De la chrysalide au papillon, la mue d’un musée
Tel un feuilleton aux multiples épisodes, s’écoulant sur six ans, dont quatre de travaux, le chantier du Musée zoologique n’a pas été un long fleuve tranquille. Alexia Martin, conductrice de l’opération et responsable du département Grands projets de la Direction du patrimoine immobilier (DPI), en retrace les péripéties et les exigences, couronnées au final par une « grande fierté ».
Autant travailler avec un large réseau de partenaires en site occupé relève pour elle de l’habitude, après onze années passées à la DPI. Autant intervenir au milieu d’animaux naturalisés demeurait inédit pour Alexia Martin. Pendant la phase d’études, la précédente conservatrice du musée nous avait assurés que les spécimens s’adaptaient facilement aux conditions climatiques changeantes du bâtiment
, rappelle la conductrice d’opération. L’édifice, inauguré en 1893 pour accueillir, déjà, la zoologie, semblait avoir imposé son rythme aux collections. On s’est rendu compte que ce n’était pas vraiment le cas
, sourit-elle. Le projet a dû être recalibré en cours de route : L’équipe de maîtrise d’œuvre, dont Freaks architectes est le mandataire, a dû s’adapter, et l’appel d’offres a été modifié. On a davantage de recul sur le vieillissement des peintures que sur celui des animaux naturalisés
. Sollicités, plusieurs musées d’histoire naturelle n’ont pas su répondre à ces interrogations bien particulières.
Les six années de fermeture ont été scandées par deux moments forts : D’abord, une longue phase de curage, démolition et déplombage. Puis, après la réception des travaux, en juillet 2024, une année entière a été consacrée à la scénographie, contrainte de composer avec les volumes existants
. Entre les deux, les avancées semblaient parfois peu visibles : mise aux normes, ventilation, détection incendie, chauffage, fenêtres, isolation de la toiture, installation de deux centrales de traitement d’air. Il était difficile de vraiment se projeter avant juin 2025. Les derniers mois, tout s’est accéléré avec l’installation des spécimens, éclairages et graphismes prévus par la scénographie
.
Traitement climatique
La conservation des spécimens a entraîné une réflexion approfondie sur le traitement climatique du musée. La première piste prévoyait 19 degrés toute l’année, mais le coût était trop élevé.
Cette question a coïncidé avec les débats du plan de sobriété de l’université, engagés en 2021. Une solution a émergé : accepter jusqu’à 26 degrés l’été, en ajoutant des groupes froids et des armoires climatiques. Ce n’est pas tant la température qui semble poser problème aux spécimens que la rapidité des variations, surtout à l’intersaison.
Le taux d’hygrométrie a été fixé entre 40 et 60 %. Ces ajustements ont retardé le chantier et accru son coût.
Il convenait en effet de faire dialoguer deux impératifs : mise aux normes et protection patrimoniale d’un bâtiment, sous l’œil vigilant de l’Architecte des bâtiments de France (ABF)
. Alexia Martin cite volontiers l’escalier central en pierre : Le doublage du garde-corps, destiné à sécuriser les colonnes trop espacées, s’intègre aujourd’hui de manière très harmonieuse. Le tout, c’est que ce soit réversible
. Même principe dans les réserves : un habillage coupe-feu deux heures protège désormais la charpente bois, pouvant être démonté si l’usage des espaces venait à évoluer. Les échanges avec les pompiers ont été nombreux. On a été soulagés quand on a eu le feu vert, après la visite de contrôle.
Effet « whaou »
La réussite du chantier tient aussi à la définition précise des périmètres d’action. L’université, propriétaire pour le compte de l’État du « contenant », donc bâtiment et vitrines, a travaillé en gouvernance partagée avec la Ville, en charge des collections. Un comité a assuré le pilotage conjoint, réunissant le Jardin des sciences (JDS) pour l’université et les Musées de la Ville, à travers le binôme Sébastien Soubiran-Samuel Cordier. Cela peut sembler anodin, mais il a fallu décider très tôt qui avait accès à quoi, jusqu'au partage des clés
: une convention domaniale a clarifié responsabilités et financements. La création de l’espace détente des personnels a même nécessité de grignoter quelques mètres carrés sur les bureaux du JDS
.
Au final, la mayonnaise a bien pris
, se félicite Alexia Martin. La découverte de la muséographie a été pour tous un moment suspendu. Il y a eu un côté magique : la chrysalide devenue papillon.
Le budget, passé de 13 à 17 millions d’euros, a mobilisé l’Opération campus, la Ville, mais aussi en soutien, le Feder, le contrat triennal et du mécénat, notamment pour la mise en place de vitrines très spécifiques. Beaucoup de travail supplémentaire a été demandé aux entreprises, mais le résultat en vaut la chandelle. Je suis très fière du musée que nous livrons aujourd’hui au public !
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