Par Elsa Collobert
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L’approche par compétences au service de la formation de l’étudiant

Avec pour triple ambition l’engagement, la réussite et l’insertion professionnelle de l’étudiant, l’Approche par compétences (APC) est un pilier de la construction de la prochaine offre de formation (2024-2028). Une conviction profonde de sa nécessité et de ses bienfaits guide l’Unistra dans son déploiement, nous expliquent Alexandra Knaebel, vice-présidente Formation et parcours de réussite, et Sophie Kennel, vice-présidente déléguée Transformation pédagogique.

Pourquoi la notion de compétences gagne-t-elle en importance ?

Alexandra Knaebel : Cette approche pédagogique contribue à la professionnalisation de l'étudiant. Elle lui permet de mieux identifier les compétences qu’il développe dans sa formation, afin de mieux les valoriser dans une projection d'insertion, à moyen et long termes.

Sophie Kennel : Pour l'étudiant comme pour l'enseignant, adopter cette approche permet de renforcer le sens que l’on donne à la formation : « Pourquoi et pour quoi j’apprends/j'enseigne ». Avoir en tête les compétences visées favorise aussi l’engagement, la motivation, la réussite et l’insertion professionnelle de l’étudiant. Cela passe par la mobilisation de savoir-agir (voir encadré), à travers des mises en situation concrètes, les plus authentique possibles.

Dans quel cadre cela s'inscrit ?

A. K. : On peut dater les prémisses de cette approche à l'arrêté Licence de 2011, mais c'est surtout la Loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel (août 2018) qui en fait une notion centrale. Il s'agit donc d'une stratégie de l’université, basée sur une conviction profonde, qui s'inscrit dans un cadre national.

S. K. : Aujourd'hui, tous les textes de référence de l'enseignement supérieur, les critères d’évaluation du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) et les appels à projets Formation, y font référence.

Où en est-on à l’Unistra ?

A. K. : Jusqu’à la précédente offre de formation, la notion de compétences ne faisait pas l'objet d'une attention spécifique, même si, bien sûr, elle pouvait déjà être présente dans certains référentiels de composantes et diplômes. Aujourd'hui, on souhaite faire un pas supplémentaire en ce sens, au-delà de la recommandation. L'idée est de déployer plus fortement l’APC à l’ensemble de l’offre de formation, pas seulement la licence.

Même si le cadre reste souple, nous avons balisé un certain nombre de jalons, de la définition des compétences visées par les diplômes à l’évaluation. Nous en sommes actuellement à l'étape 2 : mettre en cohérence compétences et objectifs d'apprentissages.

Nous avons fixé un jalon intermédiaire en septembre 2024, pour tout ce qui concerne la mise en œuvre de pédagogies actives, mobilisant des connaissances, ressources, savoir-faire autour d’une activité complexe.

S. K. : Ce travail est demandé aux composantes dans la perspective de l'établissement de leur prochaine offre de formation (2024-2028). Leur travail d'élaboration des maquettes doit aboutir en juin prochain. Ces changements de pratiques et les transformations induites au niveau de l’ingénierie de formation impliquent une réflexion de fonds de la part des équipes pédagogiques.

Dans cette perspective, avec l'équipe de vice-présidence, la Direction des études et de la scolarité (DES) et l'Institut de développement et d'innovation pédagogiques (Idip), nous avons entamé en février une tournée des composantes. Notre rôle : accompagner, conseiller, soutenir les équipes dans cette démarche, être à l'écoute de leurs cas particulier, pour mener au mieux cette évolution parfois perçue comme disruptive, qui peut inquiéter. Leur rappeler aussi qu'au-delà du cadre formel réglementaire, il y a bien des façons de faire, et que nous avons encore du temps devant nous.

Un séminaire consacré à cette thématique a déjà été organisé, en novembre dernier, rassemblant enseignants et personnels Biatss.

Sur quels outils peut-on s'appuyer ?

A. K. : Les fiches du Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) listent depuis 2018 les compétences visées par les diplômes. A l'Unistra, l'APC s'inscrit dans le cadre du projet Inventer les cursus de licence de l’université de demain (Include), prévu pour être déployé sur dix ans.

S. K. : Les composantes peuvent aussi s'appuyer sur différents outils facilitants – cadres, matrices – déployés par la DES et l'Idip. Enfin, un guide très complet, Construire et déployer la nouvelle offre de formation 2024-2028 : pas à pas, a été édité par l'Idip.

Quels freins avez-vous identifiés ?

S. K. : L'un de ceux qui revient souvent, c'est l’idée d'une approche adéquationniste, qui ferait correspondre offre de formation et besoins économiques, dictés par la sphère privée. Ce n’est pas notre vision, celle de l’université.

A. K. : Autre réticence, liée à la première : on raisonnerait en compétences, au détriment des savoirs. Or, tout comme l’interdisplinarité ne peut s'asseoir que sur un disciplinaire fort, toute compétence s'appuie sur des savoirs solides – problématiser, analyser, recontextualiser, dans le cas des études de lettres ou de philosophie, par exemple.
Les compétences académiques, et celles de la recherche en font partie, restent bien souvent des compétences citoyennes.

S. K. : Nous avons noté que de manière générale, notamment lors de la présentation de la note de cadrage en Commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU), les étudiants y semblent favorables.

Approche par compétences : de quoi parle-t-on ?

La définition communément admise est celle de Jacques Tardif de 2006 : Un savoir-agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes (savoirs, connaissances, capacités) et externes (outil, documents, enseignant), à l’intérieur d’une famille de situations.

Une compétence n'est pas quelque chose de figé ; elle ne s’applique par partout, peut toujours être remobilisée, selon la situation et le contexte, précise Sophie Kennel. Son acquisition passe par le temps long, précise Alexandra Knaebel. L’APC peut se décliner de différentes manières. Les IUT ont fait le choix d'une évaluation combinant compétences et connaissances (60 % pour les cours et les enseignements disciplinaires, 40 % pour l’évaluation par compétences). Les composantes ont toute latitude pour décider de l’organisation de leur modèle.

Côté facultés...

La Faculté des sciences de la vie s’est lancée dès 2016 dans la réflexion de l’approche programme, à travers une première définition de macro-compétences. Deux séminaires, organisés à trois ans d'intervalle avec l'Idip, ont rassemblé les équipes pédagogiques. Tous les participants ont repris le temps de réfléchir à la définition de macro-compétences – chacune étant ensuite attribuée à un groupe de travail pour les décliner en micro-compétences, et dresser des correspondances avec les fiches du Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

Il nous a paru important dès le départ d'impliquer un maximum de collègues, y compris de scolarité, et aussi des élus étudiants. Même si nous avons été freinés par le Covid, le fait de s'organiser en groupes de travail et de s'extraire du quotidien, en organisant ces demi-journées de séminaires hors de la faculté, nous aura finalement fait gagner du temps, estiment Sylvie Fournel, vice-doyenne, et Véronique Leh-Louis, directrice des études de plusieurs licences.

Un autre choix a été fait à la Faculté de chimie : Tout le monde ayant des emplois du temps très chargés, et l'effort étant déjà placé sur l'évolution du contenu de la nouvelle offre de formation, notamment vers davantage de développement durable et de professionnalisation, nous avons fait le choix avec mon adjointe de rédiger en amont quatre macro-compétences par mention. Chacune est déclinée en micro-compétences (exemple : Conduire une démarche expérimentale en chimie / Respecter les règles de sécurité), décrit sa doyenne, Rachel Schurhammer. Il nous a semblé plus simple de partir de quelque chose d’existant que d’une feuille blanche, et tout cela reste très ouvert et discutable. Pour la licence de chimie, l'équipe pédagogique peut s’appuyer sur le travail déjà réalisé : Il y a cinq ans, dans l’optique de l’approche programme, une première définition des micro-compétences a déjà été menée. Aujourd'hui, nous les actualisons et les mettons en cohérence. Le même travail va maintenant être conduit pour le master. Ici aussi, on a donc fait le choix d'un travail par étapes, participatif, impliquant l'Idip : Deux tiers des enseignants ont été formés à l'approche par compétences, lors de trois séminaires.

Si succès de la démarche il y a, c’est le fruit d’une réflexion collective qui a permis de susciter l’adhésion de tous et d’obtenir ces référentiels de compétences dès maintenant, reprennent Sylvie Fournel et Véronique Leh-Louis, à la Faculté des sciences de la vie. Cela nous laisse du temps pour tester notre référentiel auprès des étudiants, pour leur permettre de l’intégrer dans un e-portfolio de compétences et de nous projeter dans la prochaine étape : l'évaluation par compétences. Toutes deux en sont convaincues : Cette approche est utile aux étudiants, pour mieux situer leurs acquis par rapport aux autres formations, notamment les écoles d'ingénieurs, auxquelles ils ont tendance à se comparer.

A la Faculté des langues, où l’adhésion à la démarche est diverse selon des départements, Julia Putsche-Fischer, directrice du Département de linguistique appliquée et didactique des langues, en est persuadée : « En tant qu'enseignants, on travaille mieux depuis qu’on a intégré cette approche, lors de la construction de l'offre de formation actuelle. Dès le début du semestre, on formule clairement des objectifs aux étudiants, avec des jalons : "A la fin de l'année, du semestre, vous serez capables de faire ça". Ils savent où ils vont, cela fait davantage sens pour eux. Cette approche est aussi très compatible avec l'Évaluation continue intégrale (ECI) ».

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