Par Edern Appéré | Elsa Collobert
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Une rentrée 2024 engagée

Après les étoiles, l’an dernier, et avant le sport, l’an prochain, Michel Deneken, pour sa dernière rentrée en tant que président de l’Université de Strasbourg, a souhaité placer le lancement de l’année universitaire 2024 sous le signe des femmes. Et notamment de celles d'Afghanistan, dont les droits sont bafoués. Dans un amphithéâtre Cavaillès bien rempli, il a rendu un hommage appuyé aux « femmes puissantes », jeudi 12 septembre, lors de la cérémonie de rentrée.

Sous l’égide des femmes

L’an dernier, nous inaugurions le Planétarium ; ce sera le Centre sportif l’an prochain, dernier bâtiment de l’Opération campus. Cette année, j’ai souhaité placer la rentrée sous l’égide des femmes. Michel Deneken, qui termine en mars son deuxième et dernier mandat, a ouvert la cérémonie de rentrée avec une déclaration solennelle, longuement applaudie : En Afghanistan, sous prétexte de religion, 52 décrets stipulent que les femmes ont l'interdiction de prendre la parole en public, de chanter ou de déclamer de la poésie […]. En leur déniant le droit de parler en public, les talibans leur dénient le droit même d’être humain. Nous voulons dire à ces femmes afghanes que nous nous tenons prêts à les accueillir. Et que si on leur refuse la parole, nous, les membres de la communauté universitaire de Strasbourg, sommes leur voix. (lire encadré ci-dessous).

En déniant aux femmes afghanes le droit de parler en public, les talibans leur dénient le droit même d’être humain

Plus près de nous, Michel Deneken rappelle qu’ à l’Université de Strasbourg, 60 % des étudiants sont des étudiantes.

Les femmes puissantes sont des modèles qui nous stimulent. À l’image de Josiane Chevalier, préfète de la région Grand Est et du Bas-Rhin. Dans quatre régions françaises au moins où j'ai été en poste, j’ai été la première femme préfète. Michel Deneken a rendu un hommage appuyé, à l’occasion de la remise des palmes académiques, à cette incarnation du mérite républicain, fille d’immigrés italiens, élevée aux plus hautes fonctions de la République par son travail et son abnégation.

Prolongeant le dictionnaire amoureux en « e » de Michel Deneken de la précédente rentrée, Josiane Chevalier énumère famille, fleuron, force et fierté : autant de mots qui symbolisent l’Université de Strasbourg dans sa relation avec l’État.

En action : l'égalité salariale femmes-hommes

L’Université de Strasbourg s'engage en faveur de l'égalité salariale. À l'index pour l’égalité femmes-hommes du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, elle obtient en 2023 un résultat de 93/100 : bien au-dessus de l'objectif national, fixé à 75/100.

Symboliquement, à la suite de la consultation menée en 2023, une dizaine de lieux d’enseignement vont bientôt recevoir le nom de femmes illustres de notre université.

Engagement étudiant

Cette cérémonie, orchestrée par la vice-présidente Vie universitaire Angéline Okombi, elle-même étudiante, était l’occasion de la remise du Diplôme universitaire d’engagement étudiant (DUEE) à 32 étudiants, investis pour leur université et leur ville.

Cette rentrée marque l’entrée en vigueur de la nouvelle offre de formation, intégrant les défis sociétaux de notre époque. Son attractivité se concrétise par des inscriptions stables en 1er cycle et un bond des candidatures en master (+ 27 %).

Engagement scientifique

Michel Deneken a aussi souhaité la bienvenue aux 130 nouveaux collègues qui rejoignent notre établissement et font sa force. Alors que les contraintes budgétaires sont fortes, nous avons fait le choix de privilégier l’emploi, pour maintenir notre niveau, notamment en recherche, a souligné le président, plaidant pour un engagement ambitieux de l’État.

Notre université a récemment progressé dans le classement de Shanghai : une reconnaissance internationale, qui ne reflète toutefois pas la particularité de notre modèle, alliant recherche de haut niveau et service public accessible.

Cinq prix scientifiques « Expertise » ont été remis à cinq personnels (trois collaboratifs, deux individuels) Biatpss, ingénieurs, administratifs, techniques, pour notre participation à la formation et à la diffusion de la recherche. Une forme de gratitude qui nous redonne de l’élan pour poursuivre nos travaux, a témoigné Marie-Christine Loegler, de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC), l'une des récipiendaires.

Engagement solidaire

La conférence de presse commune à l’université, au Crous de Strasbourg et à l’Eurométropole a été l’occasion d’aborder d’une seule voix les projets communs : en premier lieu, les dispositifs pour faire face à la précarité étudiante. 

Régulièrement placée dans le top 3 des classements des villes où il fait bon étudier, Strasbourg souffre d’une offre de logements étudiants en forte tension. Une situation à laquelle les trois institutions sont sensibles. En 2024-2025, le Crous propose 5 503 places en cités universitaires en Alsace, dont 84 % ont été rénovés. Le projet de construction d’une nouvelle cité universitaire, place d’Islande, en phase d’étude, apportera 500 logements supplémentaires.

Pour remédier aux difficultés à se loger à proximité des campus, Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole, a rappelé l’existence de la tarification solidaire des transports, à même de permettre à de nombreux étudiants d’accéder à des logements à moindre coût, dans un périmètre plus large.

La crise sanitaire a été le révélateur de la solitude rencontrée par de nombreux étudiants et, plus largement, de leurs problèmes de santé mentale. Ce constat de Michel Deneken devrait trouver une réponse dans l’annonce faite par Pia Imbs de l’ouverture, début 2025, d’une Maison de la santé mentale, accessible à tous mais dont les étudiants devraient être les premiers bénéficiaires.

Autre dispositif d’aide à leur intention : le fonds d’aide aux jeunes de l’Eurométropole. Son fonctionnement été revu en juin dernier afin que les étudiants puissent y prétendre, avec des critères d'éligibilité élargis.

S’adressant à de nombreuses reprises aux nouveaux étudiants lors de cette matinée, Michel Deneken a repris les mots de Paul Valéry, inscrits au fronton parisien du palais de Chaillot : Certains sont ici par amour, d’autres, peut-être, par raison. Les prochaines semaines nous diront quel est finalement votre sentiment : si vous choisissez de faire de votre expérience à l’université votre trésor ou votre tombeau.

En images

Femmes afghanes : déclaration du président de l’Université de Strasbourg

L’Ukraine et Gaza sont les deux grands brasiers de par le monde qui se disputent la une de nos médias. Ils cachent cependant bien d’autres conflits armés dont on parle moins : la Somalie, le Soudan, le Yémen pour n’en citer que quelques-uns. Mais il est une situation dans le monde qui doit susciter notre juste et nécessaire révolte : c’est le sort des femmes en Afghanistan.  [...] Sous le contrôle d’un « ministère de la promotion de la vertu et de la prévention du vice », 52 décrets stipulent désormais qu’en plus de toutes les privations de liberté dont elles sont affligées, s’ajoutait désormais l’interdiction de prendre la parole en public, de chanter ou de déclamer de la poésie. Ce véritable féminicide social commis par les Talibans est une négation par un sexe, du droit d’exister de l’autre. Accéder à la parole, dès les premiers balbutiements du nouveau-né jusqu’à l’acquisition du langage dans toutes ses subtilités, c’est ce qui nous fait advenir au monde comme êtres humains. [...] Le père d’Albert Camus a affirmé, devant le spectacle de la torture en Algérie : « Un homme, çà s’empêche ». Les régimes totalitaires et sanguinaires refusent d’écouter la voix des femmes, et bâillonnent celles qui, depuis la nuit des temps, subvertissent l’ordre établi quand celui-ci se construit sur l’injustice, lorsqu’elles crient la détresse des enfants sacrifiés aux guerres que les hommes se livrent. Mais aucun bâillon n’a réussi à étouffer leurs cris.

En cette rentrée, la communauté universitaire manifeste sa solidarité sans faille aux femmes d’Afghanistan et s’engage à accueillir celles privées de la liberté de se mouvoir, d’apprendre et d’aimer à leur guise. Nous sommes depuis le début aux côtés de notre collègue Pinar Selek, diplômée de notre université, injustement traquée et poursuivie depuis des années par les tribunaux de son pays. Notre université est depuis toujours engagée pour développer le respect de l’autre, de tout autre.  [...] Nous dédions donc notre rentrée aux femmes d’Afghanistan. Nous voulons leur dire que si on leur refuse la parole, nous, les membres de la communauté universitaire de Strasbourg, sommes leur voix.

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