Par Raphaël Jamon et Carlotta Zanon
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Si j’étais le mouvement brownien

Série « Si j'étais » 3/5. Cyriaque Genet, directeur de recherche au CNRS depuis 2016 à l’Institut de sciences et d'ingénierie supramoléculaires (Isis - CNRS/Unistra), explore la physique dans les domaines notamment de la nano-optique et des forces optiques. Autrement dit, il étudie la lumière et ses interactions avec la matière aux petites échelles. Son but ? Comprendre certaines propriétés du mouvement brownien. Rencontre avec ce phénomène décrit comme imprévisible.

Je serais présent partout mais invisible de tous

J’ai été découvert en 1827 par mon père adoptif, un botaniste écossais nommé Robert Brown. C’est d’ailleurs d'ici que vient mon nom. Il a réussi à m’identifier en étudiant des grains de pollens en suspension dans de l’eau. Il a remarqué qu’ils faisaient des mouvements aléatoires et instables.

C’est moi qui manipule leur mouvement. A l’aide des molécules d’eau mises en mouvement par la température de la pièce, je percute les grains de pollen, les faisant dévier. Chaque choc transfère un peu d’énergie à chaque grain. Ce transfert d’énergie va être à l'origine de mon mouvement. Je suis ainsi au cœur des déplacements microscopiques qui régissent ce monde.

A votre échelle, je serais

A chaque instant de votre vie, vous êtes percuté par un tas de molécules et particules présentes dans l’air. Aussi bien des molécules d’eau que de diazote et de dioxygène. Vous ne vous en rendez pas compte car vous êtes trop grands pour ressentir ces minuscules impacts. Mais que se passerait-il si ces éléments étaient de la taille d’un ballon ? Prenons le cas d’un nageur dans une piscine. En nageant la brasse, il déplace des milliers de molécules d’eau avec ses bras. Son corps avance alors grâce à l’inertie. En faisant ces mêmes mouvements dans une piscine de ballons, le nageur restera sur place. Cela s’explique par la rétroaction des ballons sur le mouvement.

Une personne avec un drapeau sur la tête au centre d’une foule

Faisons une autre expérience pour comprendre mon agitation imprévisible. Nous plaçons une personne avec un drapeau sur la tête au centre d’une foule. Cet individu va être percuté par les autres autour. Vu du ciel, la trajectoire du drapeau va être aléatoire, modifiée par les multiples interactions qu’il aura avec le milieu qui l’entoure.

Je serais libre et contraint

Comme expliqué précédemment, les caractéristiques du milieu dans lequel je me trouve vont impacter mes mouvements. Plus le milieu est visqueux, plus il va être difficile de me déplacer. Je semble alors être pris au piège. Je me déplace par diffusion, c’est-à-dire que je le fais dans toutes les directions par petites séquences aléatoires. Cependant, la concentration des milieux va avoir tendance à me guider du milieu le plus concentré vers celui qui le sera moins. Je ne suis pas totalement libre de mes mouvements mais bien dirigé par une force qui semble être invisible … 

Je serais étudié sous toutes les coutures

J’occupe une grande place dans la recherche en physique fondamentale pour de multiples raisons. La première est que je suis à la base de nombreux phénomènes observables. Par exemple, je permets de comprendre comment les particules se déplacent au niveau cellulaire ou dans les réactions chimiques. Je suis également au centre des recherches sur la miniaturisation des moteurs pour développer les nanotechnologies de demain.

Pour m’étudier, les chercheurs doivent me maintenir sous contrôle. Une de leurs techniques préférées est d’immobiliser une particule, comme une nano bille de verre, à l’aide d’une pince optique. Cette pince est obtenue à l’aide de faisceaux lasers fortement focalisés en direction de l’objet microscopique. Avec cette méthode, je peux déplacer la particule seulement au centre de la pince, permettant de révéler mes propriétés les plus fondamentales. Autrement dit, les propriétés que je ne dévoilerais pas de manière naturelle.

La série si j'étais

Cet article a été réalisé dans le cadre d'un atelier de vulgarisation scientifique pour lequel des étudiants sont partis à la rencontre de chercheurs. Objectif : rédiger un texte destiné à présenter un sujet d’étude scientifique et le faire parler à la première personne du singulier.

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