Par Sabrina Zoulim / Fatoumata Diallo
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Si j’étais... le marché

Série « Si j'étais » 6/6. Je suis le marché, un espace où tradition et rencontres se conjuguent, également miroir des pratiques d'échanges et de consommation. Julien Pénin, économiste au Bureau d’économie théorique et appliqué (Beta*) me scrute attentivement : il perçoit à travers mes mouvements les orientations, les frictions et les aspirations d'une économie locale en perpétuel changement.

Mon histoire

Je suis le marché, je suis le mécanisme qui gouverne la distribution et l’allocation des économies. C’est moi qui organise la production, je fais en sorte que les consommateurs aient toutes sortes de biens de consommation (fruits, légumes) et d’achats (vêtements, voitures), tous les jours. 

Mon économie a émergé en Chine il y a un millier d’années. Les premiers philosophes qui se sont intéressés à moi au 17e et 18e siècle ont été surpris, car ils se sont dit que ça ne pouvait pas marcher, mais on m’observe depuis 200 ans, mes économies fonctionnent objectivement beaucoup mieux que tous les autres systèmes que l’on pouvait imaginer. Au 18e siècle Adam Smith, économiste anglais, me comparait à une main invisible. 

Mon fonctionnement

C’est cette main invisible que l’on surnomme le système de prix, signifiant qu’il n’existe aucune loi qui décide du nombre de produits qui doivent être consommés ou vendus. Cela s’exerce de manière automatique. C’est moi qui dicte ce que l’entreprise doit produire et ce qu’il faut donner à ses clients. C’est moi qui produit des richesses, je m’expose dans un endroit où l’on me vend et m’achète également, c’est à partir de là que vous parlez d’offre et de demande. Chez moi tous les acheteurs savent combien ils doivent produire alors qu’il n’y a aucune autorité, c’est là toute la magie.

Il n’y a pas de personne physique derrière moi

Ce qui est intéressant avec moi, c’est que je n’ai pas de règlement intérieur, il n’y a pas de personne physique derrière moi, on me vit au quotidien sans s’en apercevoir. C’est perturbant de vous dire que ce que vous vivez n’existe pas. 

Pour me créer, il faut se poser des questions comme : “que produire ?” et “comment le faire ?”, tout en se basant sur le système de prix. Si vous consommez plus un produit, l’entreprise le produira d’avantage, mais si, dans le cas contraire, vous ne l’achetez pas, on arrêtera sa production. 

Je fonctionne plutôt bien, mais quand il y a un changement chez moi, il est important d’observer le prix ainsi que la qualité du produit. Pour attirer la clientèle vers moi, il faut passer par la publicité et le marketing, tout en faisant attention aux publicités mensongères.    

En France, je suis plus puissant dans le domaine de l’automobile et de la pharmacie, mon influence est plus limitée dans le secteur agricole, comme c’est le cas pour la Chine. 

L’intervention des États sur moi

Je fonctionne de la même manière dans tous les pays et la variation de mes prix est quasiment mondiale. La différence se manifeste dans la façon dont les États interviennent pour mon développement. 

Il y a des pays interventionnistes, comme la France où l’État joue un rôle crucial, contrairement à d’autres pays tels que l’Angleterre où l’État a un rôle moins important. Même au États-Unis mon économie n’est pas parfaite, on parle d’économie mixte (le marché capitaliste et socialiste). Si je n’existais pas ça marcherait moins bien. 

Le diplôme et la certification sont importants pour garantir une bonne gestion de mon économie

Mes faiblesses sont que parfois d’autres achètent et ne remboursent pas, c’est à ce moment précis que l’État intervient le plus afin de mettre au point des règles. Il y a aussi des tribunaux qui interviennent entre ceux qui m’offrent et ceux qui me demandent. Le diplôme et la certification sont importants pour toute personne qui s’intéresse à moi, pour garantir une bonne gestion de mon économie.

* Unistra/CNRS/Université de Lorraine/Inrae/AgroParisTech/UHA

Le parcours de Julie Pénin

Julien Penin est professeur en science économique à Strasbourg. Ces sciences cherchent à montrer la manière dont on produit et distribue des richesses au sein de nos économies. Il est particulièrement spécialisé dans tout ce qui touche au développement économique à très long terme, notamment les questions d’innovation et de changement technologique : comment l’économie est-elle affectée par les nouvelles technologies, avec une perspective historique.

La série si j'étais

Dans le cadre d'un atelier de vulgarisation scientifique, des étudiantes et des étudiants sont partis à la rencontre de chercheuses et de chercheurs. Objectif : rédiger un article destiné à présenter un sujet d’étude scientifique et le faire parler à la première personne du singulier.

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