Si j’étais un organoïde
Série « Si j'étais » 4/6. Adèle De Arcangelis, chercheuse à l’Institut de génétique et biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC-CNRS/Inserm/Unistra), fait partie de l’équipe Différenciation et physiopathologie des cellules endocrines pancréatiques et intestinales. Elle utilise des organoïdes intestinaux pour comprendre le développement et le rôle des cellules productrices d’hormones dans l’intestin. Interview exclusive de ce nouveau modèle très prometteur pour la science moderne.
Présentez-vous
On m’appelle aussi “mini-organe”. Je suis une structure cellulaire en 3D développée in vitro, cultivée en laboratoire. Mon rôle est de mimer la composition cellulaire, la structure et la fonction d’un organe.
Je proviens de cellules souches, cellules indifférenciées capables de générer différentes cellules spécialisées qui se multiplient et s’auto-assemblent pour former des tissus, c’est-à-dire les « briques » qui constituent les organes.
Vous partez de cellules indifférenciées qui poussent à plat dans une boîte de culture, et vous pouvez générer un mini-organe qui a tout d’un grand !
, Adèle De Arcangelis
Moi, je suis un organoïde intestinal, constitué de cellules intestinales. Certains de mes frères et sœurs sont des organoïdes cérébraux, musculaires, pulmonaires, pancréatiques et j’en passe.
Pourquoi existe-t-il plusieurs types d’organoïdes ?
Même si nous provenons tous d’une même cellule souche, nous empruntons des chemins différents selon les facteurs de croissance auxquels les scientifiques nous exposent. C’est comme une recette de gâteau ! L’ingrédient principal est la farine, dans notre cas, la cellule souche. A chaque étape de la recette, on y ajoute différents ingrédients : les facteurs de croissance. On obtient un fondant au chocolat contenant toujours de la farine. Mais si l’on change la quantité ou la nature des ingrédients, on peut aboutir à un gâteau au citron ou même à des crêpes !
Comment obtient-on une cellule souche ?
Il y a deux possibilités. Il y a des cellules souches dans tous les organes capables de se régénérer comme la peau ou l’intestin. Elles sont extraites à partir d’échantillons de tissus, comme par exemple une biopsie intestinale. L’autre option est de récupérer des cellules souches pluripotentes embryonnaires ou bien d’en créer à partir de cellules déjà différenciées, mais il faut les reprogrammer !
La pluripotence est la capacité d’une cellule à générer différents types de cellules
La reprogrammation c’est un peu comme une reconversion : les scientifiques prélèvent une cellule (de peau par exemple) et lui font oublier sa fonction. Elle repasse par la case départ : la cellule souche. Il est alors possible d’ajouter de nouveaux ingrédients (facteurs de croissance) pour en faire tout un autre type de cellule.
A quoi êtes-vous destinés ?
Personnellement, j’ai été créé dans le but d’étudier le développement et le fonctionnement des cellules entéroendocrines, rares cellules libérant des hormones dans l’intestin. Elles assurent des fonctions essentielles au cours de la digestion, mais aussi dans le contrôle de l’appétit.
Bon nombre de mes semblables ont servi de support pour l’étude de maladies ou de cancers mais aussi pour comprendre le fonctionnement normal d’un organe et son développement. D’autres sont utilisés pour tester l’effet de médicaments, drogues, virus et bactéries sur les organes. Peut-être même qu’un jour, certains d’entre nous remplaceront les organes greffés, tous les espoirs sont permis car la recherche avance à grands pas !
Et nous sommes tous engagés dans la cause animale ! Notre utilisation réduit le nombre d’animaux utilisés en recherche médicale.
La série si j'étais
Cet article a été réalisé dans le cadre d'un atelier de vulgarisation scientifique pour lequel des étudiants sont partis à la rencontre de chercheurs. Objectif : rédiger un texte destiné à présenter un sujet d’étude scientifique et le faire parler à la première personne du singulier.
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