La pratique sportive est-elle boostée par les Jeux olympiques ?
Série Objectif JO #10. Professeur des universités et démographe, Philippe Cordazzo a passé en revue le nombre de licenciés de plusieurs fédérations sportives pour évaluer l’incidence de deux olympiades sur la fréquentation des clubs sportifs. Existe-t-il un « effet JO » ? La réponse est plus nuancée que les idées reçues généralement véhiculées sur la question…
Cette étude est née d’une question simple : quand des Jeux olympiques se déroulent, est-ce que cela se traduit par une augmentation du nombre de licenciés dans les clubs sportifs ? Les médias diffusent des reportages sur une demande bien plus importante de nouveaux adhérents mais est-ce une réalité statistique ?
Pour répondre à ces questions, Philippe Cordazzo a scruté les chiffres de plusieurs fédérations sportives depuis 2016 – année où se sont déroulés les JO de Rio – jusqu’en 2022, dernière année où des données sont disponibles. Cette période couvre les jeux d’été organisés au Brésil et à Tokyo. Le panel de sports étudiés inclut des sports individuels majeurs (gymnastique, natation, athlétisme), des sports collectifs (basketball, handball, football, volleyball) mais aussi des sports emblématiques des Jeux olympiques et régulièrement pourvoyeurs de médailles pour la France (cyclisme, équitation, escrime et judo).
Pas de corrélation directe
Le fait qu’un sport glane des médailles lors d’une olympiade ne garantit pas un effet positif sur son nombre de licenciés
Si l’on prend uniquement en compte la tenue de Jeux olympiques, il n’y a pas de corrélation avec l’évolution du nombre de licenciés. Un tiers des fédérations voit ses effectifs rester stables, pour un autre tiers ils augmentent et enfin, dans le dernier cas, ils diminuent
explique l’enseignant-chercheur.
Et existe-t-il un « effet médailles » sur la pratique sportive ? Le fait qu’un sport glane des médailles lors d’une olympiade ne garantit pas un effet positif sur son nombre de licenciés. Après le parcours victorieux de l’équipe masculine de volleyball aux JO de 2021, la fédération française a connu une augmentation de 35 % de pratiquants. Dans le même temps, la fédération de handball a perdu 2 % de licenciés, et ce alors que le handball tricolore avait également réalisé une performance historique à Tokyo, en remportant les titres masculins et féminins !
Les observations sont sensiblement les mêmes en matière d’âge et de genre : les Jeux olympiques n’ont pas d’incidence sur la composition des fédérations sportives. La répartition homme/femme reste stable dans le temps, avec 62 % de pratiquants de sexe masculin et 38 % de sexe féminin. Les sportifs sont légèrement plus âgés d’année en année mais en suivant le même rythme que le vieillissement de la population.
Une multitude de facteurs entrent en ligne de compte
Nous ne sommes pas en présence d’un modèle déterministe : c’est en fait un ensemble de facteurs qui jouent sur la relation entre les Jeux olympiques et l’évolution du nombre de licenciés. La taille de la fédération entre en ligne de compte, la capacité à accueillir de nouveaux pratiquants, la médiatisation du sport, l’attachement affectif à une équipe ou un sportif, le facteur d’identification à un sportif emblématique, la communication mise en place par une fédération pour capitaliser sur les performances réalisées lors des JO...
, liste Philippe Cordazzo.
Les JO ont la particularité d’être un événement qui regroupe différentes disciplines. Il est dès lors difficile pour certaines de se distinguer dans le tumulte médiatique. La seule fédération dont le nombre de licenciés est en constante augmentation celle de tir. Ils profitent sans doute d’être une des premières épreuves de chaque olympiade. Ainsi, ils glanent souvent la première médaille française, ce qui leur assure une plus grande exposition
, observe le démographe. Mais si cette fédération voit son nombre d’adhérents croître sans cesse, c’est qu’ils s’y plaisent et y restent fidèle. Une performance d’un autre type…
La série Objectif Jeux olympiques
Analyses de chercheurs, portraits d’étudiants sportifs… pour patienter en attendant le début des Jeux olympiques et paralympiques d’été 2024, Savoir(s) le quotidien vous propose une série d’articles en lien avec cet évènement sportif qui se tiendra à Paris, du 26 juillet au 11 août puis du 28 août au 8 septembre 2024.