Par Myriam Niss
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L'Afges, une centenaire bien alerte

Forte de son poids historique, l’Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg (Afges), qui fédère les amicales étudiantes et s’appuie essentiellement sur des bénévoles, doit trouver des réponses innovantes aux préoccupations quotidiennes.

Manger, se loger, pouvoir se déplacer. Un minimum vital lorsque l’on poursuit des études, mais qui n’est pas acquis pour tout le monde, souligne Alexa Foulon, en deuxième année de licence Droits européens et présidente de l’Afges. La précarité étudiante, déjà palpable depuis pas mal d’années, a été accrue par l’épisode Covid. La distribution, pendant les confinements, de paniers alimentaires et de paniers d’urgence, a permis que les étudiants puissent manger et vivre "normalement", se souvient Hugo Kret-Allavoine, en master d’informatique, vice-président Formation. Une expérience aux souvenirs aigres-doux : La solidarité déployée a été magnifique, mais c’était triste de voir combien d’étudiants avaient besoin d’aide.

Depuis, les deux Agoraé, épiceries solidaires gérées par l’Afges, ont réouvert leurs portes, proposant des denrées alimentaires à un dixième de leur prix. Un Agora’Truck se déplace sur les campus plus éloignés, en attendant de créer d’autres épiceries solidaires, en médecine et à Illkirch, notamment. Ces magasins créent aussi du lien, un thème cher à l’Afges, qui a pu constater que, face à des études plus compliquées, davantage d’heures de cours et de gros enjeux de sélection, beaucoup d’étudiants se retrouvent isolés. Voire sans toit : On manque à Strasbourg de logements étudiants, il y a grosso modo 10 000 chambres qui manquent au Crous, voire plus. Cette question se perpétue au fil des années et le phénomène Airbnb a aggravé la situation. Depuis 2018, nous avons décidé de professionnaliser le dispositif en employant un salarié pour le roulement quotidien : des étudiants débarquent chez nous avec leurs valises en septembre, sans savoir où se loger. Nous leur proposons une chambre en auberge de jeunesse ou hôtel pendant dix jours, pour éviter qu’ils ne soient à la rue.

Concrète, sociale et citoyenne

La mission « logement », pour laquelle la fédération touche des subventions, demande un gros investissement humain. La présidente entend aussi mettre l’accent cette année sur les transports, pour faciliter l’accès au réseau CTS des étudiants, la tarification solidaire ne prenant en compte qu’une petite partie d’entre eux. D’autant plus que le tarif à l’année de la location des Vél’hop a fortement augmenté.

Notre atout principal est d’être étudiants, nous comprenons les problèmes, puisque nous avons les mêmes

L’Afges compte des élus étudiants au conseil d’administration de l’Unistra, dans la Commission formation et vie universitaire (CFVU), dans les instances des facultés, au Crous. Elle participe, au niveau de l’université, à l’élaboration des travaux et des décisions. En interne, elle propose régulièrement à ses 500 bénévoles des sessions de formation à l’administration, à la défense des droits, à la prise de parole… afin de les faire monter en compétences. Et même si la présidente reconnait qu’il est difficile de toucher tous les étudiants, la vocation de l’Afges reste concrète et sociale. Notre atout principal est d’être nous-mêmes des étudiants, au service de nos pairs. Nous comprenons les problèmes, puisque nous avons les mêmes. Une équipe de bénévoles se soude plus facilement, il y a de l’entraide.

D’autres projets au programme ? Une campagne sur la précarité étudiante sera menée avec l’ensemble des fédérations étudiantes partout en France. En ligne de mire, aussi, les élections européennes et « l’organisation de rencontres entre les étudiants et l’ensemble des candidats. L’Afges se définit aussi comme un vecteur de citoyenneté », conclut Alexa Foulon.

Par vents et marées

Un siècle au service et à la défense des étudiants : l’Afges Les étudiant.e.s d’Alsace – son nom complet – a célébré en novembre cet anniversaire honorable.

A la fin de la Première Guerre mondiale, le mouvement étudiant alsacien est encore très vivant. La nouvelle université française est inaugurée à Strasbourg en 1919. Quelques années plus tard, le Cercle des étudiants fait place à l’Association générale des étudiants de Strasbourg (Ages), qui veut défendre la vie matérielle et morale des étudiants. En 1925, l’Ages lance les bases d’une sécurité sociale pour les étudiants. La même année est créée une section sportive, devenue entretemps le Strasbourg université club (SUC). La médecine préventive, qui préfigure l'actuel Service de santé étudiant (SSE), est également mise en place dans la foulée.

L’Ages devient l’Afges en 1926 : elle fédère toutes les amicales d’étudiants, en développant un réseau doté de services sociaux, d’un centre de vacances en Corse, d’une bibliothèque riche de plusieurs milliers d’ouvrages… Des fêtes et des monômes sont organisés. En janvier 1927, la Taverne de l’université devient le restaurant universitaire Gallia, que l’Afges a géré pendant près de 90 ans…  pour en perdre la gestion au profit du Crous, en 2015.

Lors d’une parenthèse imposée par la guerre, l’Afgs suit les étudiants non mobilisés à Clermont-Ferrand, où s’est repliée l’université de Strasbourg. Elle retrouve ses positions en 1946, mais dans un esprit plus revendicatif, lié à la Charte de Grenoble, fondatrice du syndicalisme étudiant. Elle n’en développe pas moins ses activités sociales et festives au service des étudiants.

L’Afges traverse des passages houleux et des moments de grâce, enchaine des projets exaltants et connaît des étapes plus difficiles. Un épisode marquant est l’élection, en 1966, d’étudiants se réclamant de l’Internationale situationniste et la parution de leur manifeste1, préfigurant à Strasbourg la contestation étudiante de mai 1968. La disparition de l’Afges est alors évitée de justesse. Après 68, l’Afges quitte la grande Union nationale des étudiants de France (Unef) mais continue de se concentrer sur les problèmes des étudiants. Dans les années 1980, l’aménagement du caveau de l’Afges constitue également un grand moment de l’histoire de l’association : ce lieu mythique, aujourd’hui fermé, a accueilli, dans les années 1990, jusqu’à 250 événements par an ! L’Afges participe, en 1989 à la fondation de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage). Au fil des années, mais aussi des vicissitudes financières, l’association tient le cap, professionnalise son accompagnement – il y a deux salariés permanents et un salarié supplémentaire, voire deux l’année prochaine, au moment du dispositif  de logement provisoire – tout en continuant à porter la voix des étudiants dans les instances où elle les représente.

1 « De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel », de Guy Debord et Mustapha Kayati, brochure d’une vingtaine de pages distribuée le 22 novembre 1966 à l’inauguration officielle du Palais universitaire de Strasbourg.

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