« Tendre vers une économie de subsistance pour aller à l’essentiel »
Adolphe Badiel, ancien doctorant au sein de l'Institut d'ethnologie de l’Université de Strasbourg, a reçu le prix 2025 de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. Le thème du concours ? Croissance et décroissance dans un monde en crises.
Distingué en 1750, Jean-Jacques Rousseau fait partie des tout premiers lauréats de ce prix
, rapporte Adolphe Badiel. 275 ans plus tard, le doctorant a reçu une médaille d’or, comme le philosophe en son temps, pour un travail autour de la thématique croissance et décroissance. Dans ma proposition, j’ai voulu montrer que nous étions dans une impasse et qu’il faudrait réinventer une nouvelle forme de subsistance.
D’un côté, la croissance a abouti à un mode de culture insoutenable dont nous sommes arrivés au bout
. De l’autre, il y a la décroissance. Mais pour moi ce n’est pas tenable. Si on supprime ce mode de vie, les personnes vont perdre leurs repères et les connaissances développées pendant des années. Et pour que ça fonctionne, il faut que tout le monde s’accorde au niveau mondial, ce qui est compliqué…
Cette réflexion fait également l’objet d’un chapitre de sa thèse d’ethnologie intitulée Travail, culture et mondialisation. Soutenue en mai, elle sera publiée grâce à la dotation du prix d’une valeur de 2 000 euros. Avant le Covid, la mondialisation était perçue comme un progrès, elle est désormais vue comme une menace. Durant mon doctorat, j’ai voulu comprendre ce désintérêt et pourquoi les personnes travaillent différemment d’une société et d’une époque à l’autre.
Une construction mentale qui influe sur la société
Pour ce faire, le doctorant a choisi de comparer deux terrains ayant une relation particulière au monde : Rood-Woko, le grand marché de Ouagadougou où il passe un an et réalise une trentaine d’entretiens et l'écosystème Tera, dans le Lot-et-Garonne, dont il explore les espaces numériques. Une démarche qui lui permet de collecter et d’analyser deux témoignages.
Dans le premier, le commerce était au départ exclusivement réservé aux femmes. Aujourd’hui, il est devenu plus ouvert et est considéré comme un lieu de travail, ce qui n’était pas le cas avant. A l’inverse, l'écosystème Tera regroupe des personnes qui quittent le secteur tertiaire pour créer de nouvelles dynamiques sociales et de nouvelles formes de travail.
Les représentations et les pratiques du travail révèlent ainsi qu’il constitue un imaginaire central des sociétés modernes. Co-produit essentiellement dans la mondialisation avec notamment la pression des marchés financiers, c’est une construction mentale qui influe sur la société et dont la finalité dépend de notre perspective culturelle.
Tout ne sera pas marchandable
L’objet imaginaire du travail demeure principalement la richesse, qui revient à plusieurs reprises dans les entretiens. A Rood-Woko, il s’agit d’un état social, une capacité à venir en aide à son entourage. A Tera, la richesse est plutôt du côté de l’environnement.
Tout cela s’inscrit dans un contexte de débat sur la fin du travail avec la définition d’une nouvelle forme de valeurs, écologiques et sociales, autour de la marchandise. Dans une nouvelle société tout ne sera pas marchandable
, souligne Adolphe Badiel qui est désormais chargé de la valorisation de la recherche au CNRS.
Sa solution ? Tendre vers une économie de subsistance pour aller à l’essentiel et se reconnecter à l’environnement avec lequel la croissance a artificialisé le lien. Une transition qui se ferait à travers une transformation culturelle et la mise en place de nouveaux outils.
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