Par Elsa Collobert et Marion Riegert
Temps de lecture :

Egalité-parité : iels s’engagent au quotidien !

Que ce soit à travers leurs sujets de recherche ou leurs missions, de nombreux personnels de l’université s’engagent au quotidien pour faire progresser la parité, dans les mentalités et en actes. Nous leur avons donné la parole !

« Témoigner, pour montrer que c’est possible ! »

« Pendant mes études d’astrophysique, je ne me suis jamais sentie illégitime ou bridée parce que j’étais une fille. Après… c’est vrai que j’y ai réfléchi à deux fois avant de postuler à la responsabilité du Planétarium de l’Unistra. Je ne saurai jamais dans quelle mesure mon genre y a contribué.

Ce sont surtout les très nombreuses actions menées par le Jardin des sciences depuis 2005, avec l’association Femmes & Sciences, portées par Christelle Spettel puis Lucile Schneider, qui m’ont permis de faire le lien entre des convictions féministes personnelles et mon milieu professionnel. J’ai ouvert les yeux. D’abord, des figures tutélaires 100 % masculines, Galilée, Copernic. Des observatoires astronomiques et des planétariums en large majorité pilotés par des hommes…

Le prisme de l’égalité, je l’ai donc maintenant en tête quand il s’agit de penser le futur Planétarium, à la fois le lieu (accessible à toutes et tous) et la programmation !

Moi, ma vocation s’est construite à travers des figures de femmes scientifiques que j’admirais – Claudie Haigneré, en premier lieu. Et des films, comme Contact, avec Jodie Foster jouant une astrophysicienne. J’aurais adoré, à l’adolescence, faire ce genre de rencontres, c’est pour ça que je témoigne dans les collèges et les lycées, pour montrer que faire carrière dans les sciences en étant une femme, c’est possible ! »

« Un intérêt né de mes activités de recherche »

« Mon intérêt pour l’égalité entre les femmes et les hommes est né de mes activités de recherche. La rédaction de ma thèse de doctorat portait sur l’influence du droit social européen sur le droit français et m’a fait découvrir les grandes avancées relatives aux discriminations issues de l’Union européenne. Je continue ces recherches à l’UMR Droit, religion, entreprises et société (Dres).

Ma nomination à l’Institut du travail m’a permis de travailler sur ce thème avec les organisations syndicales dans des stages sur l’égalité professionnelle. Ces stages existent depuis longtemps à l’institut, dans une pédagogie alliant le droit et l’économie (domaine piloté par ma collègue Michèle Forté). L’égalité professionnelle dans le secteur privé passe par la négociation collective et il est passionnant de voir comment avancer avec les acteurs de terrain. Cela m’a aidé à collaborer à des rapports de recherche sur ce sujet, notamment pour l’Organisation internationale du travail (OIT).

J’enseigne aussi ce thème aux étudiants du master 2 Droit social de la Faculté de droit et dans le séminaire transversal de lutte contre les discriminations, coordonné par Isabelle Kraus. L’égalité professionnelle n’est pas assurée, alors que juridiquement, c’est une obligation ! Plusieurs raisons d’espérer : ce thème est pris de plus en plus au sérieux par les organisations syndicales et davantage d’hommes s’inscrivent aux stages de l’institut.

C’est un sujet qui trouve beaucoup d’écho chez les étudiants. Certes, il y a eu l’effet #MeeToo sur les violences faites aux femmes, mais la lutte pour l’égalité est plus globale. Les responsables, à tous niveaux, doivent prendre en compte cette donnée. »

« Je vois mes actions comme des leviers de changement »

« J’ai eu une autre vie avant l’Unistra ! Enseignante de français langue étrangère, je travaillais pour des maisons d’édition à la conception de matériel pédagogique. J’ai toujours eu une sensibilité particulière pour les enjeux de l’égalité (les chiens ne font pas des chats !) et j’étais effarée du nombre de stéréotypes que l’on véhiculait, autant dans les supports pédagogiques que dans l’enseignement en lui-même. Suite à un regard réflexif sur mon parcours, j’ai réalisé un second master en études de genre, avec une spécialisation en lutte contre les discriminations, que j’ai conclu par un travail de recherche sur la formation du futur professorat des écoles aux questions d’égalité.

Conquise par le sujet, j’ai donc décidé d’y dédier ma carrière, puisqu’après un passage par une maison d’édition spécialisée dans la lutte contre les stéréotypes, me voilà aujourd’hui et depuis deux ans chargée de projets, précisément sur ces questions au sein de l’Unistra. Les enjeux sont protéiformes, puisque je travaille autant pour les étudiantes et étudiants que le personnel. La transversalité du travail est stimulante, puisque l’égalité peut et doit être appliquée à tous les domaines.

Parfois, les gens sont étonnés quant à l’intitulé de mon poste, mais en général je suis plutôt très bien accueillie ! On me demande souvent en quoi consiste mon travail exactement, alors que je vous jure que j’ai plutôt un sentiment de frustration tant il y aurait à faire. Je suis, en tant que chargée de projets, devenue plutôt un levier qu’une actrice en tant que telle, même si j’ai le plaisir d’intervenir au sein d’enseignements (Unité d'enseignement pour non-spécialistes dédiée à la lutte contre les discrimination, enseignement à l’égalité professionnelle au sein de l’Ecole européenne de chimie, polymères et matériaux-ECPM, animation d’un atelier dans le cadre des Rendez-vous des jeunes mathématiciennes et informaticiennes). Le niveau de sensibilisation de la toute jeune génération est prometteur ! »

« Un usage non-sexiste de la langue permet d’acculturer à l’égalité »

« J’ai toujours été très sensible à la question de la justice, mais je crois que mon engagement féministe est né au moment des débats pour l’ouverture du mariage à tous les couples. La violence des échanges et des insultes m’a transformée. J’ai choisi à ce moment de reprendre des études de sociologie du genre à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) pour m’outiller intellectuellement. J’avais besoin d’avoir les bons mots pour me dire et me défendre, en même temps que d’autres. Mes recherches ont naturellement porté sur les usages de la langue dans le droit pour désigner un groupe marginalisé, les personnes trans.

Pour moi, le langage est au cœur de notre expérience sociale comme de notre vie intime, et à ce titre il doit être utilisé avec intelligence. Il peut être source d’une grande violence, légitimer certaines pratiques, véhiculer et entretenir des stéréotypes, mais aussi rendre visible, interpeller, protéger dans la loi, soigner, etc. Évidemment, les mots ne font pas tout, mais je crois vraiment qu’un usage non-sexiste de la langue permet beaucoup de choses, et en premier lieu d’acculturer à l’égalité.

Quand je suis arrivée dans les bibliothèques de l’Unistra, en 2019, j’ai immédiatement transposé ces questions dans le cadre professionnel : va-t-on m’interdire d’utiliser certains outils d’écriture inclusive, encore trop peu académiques ? A l’inverse, comment le questionnement sur le langage de l’administration peut-il s’inscrire dans la démarche d’inclusion et d’accessibilité chère à l’Unistra ? J’ai choisi d’en adopter un usage raisonné mais non moins continu. On m’a très vite questionnée et interpellée, souvent avec intérêt ; j’ai donc décidé de proposer un atelier Langage non-sexiste pour la Semaine internationale des droits des femmes, en 2020. Et ça a pris ! J’ai été sollicitée l’année suivante par la mission Egalité-Parité, et les ateliers ont trouvé leur public.

Aujourd’hui, mes missions ont évolué vers de la communication « pure et dure ». C’est une évidence : je dois m’interroger sur la façon la plus juste de m’adresser aux publics pour lesquels je communique. Je suis ravie que ce sentiment fasse de plus en plus écho au sein de la communauté universitaire !*  »

* Ce texte a été écrit dans un langage inclusif. Non, vous n’y avez pas vu de point médian : il n’y en a pas eu besoin ! Une langue non-sexiste va bien au-delà des points… de crispation.

« Ne véhiculons-nous pas tous des idées discriminantes ? »

« Au cours de ma carrière, je pense avoir pris conscience assez progressivement des enjeux de l'égalité entre les hommes et les femmes, et plus généralement, des discriminations dans le monde professionnel. Au fil des mois et des années, j'ai involontairement additionné toutes ces petites remarques que j'entendais, qui paraissent souvent anodines, et qui ont pris masse à un moment donné dans mon esprit : ne véhiculons-nous pas, nous tous, parfois, sans nécessairement en être conscients, des idées sexistes, racistes et homophobes ? 

Grâce à la formation Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à l’université, j'ai ainsi pu rencontrer Joëlle Braeuner (sociologue et formatrice) et Isabelle Kraus (vice-présidente Egalité-Parité-Diversité) qui m'ont apporté les clefs de compréhension de ces mécanismes et les ressources pour lutter contre ces phénomènes. Je retiendrai particulièrement les textes de lois, décrets et dispositifs mis en place par l'Etat, que je peux mobiliser dans mon contexte professionnel, comme personnel.

Dans une optique de transmission, j'ai eu l'occasion d'intervenir auprès d'étudiants pour partager mon expérience lors d'une journée de sensibilisation à l'Ecole européenne de chimie, polymères et matériaux (ECPM) au sein de l'Unité d'enseignement libre Les discriminations : identification, compréhension et moyens d’action. J'ai été épaté par le niveau de connaissance de cette jeune génération et cela donne espoir pour un monde toujours plus inclusif, qui reste encore à consolider. »

« Apporter les éléments pour construire le changement »

« J’ai mis du temps à réaliser qu’être femme avait un impact dans mes études puis mon travail. Je ne niais pas l’existence d’inégalités mais j’avais l’impression d’avoir été épargnée. Mon questionnement était tourné vers l’Univers et je "n’avais pas le temps pour cela". Mais à force d’y être confrontée, directement ou non, j’ai commencé à m’intéresser aux questions de l’égalité entre les femmes et les hommes.

J’ai eu la chance de pouvoir suivre des formations de qualité et de niveau croissant à l’Université de Strasbourg. J’ai rencontré des personnes avec qui j’ai pu confronter mes représentations et affronter mes idées reçues. Cette connaissance et prise de conscience qui me transformait, j’ai naturellement voulu la partager.

J’ai rejoint des collègues au sein du groupe femmes.en.astronomie et de la commission Femmes et Astronomie de la Société française d’astronomie et d’astrophysique. Nous construisons ensemble diverses actions pour notre communauté de recherche. Localement, je me suis engagée en tant que référente égalité à l’Observatoire astronomique de Strasbourg, en binôme avec Christophe Saillard, au sein du réseau des référents de la délégation Grand Est du CNRS et de celui de l’Institut national des sciences de l’Univers.

Je me réjouis de l’engouement général et des multiples actions qui se font à Strasbourg, en France et à l’international. Je sais qu’il faudra du temps pour faire changer les choses en profondeur, mais le cap pour l’égalité est fixé dès maintenant. »

« J’ai longtemps cru que l’égalité était acquise »

« Tout commence le 8 mars 1946, date de naissance de ma mère ! Elle ne manquait pas d’évoquer cette date à chacun de ses anniversaires, pendant que mon père cuisinait et qu’elle lisait un livre de Benoîte Groult. J’ai alors longtemps cru que l’égalité était acquise ! 

Jusqu’à une formation, en 2013, où on m’a remis les fameuses ‘’lunettes du genre’’ : celles qui permettent de voir les inégalités qui persistent dans notre société ! Au début, ma vision était encore floue mais à force de lectures, de conférences, de rencontres… j’ai commencé à y voir plus clair, en particulier les stéréotypes de genre que perpétuent dans leurs classes, sans s’en rendre compte, les enseignants et enseignantes stagiaires de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé) : des garçons davantage interrogés mais plus souvent sanctionnés, des filles qui veulent effacer le tableau mais qui ne peuvent pas jouer au foot à la récré ! J’ai alors proposé en 2017 un module optionnel en master Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (Meef), dédié à l’éducation à la sexualité et à l’égalité fille-garçon, qui a permis de former environ quarante futurs professeurs et professeures des écoles par an. C’était un bon début ! 

En 2021, le directeur de l’Inspé, Philippe Clermont, m’a offert sa confiance pour construire le plan de formation d’une nouvelle matière, cette fois obligatoire, dédiée à l’égalité fille-garçon et à la lutte contre les stéréotypes et les discriminations, pour que tous nos futurs enseignantes et enseignants soient conscients de ces problématiques et puissent éduquer, à leur tour, leurs élèves, pour un avenir plus juste et plus égalitaire : pour que les filles osent faire des sciences et du numérique, pour que les garçons ne se sentent pas obligés de répondre aux injonctions de virilité que leur impose la société. »

* Estelle Flatter tient à se définir comme « professeuse, nom qui était d'usage avant que l'Académie française ne le supprime ! »

« Organiser une conférence-spectacle sur l’éducation genrée à l’Unistra »

« Avec ma collègue, Jeanne Teboul, nous avons organisé, en décembre dernier, la venue d’Antinéa Lestien à l’Université de Strasbourg. Cette animatrice du collectif rEGALons-nous ! nous a présenté sa conférence-spectacle, L’Arnaque de la princesse, dans la salle de conférences de la Maison interuniversitaire des sciences de l'homme - Alsace (Misha).

L’Arnaque de la princesse s’inspire des conférences gesticulées. Il s’agit d’un format scénique hybride : souvent drôle, parfois théâtralisé et toujours radical. Antinéa Lestien nous a raconté une histoire individuelle, incarnée, mise en résonance avec des connaissances historiques, théoriques et statistiques. Cette conférence-spectacle nous a proposé un point de vue sur l’éducation genrée et nous a invités à réfléchir sur le continuum entre éducation et culture du viol.

Cet événement, financé par la Commission scientifique de la Faculté des sciences sociales et la mission Egalité-Parité de l’Unistra, était principalement destiné aux membres du personnel et aux étudiantes et étudiants des masters de la faculté. Une cinquantaine de personnes étaient présentes. »

« Déconstruire les stéréotypes, pour en finir avec les biais de genre en orientation »

« J’ai toujours eu des convictions féministes. Mes études d’histoire, mon intérêt pour l’actualité et la conscience des enjeux liés à l’accès à une information fiable les ont renforcées au cours du temps.

Notre université, au travers des événements proposés lors des différentes éditions de la Semaine internationale des droits des femmes, m’a permis d’ouvrir le champ de mes connaissances et de tisser un réseau de collègues, femmes et hommes, intéressés par cette thématique. De plus, j’ai bénéficié des sessions de formation continue Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à l’université et de la présentation du dispositif de lutte contre les Violences sexistes, sexuelles et homophobes (VSSH) de l’Unistra – je communique régulièrement à ce sujet aux collègues de mon service.

Enfin, depuis 2019, je fais partie de l’équipe pédagogique pluridisciplinaire de l’Unité d'enseignement Les discriminations : identification, compréhension et moyens d’action, à laquelle j’apporte mon expertise en terme de ressources sur les biais dans l’orientation scolaire et professionnelle. Quand on constate, aujourd’hui encore, que malgré l’inscription de l’éducation à la sexualité dans le Code de l'éducation depuis 20011, essentielle pour prendre conscience et déconstruire les stéréotypes sur les rôles différenciés des filles et des garçons en matière de sexualité et de normes, en moyenne seulement 13 % de ces séances sont effectivement réalisées2, on ne peut pas s’étonner du fait que le poids de ces stéréotypes de genre continue à peser lourdement sur les choix scolaires et conditionnent les études et les futurs métiers3.

Nous sommes chaque jour au contact de jeunes dont les études constituent un moment déterminant dans le parcours personnel et professionnel. Pour moi, des efforts majeurs doivent donc encore être réalisés bien en amont sur l’information et l’éducation à l’égalité. Car l’idée selon laquelle notre société y est parvenue est fausse, il n’y a qu’à parcourir un des derniers ouvrages de Michelle Perrot4 pour en avoir la brillante démonstration. »

1 Articles L121-1 et L312-16, depuis la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001.
2 Dossier de presse de l'enquête #NousToutes sur les séances d’éducation à la sexualité (janvier 2022).
3 Cf. entre autres les travaux de la psychologue Françoise Vouillot, ex-maitresse de conférences en psychologie de l’orientation - Le Cnam-Inetop, responsable du groupe OriGenre (orientation et genre) et ancienne présidente de la commission Lutte contre les stéréotypes et rôles sociaux du Haut conseil à l’égalité F/H.
4
La place des femmes : une difficile conquête de l'espace public (disponible en BU).

Catégories

Catégories associées à l'article :

Mots-clés

Mots-clés associés à l'article :

Changer d'article