Par Léa Boulanger et Lily Segura
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Si j’étais un crapaud vert

Série « Si j'étais » 1/5. Antonin Conan, attaché temporaire d'enseignement et de recherche à l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC - CNRS/Unistra), s’intéresse au crapaud vert. Il nous permet grâce à son étude sur les amphibiens de mieux les connaître. Rencontre exclusive avec l’un d'eux. L'occasion de briser les clichés qui entourent son espèce.

Qui suis-je ?

Beaucoup me considèrent comme vilain, me toucher donnerait des pustules, cependant si une vaillante princesse ose m’embrasser je me transforme en prince. C’est ainsi que l’on me décrit dans les contes et c’est probablement pour cela que je suis si peu apprécié. On préfère mes cousines les grenouilles, qu’elles soient dans leurs marais ou dans nos assiettes. Je suis un amphibien, faisant partie de l’Ordre des anoures et plus précisément la famille des Bufonidae dont la spécificité est d’avoir des glandes à venin sur le dos. Vêtu de taches vertes très contrastées sur le dos qui me permettent de me camoufler, j’ai sobrement été baptisé crapaud vert.

Quel est votre mode de vie ?

On pense que je passe mon temps à barboter dans les marais mais ce sont des idées reçues. En réalité je passe 70 à 80 % de mon temps en phase terrestre, dans des espaces ouverts en général. Je ne rejoins le milieu aquatique qu’à la période de reproduction, et uniquement si je trouve un endroit avec de l’eau stagnante, peu végétalisée, et peu profonde. En hiver, je me trouve dans un état léthargique appelé la brumation. Je me repose alors de fin octobre à mars, parfois dans des caves d’habitation ou encore dans des terriers de micromammifères. En termes d’alimentation, je me nourris d’insectes et d’invertébrés, comme des vers de terres.

Est-ce que votre survie est en péril ?

Comme plusieurs espèces aujourd’hui, ma survie devient difficile. En France, je n’habite quasiment qu’en Alsace mais j’y subis comme tant d’autres la perte et la dégradation des habitats naturels. Avec l’agriculture intensive, l’urbanisation et les sécheresses, de plus en plus de mares favorables disparaissent, ce qui m’empêche de me reproduire. Depuis plusieurs années, j’ai alors trouvé refuge dans des bassins d’orage situés le long des routes, mais la survie de mes têtards peut y être très faible majoritairement à cause d’une espèce de sangsue, qui quand elle est présente, dévore mes têtards. En plus de ça, j’ai aussi des prédateurs au stade adulte comme certains oiseaux, serpents et mustélidés.

Est-ce que des dispositifs sont mis en place pour vous protéger ?

Les hommes me construisent des tunnels pour que je puisse traverser sous les routes d’Alsace en toute sécurité

Forcément avec toutes ces menaces, on me considère comme espèce « en danger » dans la région Grand-Est. Et comme l’ensemble des amphibiens et reptiles de France, je suis une espèce protégée, il est donc interdit de me nuire directement mais aussi de nuire à mon habitat ou à ma progéniture.  Afin de me protéger, les hommes me construisent des tunnels pour que je puisse traverser sous les routes d’Alsace en toute sécurité. D’autres essaient de mettre en place des mesures afin d’améliorer mon habitat en me créant des mares favorables.

Le crapaud vert est étudié par une équipe composée de chercheurs de l’IPHC de Strasbourg et de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA). Parmi eux, Antonin Conan qui a soutenu sa thèse sur le rôle écologique des bassins d’orage routiers pour les amphibiens, encadré par Yves Handrich (IPHC) et Jonathan Jumeau (CeA). Son rôle était de montrer si les bassins d’orage routiers peuvent servir de site de reproduction pour le crapaud vert malgré la présence de polluants et de sangsues prédatrices des têtards. Il continue aujourd’hui ses recherches sur les crapauds verts en Alsace, afin de trouver des solutions permettant d’améliorer la qualité de ces bassins indispensables au déplacement de l'espèce. Cette étude est financée par la Région Grand-Est, la DREAL Grand-Est, la CeA et l'Eurométropole de Strasbourg.

La série si j'étais

Cet article a été réalisé dans le cadre d'un atelier de vulgarisation scientifique pour lequel des étudiants sont partis à la rencontre de chercheurs. Objectif : rédiger un texte destiné à présenter un sujet d’étude scientifique et le faire parler à la première personne du singulier.

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