méfier de la parole de tout témoin, même quand celui-ci est une victime qui se confie sur un traumatisme. Sauf que rien ne va se passer comme prévu pour Camille, et que ses bonnes intentions vont se retourner contre elle : c’est finalement celle qui rappelle ce dérapage médiatique qui va être accusée de dire le faux, et qu’on va tenter de faire taire.

« Une si belle histoire est un conte glaçant qui nous incite à être vigilant, et à nous interroger sur la profusion de récits qui nous est donnée à entendre », analyse Christophe Deleu. Même le nom du podcast animé par Camille, « Une belle histoire », est une mise en abîme, puisque celui que l’on écoute se nomme « Une si belle histoire ».

Crise de confiance envers les médias

« A travers cette histoire d’une jeune femme qui tente d’alerter le public sur les dangers des fake news, cette fiction met en lumière la crise de confiance qui touche aujourd’hui les médias. » Non seulement parce que sont d’abord convoquées les émotions et qu’il apparaît de plus en plus difficile de faire émerger le vrai, mais, une fois qu’il est porté à la connaissance du public, une partie de celui-ci continue de croire au faux récit. « On aimerait en faire un outil pédagogique, à disposition de structures comme le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (Clemi), car il y a une vraie partie documentaire, avec intervention d’experts, notamment juridiques sur le droit de la presse et le droit à l’oubli. »

Derrière une apparente simplicité, le questionnement est complexe : Comment vérifier la fiabilité des témoignages individuels, derrière une telle apparence de sincérité ? Camille est-elle journaliste, animatrice, où est la frontière ? Et les sources d’inspiration, nombreuses, que l’on pense à l’histoire du vrai-faux médecin Jean-Claude Romand ou, plus récemment, aux imposteurs du Bataclan…

« On est actuellement en plein montage, mais le climat a changé par rapport à la phase d’écriture, débutée il y a deux ans et demi. Trump est réélu aux Etats-Unis, on semble de plus en plus s’éloigner d’un rapport apaisé aux faits, avec tout l’enjeu démocratique que cela pose. Sans oublier la méfiance croissante qu’induisent les progrès de l’intelligence artificielle. » Ou quand la réalité rattrape la fiction…


 * Mais aussi de l’Université de Strasbourg, du ministère de la Culture, de la RTBF, produit par le studio indépendant Sonya

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