Par Edern Appéré
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« Couleur Fauve » : les étudiants mettent en ondes le VIH

Mardi 7 novembre, la salle de spectacle de La Pokop bruissait d’« Échos, une traversée radiophonique et sonore autour du VIH ». Au cœur de cette proposition artistique et journalistique, une émission radio conçue et réalisée en direct par des étudiants de l’université.

En s’inscrivant à cet atelier, aucun des étudiants ne s’attendait à faire un plateau radio live d’une heure, créé de A à Z par eux-mêmes, en public, sur un sujet aussi sensible, relate Béatrice Dedieu, de la troupe radiophonique ombres vagabondes. De concert avec Marie Patat et Lucy Charpie, elle a dirigé cette activité dans le cadre des Ateliers culturels, dispositif du Service universitaire de l’action culturelle qui offre la possibilité aux étudiants de deuxième et troisième année de licence de mettre à profit leur UE libre pour découvrir ou approfondir une pratique artistique et culturelle.

Le but : les accompagner à construire une émission qui forme un tout cohérent

En l’espace d’un mois et demi et avec l’aide de ces trois intervenantes, sept étudiants se sont familiarisés tant avec les outils techniques de captation et de création sonore qu’avec la construction d’une ligne éditoriale. Le but de cet atelier est de transmettre aux participants les fondamentaux de la création radiophonique pour que chacun puisse en sortir en étant autonome sur la prise de son, le montage audio, le choix d’un angle pour aborder un sujet. Pour cette session on a choisi d’aller au-delà de la production de contenus sonores isolés, pour les accompagner à construire, plutôt, une émission qui forme un tout cohérent.

Avec des étudiants issus de filières aussi variées que le design, la musicologie ou bien encore le japonais, la première étape a consisté à instaurer de la confiance, de la complicité et de la solidarité au sein de cette petite équipe. D’autant que l’exercice final de l’émission en direct imposait un travail collectif : Des étudiants ont réalisé un reportage ou une chronique, d’autres ont assuré la régie, présenté l’émission, d’autres encore ont joué le jeu de l’interview avec invité. Les étudiants ont appris l’autonomie dans tous ces domaines, jusqu’à composer et interpréter l’habillage sonore !

Des rencontres marquantes

Si Béatrice Dedieu avait déjà mené un atelier radio lors du semestre précédent, celui-ci revêt une dimension particulière : On m’a demandé cette fois-ci de réaliser un travail qui entre en résonance avec l'exposition "Au temps du sida : œuvres, récits et entrelacs" proposée par le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg. L'Université de Strasbourg propose en effet, durant tout le mois de novembre, un temps fort intitulé « (In)visible, (in)dicible : 40 ans de VIH », pour revenir sur les perceptions passées et mieux comprendre les enjeux actuels et à venir liés à cette maladie.

Un sujet à travailler avec sérieux, avant même de le mettre en sons et en ondes : L’épidémie de VIH est un sujet tabou, qui évoque la sexualité, la mort et touche à des questions de "sérophobie". On aborde le champ de l’ignorance et de la peur. C’était au départ, un vrai enjeu de se sentir légitime sur la question, en tant que femme séronégative, explique la créatrice. Je me suis énormément renseignée, et notamment en allant à la rencontre de militants associatifs strasbourgeois, pour être davantage au clair sur ce sujet, déconstruire des clichés. Cet important travail de défrichage mené en amont a permis aux étudiants de rencontrer de nombreuses personnes en lien avec le VIH, aux profils, témoignages et histoires variées. Des rencontres fortes comme avec Manou Lang. Cette octogénaire pleine d’énergie a consacré une bonne partie de sa vie à l’association Aides, après la disparition de son fils Michel, emporté par le Sida.

À rebours des émissions radio où interviennent habituellement des praticiens hospitaliers ou des chercheurs qui essayent de mettre au point un vaccin anti-VIH, Couleur Fauve, l’œuvre radiophonique collective des étudiants, « visibilise l’invisible » et humanise cette maladie. Une émission à réécouter en replay.

Témoignage d’Elisa, participante à l’atelier de création radiophonique

« Je me suis inscrite à cet atelier car j’écoute beaucoup de podcasts et de sons, j’avais envie de découvrir comment on les fabrique. Je suis étudiante en 3e année de licence études chorégraphiques, cet atelier avait pour objectif de me sortir de ma zone artistique !

On était 7 étudiants avec des profils très divers donc beaucoup de choses à s’apporter mutuellement. Aucun de nous ne se connaissait avant. Dès la première séance on s’est très bien entendus car les intervenantes nous ont fait faire un tour de table très ludique pour nous présenter.

Les ateliers étaient très riches et intenses. Ils duraient soit un samedi après-midi, soit la journée entière, de 9h à 16h. On y a abordé les aspects techniques comme le fonctionnement des micros pour faire des interviews, mais aussi comment réaliser une émission, comment réfléchir à une thématique. Chaque atelier était différent. Durant l’un d’eux on a visité l’exposition du Musée d’art moderne consacrée au VIH, pendant un autre on a regardé des films et documentaires sur ce sujet. On a aussi rencontré des infirmières et puis Manou, qui est intervenue pendant l’émission. C’était très fort de discuter avec ces personnes qui ont connu la période où l’épidémie de VIH était la plus forte. J’ai pu en apprendre davantage sur le VIH et aussi prendre conscience des discriminations face à cette maladie. J’ai compris pourquoi il est important de continuer à en parler aujourd’hui.

Durant toute la durée des ateliers nous nous sommes très bien entendus avec les trois intervenantes. Elles avaient une belle écoute, la volonté qu’on soit à l’aise. C’était vraiment très agréable de travailler avec elles !

Cet atelier m’a donné plein de clés. Il m’a appris comment écrire un texte pour qu’il soit lu à l’oral : quelles tournures de phrases utiliser, comment le rendre vivant. Il m’a aussi beaucoup apporté en matière d’expression orale, pour poser ma voix en public. Ça me sera très utile pour la suite de mes études.

Je suis très fière d’avoir réussi à réaliser une émission de radio en seulement un mois et demi. C’était un challenge ! Et c’est super d’avoir un produit fini au bout du compte.

C’est vraiment une expérience très enrichissante. Je garderai toujours en souvenir l’image de nous sur le plateau lorsque le générique se lance... »

À propos d’ombres vagabondes

ombres vagabondes est une troupe radiophonique fondée en 2022 dont la direction artistique est assurée par Béatrice Dedieu et Marie Patat. La troupe explore et développe des espaces de créations artistiques entre amateurs, amatrices, professionnels et professionnelles par la radio, le théâtre et les récits documentaires. Dépliant de nombreuses créations au coeur de l’éducation artistique et culturelle territoriale (Raconter Demain, résidence artistique en milieu scolaire, Ecouter Voir, ateliers culturels du Service universitaire de l’action culturelle de l’Université de Strasbourg), les ombres vagabondes travaillent également auprès d’institutions culturelles (Maison Jacques Copeau, Festival Démostratif, La Pokop, Alliance pour la lecture, Médiathèque André Malraux) et auprès de publics du champ social (Maison d’arrêt de l’Elsau).

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