Par Claire Million-Ranquin, Man Li et Zining Wang
Temps de lecture :

Si j’étais un grain de sable

Série « Si j'étais » 1/6. N’avez-vous jamais eu envie de comprendre d’où vient le sable qui vous entoure ou celui du Sahara ? Figurez-vous que certains chercheurs arrivent à lire dans les grains de sable et leur agglomération. C’est notamment le cas de Mathieu Schuster, chercheur à l’Institut Terre et environnement de Strasbourg (Ites - CNRS/Unistra/Engees). Laissons parler la matière pour comprendre les messages qu’elle a à nous transmettre.

Qui-suis-je vraiment ?

Je me forme à partir de la désagrégation progressive d’une roche subissant des contraintes mécaniques, chimiques, ou météorologiques (alternance de périodes de gel et de dégel). Mon voyage commence alors, et au fil des étapes, je me transforme : je deviens de plus en plus petit et mes angles s’arrondissent. Une fois ma taille inférieure à 2 millimètres de diamètre, les sédimentologues me nomment « sable ». Par ailleurs, si la zone où je me trouve subit de forts épisodes de vent en continu, alors je laisse derrière moi des surfaces de galets, appelées « reg ». En effet, nous tous, grains trop petits avons été déplacés, ne laissant que de plus grosses roches.

Déterminer mon mode de transport et la distance que j’ai parcourue…

Je n’aurai pas la même allure selon que je suis transporté par l’eau ou le vent. L’eau me maintient davantage dans mon aspect initial que le vent. Avec ce dernier, c’est un voyage par petits bonds successifs que je fais et je me cogne de tous les côtés à mes congénères. En effet, à l’atterrissage, je percute mes camarades, je leur transmets ainsi mon énergie, ce qui les propulse à leur tour. C’est un mode de transport de « proches en proches », ainsi plus je viens de loin, plus les chocs m’auront arrondi.

La fin de mon chemin s’accompagne souvent d’une dune…

A certains endroits dans le monde, vous pouvez observer des zones où nous sommes si nombreux à suivre le même chemin que les traces que nous laissons au sol sont visibles depuis l'espace et indiquent la direction des vents dominants.  Ces traces se présentent soit sous la forme de longs couloirs d'érosion sculptés par les vents de sable, soit comme de longs cordons de sable, véritables autoroutes saturées de grains de sables.

Emprisonné dans la dune, je suis utile pour l’étude des paléoenvironnements…

Les dunes évoquent immédiatement les déserts. Une dune est une structure mobile, une sorte de transport en commun pour une multitude de grains de sable poussés par le vent. L'humidité, par remontée de la nappe phréatique, peut immobiliser une dune en collant de proche en proche chaque grain de sable à ses voisins directs. Avec le temps, des processus de minéralisation peuvent même conduire à cimenter les grains entre eux et ainsi figer définitivement la dune. La cimentation du sable donne naissance à une roche appelée « grès ».

L’art du sédimentologue est d’arriver à déduire l’enchaînement des événements qui a conduit à leur formation

Les chercheurs, qui s'intéressent à restituer les environnements et climats du passé, cherchent à identifier des dunes fossiles préservées dans des strates géologiques. En approchant de plus près notre structure figée au sein de la dune, ils peuvent reconnaître le moyen de transport qui nous a amenés jusqu’ici, de la même façon que je vous l’ai expliqué auparavant. Ce mode de locomotion renseigne sur les paysages anciens. De la même manière, ils peuvent estimer la distance que nous avons parcourue. Enfin, pour estimer l'âge de la paléo-dune, il existe des méthodes de datation relatives et absolues. Les plus anciennes éolianites (roches composées de grains de sable transportés par le vent) ont plus de 2 milliards d'années. Les dunes sont les vestiges d’événements géologiques révolus et tout l’art du sédimentologue est d’arriver, à partir de leur observation actuelle, à déduire l’enchaînement des événements qui a conduit à leur formation.

Mathieu Schuster

Le sable et plus largement les dépôts sédimentaires sont étudiés par une équipe de chercheurs du CNRS travaillant à l’Ites. Mathieu Schuster est l’un d’eux. Son travail consiste plus précisément à décrypter les messages sédimentaires, les faciès de dépôts et les signaux biogéochimiques pour reconstituer les paléoenvironnements et leur dynamique.

Ces chantiers de recherche s’étendent de l’Afrique à l’Asie, en passant par l’Amérique du Nord et l’Arabie. Mais, sa thèse sur l’inventaire des vertébrés présents au niveau de la zone aride du lac Tchad depuis le Miocène supérieur a fait de ce lac un sujet particulier pour lui. Encore aujourd’hui, il étudie les plages fossilisées du lac Tchad pour identifier les paléoenvironnements et mieux comprendre les événements décisifs de l’évolution biologique.

La série si j'étais

Cet article a été réalisé dans le cadre d'un atelier de vulgarisation scientifique pour lequel des étudiants sont partis à la rencontre de chercheurs. Objectif : rédiger un texte destiné à présenter un sujet d’étude scientifique et le faire parler à la première personne du singulier.

Catégories

Catégories associées à l'article :

Mots-clés

Mots-clés associés à l'article :

Changer d'article