L’envers du décor olympique passé en revue
Série Objectif JO #13. Que se cache-t-il derrière la façade étincelante et médiatique des Jeux olympiques ? Les enjeux financiers, politiques et symboliques de ces méga-événements sportifs planétaires sont loin de faire l'unanimité parmi les citoyens. À l'occasion des Jeux de Paris, Michel Koebel, sociologue, membre de l’unité de recherche Sport et sciences sociales (UR 1342) et Sophie Louey, sociologue à Sciences-Po Paris, ont consacré le n°64 de la revue « Savoir/Agir » à la face cachée des Jeux olympiques.
Pourquoi avoir choisi de s’intéresser aux critiques et contestations des Jeux olympiques ?
Michel Koebel : J’avais déjà abordé le sujet des Jeux olympiques dans le cadre d’une étude menée avec Hugo Bourbillères, alors post-doctorant dans le laboratoire Sport et sciences sociales. Nous avions étudié la question de la participation des citoyens dans les candidatures européennes aux Jeux olympiques 2024. Cette première approche m’a donné envie d’aller plus loin pour essayer de cerner en quoi les discours des comités organisateurs locaux et du Comité international olympique sur l’acceptabilité des jeux sont une volonté sincère de prendre en considération l’avis des populations, ou bien uniquement des discours de façade. La ligne éditoriale de la revue est de révéler des enjeux cachés, faire le constat d’inégalités. Un événement majeur comme les Jeux olympiques méritait d’être traité.
La ligne éditoriale de la revue est de révéler des enjeux cachés, faire le constat d’inégalités
Sophie Louey : C’est intéressant de révéler les rouages de ces méga-événements et découvrir quelles sont les contestations qui viennent mettre des grains de sable dans leur mécanique bien huilée. J’ai appris beaucoup de choses en lisant les contributions que nous avons recueillies, notamment sur certaines critiques qui ne bénéficient que de très peu d’attention médiatique.
Quelles contributions avez-vous recueillies ?
MK : Nous n’avons pas voulu centrer la revue sur les seuls Jeux olympiques de Paris 2024. Nous avons couvert toutes les formes de contestations des Jeux olympiques dans le temps et l’espace, de façon transversale et interdisciplinaire. Des chercheurs en histoire, géographie, sociologie, économie ont rédigé des textes. On peut citer par exemple Christian Dimmer, chercheur allemand qui a étudié comment les citoyens et citoyennes ont été peu intégrés au processus de planification des Jeux de Tokyo de 2020. William Gasparini a traité des mouvements qui se sont opposés à la candidature de la ville de Rome pour les jeux de 2024. Enfin, pour ma part, j’ai abordé le référendum organisé à Hambourg pour sonder la population sur l’organisation des jeux de 2024.
Malgré leur rôle décisif pour le déroulement des compétitions, les arbitres ont un statut de bénévoles
SL : Au sommaire de la revue on retrouve également un article de Marion Philippe sur le difficile chemin parcouru par les femmes athlètes pour intégrer les épreuves olympiques, mis en parallèle avec les luttes féministes, dans une perspective socio-historique. Lucie Le Tiec s’est penchée sur la situation des arbitres, acteurs essentiels des olympiades dont on parle peu. Malgré leur rôle décisif pour le déroulement des compétitions, ils ont un statut de bénévoles et rencontrent de grandes difficultés à organiser de front leur vie professionnelle, personnelle et leur engagement dans le milieu sportif. Cette étude rend compte des fortes inégalités genrées entre hommes et femmes arbitres, ces dernières subissant davantage de contraintes liées aux configurations et organisations familiales. Enfin, la géographe Carmen de Jong a souhaité dénoncer, dans son article, les catastrophes environnementales engendrées par les jeux d’hiver depuis 30 ans. Elle met en évidence que les extinctions d’espèces végétales et animales liées à ces événements sont largement documentées mais que leurs modalités d’organisation n’ont pas évolué en conséquence.
Quels enseignements tirer concernant l’envers du décor olympique ?
M.K. : La contestation des Jeux olympiques existe depuis très longtemps mais semble désormais plus forte sur les questions environnementales et sécuritaires. On constate aussi une internationalisation des argumentaires. Les échanges entre acteurs des contestations sont facilités par les réseaux sociaux et on voit apparaître des mouvements tels que « Nolympics anywhere » à une échelle globale. Il est intéressant également d’observer que les contestataires réussissent à se battre avec très peu de moyens. Ils n’ont souvent à leur disposition que leurs idées et l’emploi des réseaux sociaux face à des comités d’organisation qui dépensent des dizaines de millions d’euros pour faire miroiter des retombées positives aux populations, comme l’amélioration des réseaux de transports ou de nouvelles infrastructures sportives. Pour qu’une opposition à l’organisation d’une olympiade fonctionne, il faut qu’elle repose sur des mouvements préexistants, qui se coordonnent, ce qui n’a été le cas que tardivement - trop tardivement - pour les Jeux de Paris 2024.
Conférence-débat le 25 juin
Le numéro 64 de la revue Savoir/Agir sera présenté par trois de ses auteurs à la librairie Kléber, sous forme de conférence-débat, le mardi 25 juin à 17 h. Il sera possible d’acquérir la version papier sur place (15€). La version numérique est accessible sur Cairn.
La série Objectif Jeux olympiques
Analyses de chercheurs, portraits d’étudiants sportifs… pour patienter en attendant le début des Jeux olympiques et paralympiques d’été 2024, Savoir(s) le quotidien vous propose une série d’articles en lien avec cet évènement sportif qui se tiendra à Paris, du 26 juillet au 11 août puis du 28 août au 8 septembre 2024.
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