Deux amphithéâtres reçoivent le nom d'agrégées des facultés de droit
Une cérémonie s'est déroulée lundi 10 mars 2025 à la Faculté de droit, de sciences politique et de gestion, pour dénommer deux amphithéâtres aux noms de Danièle Huet-Weiller et Hélène Sinay, toutes deux agrégées des facultés de droit, à une époque qui ne comptait que très peu de femme professeur. À cette occasion, trois universitaires, parties-prenante de l'actuelle faculté, offrent leur contribution à cette histoire remise en lumière.
Danièle Huet-Weiller et Hélène Sinay, toutes deux agrégées des facultés de droit, à une époque qui ne comptait que très peu de femme professeur, ont chacune selon leur manière, exprimé ce qu’était l’universitaire : un être animé par une double mission, celle de la recherche et celle de la transmission.
Hélène Sinay et Danièle Huet-Weiller, tout au long de leur carrière, ont en effet considéré avec gravité l’étroite relation entre activité doctrinale et enseignement. Ce mouvement de l’esprit, initié au profit des étudiantes et des étudiants, n’était pas clos sur lui-même ni reclus dans l’amphithéâtre. Au contraire, il se voulait pour chacune d’entre elle, selon son intuition, selon sa spécialité, en droit de la famille ou en droit du travail, au service de la société parce que, sans nul doute – et Danièle Huet-Weiller et Hélène Sinay le savaient bien – la vocation fondamentale de l’université est la quête continuelle de la vérité à travers la recherche, la préservation et la diffusion du savoir, pour le bien de la Cité tout entière.
Ces deux universitaires, chacune selon sa sensibilité, ont ainsi promu une culture humaniste et, loin de réduire l’horizon humain au niveau de ce qui est mesurable et quantifiable, ont intégré dans leur réflexion la question fondamentale du sens.
C’est donc avec une profonde conviction que la Faculté de sciences politiques et de gestion, sur proposition de l’université, a décidé de la nouvelle dénomination des amphithéâtres Danièle Huet-Weiller (anciennement Athéna) et Hélène Sinay (anciennement amphithéâtre 29 de l’Escarpe).
Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu
Professeur d’histoire du droit et des institutions/UMR Droit, relation, entreprise et société (Dres)
Doyenne de la Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion
Danièle Huet-Weiler
Danièle Huet-Weiller a été une des personnalités marquantes de la Faculté de droit de Strasbourg au cours de la seconde moitié du 20e siècle. Marquante par sa personnalité, précisément : son enthousiasme et son charisme ont séduit tant ses étudiants que ses collègues. Marquante par son investissement total dans la vie de l’institution, assumant de nombreuses fonctions, dont celle de directrice du « département recherches » pendant de nombreuses années. Marquante par son aura scientifique.
Née en 1938, elle a, après un parcours particulièrement brillant, fait bénéficier de ses enseignements des générations d’étudiants pendant une trentaine d’années, avant que sa brillante carrière ne fût brisée très prématurément par un mal cruel.
Licenciée en droit à 19 ans, docteur en droit à 24 ans, elle a été brillamment reçue au concours d’agrégation des Facultés de droit dès l’année suivante, moyennant une dispense d’âge (il fallait avoir 25 ans révolus pour s’y présenter).
Outre sa thèse de doctorat soutenue le 16 mai 1962 (« Abus de droit et propriété littéraire et artistique. Étude de droit français et de droit comparé », dotée du prix de thèse de la faculté), Danièle Huet-Weiller laisse une œuvre scientifique importante, principalement consacrée au droit de la famille. En témoignent plusieurs ouvrages écrits en collaboration, mais aussi de très nombreux articles, chroniques, commentaires de jurisprudence, interventions à des colloques, contributions à des ouvrages encyclopédiques, tels que le Répertoire civil Dalloz ou la JurisClasseur civil LexisNexis. Méritent d’être spécialement cités deux volumes du traité de droit civil initié par le professeur Jacques Ghestin, publiés en collaboration avec le professeur bordelais Jean Hauser, respectivement, en 1989, sur la fondation et la vie de la famille, et en 1991, sur sa dissolution. Même si bien des choses ont changé depuis en la matière, ces ouvrages continuent de faire autorité.
Un volume posthume de Mélanges lui a été dédié par une quarantaine de collègues et amis français et étrangers.
Danièle Huet-Weiller était chevalier de l’ordre national du mérite et officier des palmes académiques.
Le souscripteur de ces lignes s’honore d’avoir été successivement son étudiant lorsqu’elle était jeune – très jeune – assistante, son assistant lorsqu’elle est devenue professeur, son collègue pendant les deux décennies suivantes – son ami, aussi, ainsi que celui de son mari André, disparu en 2023 – et finalement son doyen lorsqu’elle nous a été arrachée, le 24 mai 1992.
Philippe Simler
Professeur émérite
Doyen honoraire de la Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion
Hélène Sinay
Le professeur Hélène Sinay a profondément marqué la Faculté de droit de Strasbourg tant elle a œuvré au développement de l’enseignement et de la recherche en droit social. Animée de convictions fortes, elle fut une chercheuse reconnue sur le droit syndical, notamment grâce à son ouvrage de référence sur le droit de grève. Elle soutint sa thèse de doctorat en 1942 à Clermont-Ferrand, ayant suivi l’Université de Strasbourg en exil sous l’occupation. Menacée parce que juive, elle dut soutenir dans un lieu clandestin. En 1955, elle est nommée professeur à la Faculté de droit de Strasbourg, après la réussite du concours d’agrégation. Elle créa le DEA de droit social au sein de la faculté et contribua à l’existence un vivier de spécialistes du droit social à Strasbourg, grâce à ses nombreux doctorants. Elle apporta un soutien décisif à l’Institut du travail de Strasbourg, créé par Marcel David en 1955.
Nicolas Moizard
Professeur de droit social à l’Institut du travail/UMR Droit, religion, entreprise et société (Dres)
Directeur de la Maison interuniversitaire des sciences de l'homme-Alsace (Misha)
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