Sport et liberté d’expression sont-ils inconciliables ?
Série Objectif JO #11. En lien avec les Jeux olympiques de Paris, le colloque Liberté d’expression et sport s’est tenu à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg début avril. Organisé par des membres de la chaire de recherche collective franco-québecoise sur les enjeux contemporains de la liberté d’expression (CoLibex), il a réuni une vingtaine d’intervenants pour aborder les enjeux et parfois les difficultés de concilier liberté d’expression et sport.
Les sportifs ne parlent pas ou très peu. C’est une des conclusions de l’enquête menée sur la liberté d’expression chez les sportifs par Gaël Lejeune
, rapporte Hanane Karimi, une des organisatrices du colloque, chercheuse au Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles (Lincs, Unistra/CNRS) et membre de la chaire franco-québécoise, qui évoque une liberté d’expression très limitée et contrainte chez les athlètes avec des formes d’auto-censure.
En cause, le poids du « capitalisme sportif » et des enjeux financiers propres avec les sponsors et les organisations sportives. Tout doit être lisse, beau. Il y a une forme d’uniformisation de la parole, très encadrée, avec les points presse.
Et, en cas de transgression, des risques de conséquences financières et sur la carrière des sportifs. Des risques qui se posent avec différents niveaux de gravité et de danger en fonction des pays et du contexte.
Le casque LGBTI+ de Lewis Hamilton
Lorsque les athlètes trouvent un moyen indirect de s’exprimer, cela peut également appeler de nouvelles réglementations. Je pense au casque LGBTI+ porté par le pilote de Formule 1 Lewis Hamilton ou à des T-Shirts en faveur du mouvement Black Lives Matter portés par des joueurs du FC Barcelone.
Les françaises ne sont pas autorisées à porter le voile qui est autorisé par d’autres pays
A cette neutralité politique, plutôt transversale dans les différents pays, s’ajoute une neutralité religieuse plus spécifique à la France. Son extension à l’espace sportif questionne car elle est excluante et crée une forme de discrimination et de dissonance. Par exemple, les françaises ne sont pas autorisées à porter le voile qui est autorisé par d’autres pays. A l’inverse, d’autres pays obligent à le porter
, détaille Hanane Karimi qui évoque le rôle de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) sur ces questions.
Elle va notamment statuer sur le cas des hijabeuses, un collectif français créé en mai 2020 pour défendre le droit des joueuses de football de porter le voile lors des matchs officiels en France, et rendre un avis avant les JO, mais nous ne sommes pas très optimistes.
Une forme d’aseptisation jusque dans les tribunes
Côté législation, ce n’est pas la loi du pays où se déroulent les jeux qui s’applique aux athlètes mais celle de chaque fédération. Les JO possèdent par ailleurs une charte qui leur est propre contenant une notion de neutralité politique. Cette restriction n’est pas interrogée comme une atteinte à la liberté d’expression. Il y a une notion d’espace de paix et de mise de côté de cette liberté pour permettre aux jeux de se dérouler de la meilleure manière.
Cette aseptisation se retrouve même au niveau des tribunes avec une « sélection » des spectateurs via le prix des places et leur placement. Ou encore au niveau des journalistes sportifs victimes de menaces ou de pressions dans le cadre de la couverture d’évènements sportifs.
- Retrouvez la vidéo du colloque
- Pour aller plus loin, lire aussi : "Une chaire franco-québécoise dédiée à la liberté d'expression"
La série Objectif Jeux olympiques
Analyses de chercheurs, portraits d’étudiants sportifs… pour patienter en attendant le début des Jeux olympiques et paralympiques d’été 2024, Savoir(s) le quotidien vous propose une série d’articles en lien avec cet évènement sportif qui se tiendra à Paris, du 26 juillet au 11 août puis du 28 août au 8 septembre 2024.
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