Par Marion Riegert
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L’Alsace face au nazisme

Statue d’un aigle noir aux ailes déployées, grandes affiches de propagande ou encore films d’époque… la Bibliothèque nationale et universitaire (BNU) de Strasbourg nous replonge dans l’histoire de l’implantation du nazisme en Alsace à travers un retour dans le passé en trois temps. Visite guidée de l’exposition « Face au nazisme. Le cas alsacien » avec ses deux commissaires Catherine Maurer, directrice du laboratoire Arts, civilisations et histoire de l'Europe (Arche), et Jérôme Schweitzer, conservateur des bibliothèques à la BNU et chercheur associé à Arche.

L’exposition s’inscrit dans le cadre du 80e anniversaire de la mise en place de l’incorporation de force en Alsace et en lien avec les recherches menées par la Commission sur l’histoire de la Reichsuniversität. Soit 150 documents issus majoritairement des collections de la BNU, mais aussi de fonds des archives d’Alsace, des villes de Strasbourg et de Metz, du mémorial d’Alsace-Moselle ou encore du musée des Trois Pays de Lörrach (Allemagne), jamais exposés pour certains.

Avant : les années 1920-1930

Premier arrêt temporel, avant la Seconde Guerre mondiale, dès les années 1920, pour expliquer les racines de l’annexion. Se pose à nouveau la question des frontières. En 1918, l’Alsace et la Moselle redeviennent françaises, souligne Jérôme Schweitzer qui évoque ce qui est appelé alors le malaise alsacien. Il y a eu une incompréhension entre l’Alsace et la France. Cette dernière intervient parfois brutalement pour réinstaller son administration. Sans parler du problème du changement de langue.

Ces maladresses nourrissent un courant autonomiste dont certains représentants souhaitent un rattachement à l’Allemagne dans les années 1930. Courant qui s’exprime notamment dans des revues qui publient des caricatures contre le gouvernement français.

Pendant : l’annexion de fait à l’Allemagne nationale-socialiste 1940-1945

Juin 1940, les troupes allemandes entrent en Alsace, la guerre est de nouveau là. Contrairement au reste de la France, divisé en une zone libre et une zone occupée, l’Alsace et la Moselle sont annexées au IIIe Reich, précise Jérôme Schweitzer qui nous montre l’aigle commémoratif offert en 1940 au chef de l’armée allemande à Mulhouse.

L’Alsace est ainsi intégrée à la circonscription du Gau Baden-Elsass, aussi appelé Oberrhein / Rhin supérieur. La Moselle, quant à elle, est rattachée au Gau Westmark avec la Sarre et le Palatinat. L’idée était de ne pas laisser les deux régions ensemble comme entre 1871 et 1918. Une forte propagande se développe, affiches et films à l’appui, pour promouvoir l’annexion. Les noms des places sont germanisés, parfois nazifiés : la place Broglie devient ainsi la place Adolf-Hitler.

Soumise au régime national-socialiste, l’Alsace subit la mise au pas. Tout ce qui n’est pas lié au parti nazi est interdit. 130 000 Alsaciens et Mosellans sont incorporés de force dans l’armée allemande en août 1942 et 15 000 jeunes femmes, âgées de 17 à 25 ans, sont réquisitionnées dans le cadre du travail obligatoire. Les personnes ayant parlé français, refusé de faire le salut hitlérien ou considérées comme réfractaires au nouveau régime sont envoyées au camp de sûreté de Schirmeck. L’autonomiste Karl Roos, condamné à mort et exécuté par un tribunal militaire français en février 1940, est érigé en martyr par les nazis.

Après  : de la mémoire à l’histoire

La troisième partie s’intéresse aux itinéraires individuels et à la manière dont, après 1945, la mémoire et les recherches scientifiques sur la période ont pu se développer. A l’image d’un petit voilier fabriqué et offert par un prisonnier du camp de Natzweiler à un villageois qui lui avait donné du pain. La recherche a rappelé récemment que les relations entre les détenus du camp et l’environnement local étaient plus importantes que ce que l’on imagine généralement, explique Catherine Maurer. Autre souvenir : l’album photo d’une jeune fille rappelant son passage par le service du travail obligatoire.

Des objets témoignant de la réutilisation du camp de Schirmeck après la fin de l’annexion pour les personnes s’étant ralliées à l’Allemagne nazie sont également exposés. Sans oublier un registre de la BNU faisant état des ouvrages spoliés qui se trouvent dans ses collections. Nous mettons également en avant quelques flashs sur les recherches actuelles, poursuit Catherine Maurer.

L’occasion aussi de découvrir les Stolpersteine, ces « pierres d’achoppement » nées en Allemagne dont la première en Alsace fut posée en 2019. Insérées dans les trottoirs ou les chaussées devant les lieux où les personnes vécurent librement pour la dernière fois, elles racontent chacune l’histoire d’une victime du régime national-socialiste. Une carte permet de partir sur les traces de celles qui se trouvent aujourd’hui à Strasbourg.

  • Rendez-vous jusqu’au 15 janvier dans la salle d'exposition (1er étage) de la Bnu (accès libre et gratuit), visites guidées payantes (3€) le mercredi 17h et le samedi 11h, inscription sur bnu.fr

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