Par Elsa Collobert
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« Les classements nous permettent de nous situer dans un environnement de recherche international concurrentiel »

Cette année, l'Université de Strasbourg progresse dans le classement de Shanghai, se hissant de nouveau au rang des 101 à 150 meilleures universités mondiales*. Retour sur cette « fierté » avec le président Michel Deneken, sans occulter les « limites » du système des classements.

Quel est votre sentiment au vu des résultats parus mi-août ?

De la fierté. C'est une grande reconnaissance pour le travail accompli par nos chercheurs et leurs équipes supports. Il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas s'en réjouir.

Cela n'empêche pas de faire preuve d'esprit critique à leur égard. Prenons les classements pour ce qu'ils sont : un moyen objectif (puisque leurs critères sont stables dans le temps et reposent principalement sur des données quantitatives), de se situer dans un environnement de recherche concurrentiel, qui fonctionne quoi qu'on en dise sur le nombre de citations des travaux de recherche et la distinction par les prix et les bourses.

Cela ne signifie pas qu'on souscrive aveuglément au modèle libéral anglo-saxon avec tous ses travers, et notamment le poids de la dette étudiante.

Jusqu'à présent, le parti pris en France était plutôt de ne pas commenter ces classements (l'Université de Lorraine, qui a rejoint Udice en juillet dernier, a ainsi fait le choix de se retirer des classements commerciaux QS et THE et de ne plus commenter ceux basés sur Web of Science (WoS), dont ceux de Shanghai et Leiden). Je choisis aujourd'hui de le faire en tant que président de l'alliance Udice, dont les 13 universités de recherche intensive progressent toutes (Paris-Saclay est même 12e !). Une preuve de la réussite des choix faits entre 2007 et aujourd'hui, de la Loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) à la Loi de programmation de la recherche (LPR) et France 2030, de constituer des pôles d'excellence scientifique dont le rayonnement dépasse aujourd'hui nos frontières. Et même un message envoyé au politique : l'investissement dans la recherche paie, il ne faut surtout pas l'infléchir.

Aujourd'hui, Shanghai est devenu un classement incontournable ?

Rappelons qu'il a été créé en 2003 par des universitaires chinois comme preuve de leur potentiel académique face aux États-Unis.

Une performance unique, notre singularité, et une preuve de la réussite de notre modèle de service public

La présence française dans le classement (3e pays du top 20) témoigne de la réussite de notre modèle de service public, celui d'une université socialement engagée, désireuse d'accueillir tous les bacheliers, permettant aux jeunes étudiants de côtoyer des stars de la recherche pour des frais d'inscription modiques.

Avec des moyens bien moindres que les universités d'Harvard ou de Stanford qui caracolent en tête, soutenues par les millions de dollars de fondations privées, nous parvenons à jouer presque dans la même cour. C'est une performance unique, notre singularité !

Rappelons encore que l'Unistra est signataire depuis 2022 de la Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche (Dora), excluant les classements comme seuls outils de référence.

En faites-vous pour autant un outil de stratégie ?

Pas du tout. Ce sera d'ailleurs à la prochaine équipe de présidence de clarifier une position stratégique sur les classements (lire encadré). En ce qui me concerne, je préfère partir sur cette note positive ! [son mandat se termine en mars 2025, N.D.L.R.].

Le classement de Shanghai ne prend en compte ni la qualité de l'enseignement, ni l'insertion professionnelle de nos diplômés, ni notre impact social...

Redisons-le, ni la qualité de l'enseignement, de l'insertion professionnelle de nos diplômés ou notre impact social, ou encore les recherches dans le domaine des sciences humaines et sociales, ne sont pris en compte par Shanghai. Je pense que bien d'autres éléments entrent dans la balance quand il s'agit pour nos étudiants de choisir Strasbourg comme lieu d'études : les classements des villes où il fait bon vivre, la réputation de nos formations sélectives comme l'IUT ou les écoles d'ingénieurs, Sciences Po, nos frais d'inscription modiques... C'est lorsque l'on met tout cela en lien que l'on comprend pourquoi notre ville et son université sont si attractives !

* L’Université de Strasbourg s’est classée au rang 101-150 entre 2016 et 2022 ; au rang 151-200 en 2023.

Les classements de référence et les critères sur lesquels ils se basent

  • Shanghai : les quatre critères principaux sont le nombre de prix Nobel et de médailles Fields ; les chercheurs les plus cités ; le nombre d’articles publiés dans les revues à comité de lecture telles que Nature et Science ; le nombre d’articles indexés dans les principales bases de données.
  • Leiden : le classement de référence pour les universités européennes, notamment dans le cadre de la League of European Research Universities (LERU). Établi par le Centre d’études sur les sciences et les technologies (CWTS) de l’Université de Leiden (Pays-Bas), il a la particularité de prendre en considération uniquement des indicateurs bibliométriques, selon quatre critères principaux : le volume de publications et leur impact ; le degré de collaboration ; le degré d’ouverture des articles scientifiques et la part de femmes parmi les auteurs. La publication en libre accès est ainsi prise en compte.
    Le CWTS a publié le 30 janvier une version de l’édition 2023 de son classement basée sur des données ouvertes et reproductibles, utilisant les données d’OpenAlex.
  • THE (Times Higher Education) : d’origine médiatique, avec une importance accordée à la réputation via des panels d’opinion issus de pairs académiques ou de recruteurs, il classe les établissements en fonction de critères plus larges (réputanionnels via des panels d’opinions), volume des parutions en recherche, citations, subventions de l’industrie, internationalisation) et prend en compte l’enseignement et l’environnement d’apprentissage. Il intègre également le domaine des sciences humaines et sociales, à l’instar de Leiden.
  • QS : Publié par Quacquarelli Symonds. Forte importance accordée à la réputation via des questionnaires (50 %). Le poids des facultés est mis en rapport avec le nombre de citations et le nombre d'étudiants (40 %). L’internationalisation du personnel académique et des étudiants est prise en compte (10 %).
  • U-Multirank : Un classement adoptant une approche multidimensionnelle, axée sur l’utilisateur. U-Multirank compare les performances des universités dans cinq domaines : enseignement et apprentissage ; recherche ; transfert de connaissances ; orientation internationale ; engagement régional. Une initiative de la Commission européenne faisant suite à une étude de faisabilité menée en 2010-2011.

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