Par Myriam Niss
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Rendre visibles les femmes qui ont marqué l’histoire de l’université

Parmi 1 328 lieux recensés à l’université, neuf seulement, à l’heure actuelle, portent le nom d'une femme ou d'un personnage féminin. Pour améliorer ce décompte flagrant, une dizaine de lieux vont être nommés de noms de femmes ayant œuvré pour l’université.

Sur 38 amphithéâtres, seul l’un d’eux porte un nom de femme… et de plus il s’agit d’Athéna, qui est une déesse !  s’exclame Isabelle Kraus, vice-présidente Égalité, parité, diversité. Ce constat avait provoqué une large consultation, lancée le 8 mars 2023, destinée à donner à huit amphithéâtres le nom de huit femmes ayant marqué l'histoire de notre institution . Trois conditions étaient posées aux "candidates" : n’être plus de ce monde, avoir travaillé ou étudié à l’Université de Strasbourg et avoir contribué au rayonnement de l’Université de Strasbourg, de l’Alsace ou de son pays par ses travaux ou ses réalisations.
La participation à la consultation, au sein de l’université mais aussi venant de l’extérieur, a permis d’obtenir 281 propositions, dont un cinquième répondait bien aux critères . La sélection des noms résultant de la consultation s’est faite en
discussion au sein de l’équipe présidentielle et avec la commission de nommage de l’université. S’y sont rajoutées quelques suggestions, par la Faculté des langues ou encore par des alumni, comme par exemple le nom de Geneviève Lebeurier, qui a été professeure de virologie, directrice de l’UFR des sciences de la vie et de la terre de l’Université Louis-Pasteur et s’est distinguée par son écoute exceptionnelle envers les étudiants et son souci de les guider dans leur orientation en recherche . Autre exemple, issu lui, de la consultation : un des amphithéâtres du Palais universitaire portera le nom de Yvonne Rokset. Recrutée en 1937 à l’Unistra en tant que maîtresse de conférences, elle est la première femme qui enseigne la musicologie à l’Unistra.

Un vrai enjeu de reconnaissance
 

Amphithéâtres, salles ou bibliothèques, ces lieux se situent au Palais universitaire, à l’Institut Le Bel, dans les bâtiments du campus de l’Esplanade, comme le Patio et l’Escarpe, ainsi que dans les trois IUT. Une dizaine de lieux vont ainsi être
nommés au féminin. C’est une consultation riche, qui a permis d’effectuer un fascinant périple dans différentes disciplines et statuts, en lettres, langues, géologie…, souligne Isabelle Kraus. Et dont rien ne sera perdu : De nombreux autres noms de femmes, toutes dignes d’intérêt, émergent de la consultation. Nous les gardons en mémoire pour une future promotion de nommage. Une ou deux salles pourraient aussi porter des noms de personnels non-enseignants apparus lors de la consultation, d’autres noms ont aussi émergé en médecine, alors que ce bâtiment n’était pas prévu . Pour Nicolas Matt, vice-président Patrimoine et partie prenante de l’initiative, ces changements constituent un vrai enjeu de reconnaissance du travail des femmes. Il souligne cependant que renommer des espaces de l’université, ce n’est pas juste poser une plaque. Car les changements de noms doivent être soigneusement répertoriés et intégrés dans la
base de données, en relation avec les directions du patrimoine immobilier et des moyens généraux. Ce qui nous contraint à procéder progressivement en matière de nommages et de renommages !  Mais il serait question aussi de la réalisation d’un recueil qui, évoque Isabelle Kraus, rendrait compte de ce beau voyage tracé par la mise au jour de tous ces noms de femmes, à partager avec toutes et tous.

Portraits

À l’initiative de la Faculté des langues, l’amphithéâtre 4 du Patio va être baptisé du nom d’une femme qui s’est employée à développer les études de langues orientales. À Strasbourg, Irène Mélikoff a dirigé le Département d’études turques de 1968 à 1989 et est à l’origine de la création du Département d’études persanes. Née à Saint-Pétersbourg en 1917, elle est morte à Strasbourg en 2009. Elle était la fille d’un riche industriel de Bakou. Sa famille a émigré à Paris en 1919. Grande figure de l’orientalisme, de la turcologie et de l’islamologie, Irène Mélikoff s’est spécialisée dans l’étude du mouvement alévi bektachi (une forme d’islam hétérodoxe populaire) de Turquie. Irène Mélikoff a étudié la langue turque à la Sorbonne et s’est très vite intéressée à la littérature épique. Son premier ouvrage, publié en 1954, s’intitule Le Destan d’Umur Pacha.

Annie Cheminat (Maine-et-Loire, 1943 – Strasbourg, 2022) va donner son nom à un amphithéâtre de l’IUT Louis-Pasteur, à Schiltigheim. Nommée professeure en 1993, elle a contribué à la mise en place du Département de biologie appliquée. Ses
activités de recherche se sont déroulées au sein du laboratoire dirigé alors par Guy Ourisson. Annie Cheminat a aussi occupé plusieurs fonctions institutionnelles, notamment en tant que vice-présidente chargée de la formation initiale et continue de l’Université Louis-Pasteur de Strasbourg. Elle a contribué à créer l’Observatoire régional de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle des étudiants (Oresipe), puis en a été la directrice pendant dix ans. Elle a aussi participé à la mise en place et à l’animation du réseau des alumni. Elle a été nommée rectrice de l’académie de Nantes sous la présidence de Jacques Chirac.

Article initialement paru dans Savoir(s) magazine n° 49, novembre 2024, « Égalité·s Diversité·s »

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