« Au sein des bibliothèques, on ne manque pas d’idées ! »
Former étudiants et bibliothécaires à la recherche documentaire à l’heure des IA génératives, tel est l’enjeu pour les 23 bibliothèques du réseau universitaire. Avec une problématique de taille : la fiabilité des sources. Nécessairement transversale, la réflexion est menée au niveau du site Alsace, nous expliquent Magali Risch et Damien Laplanche (Service des bibliothèques), épaulés dans cette mission par Justine Aubry, ingénieure pédagogique rattachée à l’Institut de développement et d’innovations pédagogiques (Idip).
Face au déferlement tous azimuts de l’IA générative (IAG), s’impose la nécessité d’une réponse coordonnée. C’est le constat fait dès la fin de l’année 2022 au sein du Service des bibliothèques, et particulièrement parmi l’équipe du pôle Formation.
En jeu : L’accès à des sources fiables pour les étudiants que nous formons à la recherche documentaire, de la licence au doctorat, dans toutes les disciplines
, explique Damien Laplanche, responsable du Pôle formation. ChatGPT et consorts n’ont en effet pas tardé à prendre le relais de Google et autres moteurs de recherche. Or, il s’avère nécessaire de savoir faire le tri parmi des sources plus ou moins pertinentes. Cela fait partie des compétences informationnelles que nous avons pour rôle de développer chez nos étudiants
– plus de 13 000 formés en 2023 –, complète Magali Risch, responsable des formations en Sciences humaines et chargée de l’innovation pédagogique au sein du pôle Formation. On tient par exemple à leur montrer que tous les catalogues et bases de données ne sont pas moissonnés de la même façon par les algorithmes. Donc, qu'ils n’obtiennent pas forcément des résultats fiables en passant par l’IA, plutôt que par le portail du Service des bibliothèques.
Kit de survie
Il a donc d’abord fallu former les formateurs
, soulignent de concert les deux bibliothécaires, qui ne manquent ni de ressources, ni de motivation. Nous avons dès le départ pu compter sur un noyau de collègues particulièrement motivés et intéressés, notamment Eymeric Manzinali, qui ont commencé à explorer le fonctionnement des IA.
Un premier niveau de formation a permis d’acculturer 65 formateurs.
« Inciter les collègues à s'investir dans le sujet, tout en restant critiques »
Objectif : Doter le plus de monde possible, les formateurs mais aussi tous les collègues des bibliothèques, d'une sorte de “kit de survie” adapté aux compétences métier, forcément impactées par cette révolution technologique
, détaille Damien Laplanche. Nous les avons sondés via une enquête : tout comme les enseignants, en ressort un mélange d’intérêt, d’enthousiasme, de peur, de méfiance… Il est donc prioritaire de rassurer, d’outiller les collègues, pour qu’ils ne se sentent pas démunis face aux attentes des étudiants, et aussi de démystifier l’IA
, complète Magali Risch. En d’autres termes : Les inciter à s’investir dans le sujet, tout en restant critiques
.
Accélérer en 2025-2026
Parallèlement, l’Idip s’est rapproché du Service des bibliothèques, pour recruter conjointement Justine Aubry, ingénieure pédagogique en IA. Son poste est partagé entre les deux services. « Le module d’autoformation des étudiants à l'IA a constitué un excellent prétexte et un point de départ pour travailler ensemble », souligne l’ingénieure pédagogique. En plus de cela, de nombreuses propositions ont émergé avec les bibliothécaires, notamment tester différentes activités, comme comparer IAG et bases de données, utiliser le jeu… On ne manque pas d’idées !
.
Pour 2025-2026, l’ambition est d’accélérer : Que tout le monde ait reçu la formation de niveau “Initiation”, que le déploiement du niveau “Prise en main” se poursuive, et qu’on élabore des formations plus spécifiques
. Des contenus et des ateliers ont également été conçus pour développer l’intégration de la problématique des IA dans les formations existantes. Le continuum de la réflexion est donc assuré entre enseignants et bibliothécaires, pour une approche globale.
* Université de Strasbourg, Université de Haute-Alsace, Bibliothèque nationale et universitaire, Institut national des sciences appliquées (Insa) de Strasbourg, et École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg (Ensas)
Une approche globale
Dès le départ, la réflexion et conception des outils de formation sont menées dans le cadre de dynamiques réseaux préexistants : à l’échelle du site Alsace1, mais aussi, dès 2023, d’un groupe de travail partagé avec l’Université de Lorraine. Doté de quatre sous-groupes (Les IA et l’aide pour la recherche documentaire, Avantages et inconvénients des IA, La citation de ses sources, Trouver et vérifier ses sources), celui-ci a livré les résultats de ses travaux début 2024. Ils sont accessibles librement via la plateforme Zenodo. En janvier 2025, nous comptabilisions près de 5 000 téléchargements
, se félicite Magali Risch, qui pilote le groupe de travail avec Jean Uminski, de l’Université de Haute-Alsace.
L'IA pour fil rouge
Les Journées des formateurs Alsace sont aussi un temps privilégié de réflexion et de formation à l'échelle du site. La thématique de l'IA a fait l'objet d'ateliers en 2024, et de fil conducteur de l'édition 2025, intitulée « Collaboration et partage au temps de l’IA ». En janvier 2026, le Service des bibliothèques de Strasbourg accueillera les journées nationales des bibliothécaires formateurs, durant lesquelles l’IA s'annonce d'ores et déjà comme un sujet majeur.
IA : Was ist das ?
Les initiatives pour dompter l’IA se multiplient, à l’initiative de différents personnels de l’université. Les bibliothécaires Priscilla Gabel (Cardo) et Grégory Thureau (Irma) sont membres du groupe de travail franco-allemand des bibliothécaires (Germano-Bib) issu du réseau franco-allemand déployé par la Direction des relations internationales (DRI), depuis 2022. Dans ce cadre, ils ont proposé une série de webinaires franco-germanophones sur l'intelligence artificielle dans les bibliothèques. Deux sessions, déjà réalisées, témoignent de la dynamique d’échanges et d'innovation entre professionnels de part et d’autre du Rhin.Bibliothéconomie, pédagogie avec des pairs d'universités allemandes (Hambourg, Bonn) et autrichiennes (Salzbourg) : notre groupe de travail a proposé plusieurs thématiques de réflexion, dans les deux langues
, explique Priscilla Gabel. Les retours d’expériences et échanges ont plusieurs avantages : développer ses connaissances sur différentes thématiques professionnelles, acquérir du vocabulaire sur des thématiques pointues, rencontrer de nouveaux collègues germanophones ou encore comprendre l'usage de ces outils et leur démonstration dans un contexte interculturel.
Le premier cycle concernait l’IA s’est achevé en juillet ; d’autres thèmes vont être abordés.
L’Unistra face aux défis de l’IA
Dans l’enseignement, les équipes de direction, les métiers administratifs, la recherche… Depuis au moins deux ans, voire plus, l’IA infuse dans tous les domaines à l’université. Comment cette dernière répond-elle aux défis que pose cette révolution, comment s’en saisissent les acteurs, quelles réponses et processus sont mis en place ? Ingénieurs, chefs de projets, chargés de mission… Savoir(s) le quotidien part à la rencontre de celles et ceux qui sont mobilisés en tant qu’acteurs du changement !
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