Par Marion Riegert
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Lev Fraenckel, le serial thinker de la philosophie

Enseignant la philosophie au lycée ainsi qu’au département d’études hébraïques de l’Université de Strasbourg, Lev Fraenckel a à cœur de rendre la philosophie accessible à tous. Pour ce faire, ce passionné mise sur les réseaux sociaux. Quelques jours avant le baccalauréat 2022, il se lance le défi de résumer chaque notion du programme de philosophie sur TikTok en trois minutes et gagne plus de 100 000 abonnés.

Comment les réseaux sociaux sont-ils arrivés dans votre vie ?

C’était il y a trois ans, à la suite d’une réflexion personnelle. A l’école, j’étais bon élève, curieux, mais je n’aimais pas les cours, je me suis dit qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. L’école est une sorte de buffet à volonté avec toutes sortes de plats appétissants. Le problème, c’est qu’on en gave les élèves sans leur demander s’ils ont faim et de quoi. Un système frustrant pour les élèves comme les professeurs qui pour certains pensent que les jeunes ne s’intéressent plus à rien. C’est faux ! Ils ne s’intéressent pas au savoir de la même manière.

Lorsque j’ai remarqué l’engouement pour YouTube, que des personnes allaient voir des contenus pour se cultiver, je me suis dit qu’une éducation alternative était possible. Sur le moteur de recherche, chacun pose sa question et YouTube propose une réponse. J’ai mis un an à lancer ma chaine Serial Thinker, j’avais surtout peur du côté technique. Ne connaissant rien au montage vidéo, j’ai fait appel à un de mes élèves de terminale qui aujourd’hui a une société de production et qui m’aide toujours.

Serial Thinker, pourquoi ce nom ?

J’avais envie de montrer le côté « badass » de la philosophie. Socrate, considéré comme le premier philosophe, a été condamné à mort comme un serial killer alors que c’était un serial thinker. La pensée peut être perçue comme une forme de violence à l’égard du système. Socrate, par ses questions, déstabilisait l’Empire athénien.

Tout s’accélère lorsque vous tentez l’aventure sur TikTok…

Sur YouTube, j’ai posté une vingtaine de vidéo en trois ans, j’ai 8 500 abonnés. Les choses se sont accélérées en juin 2022 avec TikTok. Au départ, j’étais dubitatif car le réseau ne permet pas de faire des vidéos de plus de trois minutes, c’est court ! Et puis, deux semaines avant le bac, je me suis lancé le défi de résumer chaque notion du programme de philosophie, soit 17 au total, en trois minutes à l’aide d’exemples frappants. Je n’ai pas beaucoup dormi à cette période…

Je vais sortir un livre proposant un tour d’horizon de la philosophie

J’ai gagné 100 000 abonnés en une semaine et des millions de vues, parmi lesquels des bachoteurs mais aussi des élèves de bac pro qui n’étudient pas cette matière, des retraités ou encore des parents qui disaient en parler ensuite en famille. J’ai posté depuis une quarantaine de vidéos, des partenariats commencent à tomber. Je vais sortir un livre proposant un tour d’horizon de la philosophie en avril aux éditions Hachette. J’aimerais aussi poster plus, proposer de nouveaux formats.

Comment concevez-vous vos contenus ?

Je m’inspire notamment de questions d’élèves posées en cours comme : Mbappé mérite-t-il son salaire ? Mais je ne veux pas donner une réponse univoque. Un professeur de philosophie ne doit pas dire comment et quoi penser, mais donner des outils à partir desquels construire sa propre pensée. J’ai aussi fait venir des célébrités dans mes vidéos comme le kickboxeur Jérôme Le Banner que je connaissais via une amie. J’aime avoir cette vision décalée, montrer aux élèves que l’on peut faire de la philosophie avec tout le monde. Pour paraphraser le philosophe Jean-Claude Michéa : « On ne fabrique pas du pain pour les boulangers… »

Zoom sur son parcours

Aussi loin qu’il s’en souvienne, Lev Fraenckel avait du mal à dormir la nuit. Je me suis toujours posé des questions métaphysiques, savoir si le monde est fini ou infini… A l’âge de 13, 14 ans, il commence à lire de la philosophie, j’ai compris que c’est là que ça se passait. Mais il ne se lance pas tout de suite. J’ai d’abord suivi le consensus social disant que si tu fais de la philo tu risques de finir clochard ! A l’époque, il y avait 30 postes pour 1 000 candidats au Capes… Il se rend ainsi deux ans en Israël pour approfondir son étude du Talmud en araméen et en hébreux. Une recherche intellectuelle et spirituelle même s’il est aujourd’hui athée. Il réalise ensuite trois ans en expertise comptable. Ça ne me plaisait pas, j’ai donc décidé de changer de voie. Lors du premier cours de philosophie, je me suis dit que j’étais enfin là où je devais être ! C’était une évidence. Il poursuit jusqu’en thèse sur la psychanalyse et l’existentialisme, qui est toujours en cours. Sans oublier de passer avec succès le Capes de philosophie en 2002.

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