ERC Consolidator Grant 2024 : deux lauréats alsaciens
Le Conseil européen de la recherche annonce ce mardi 3 décembre les lauréats des bourses « Consolidator ». Pauline Jullien et Johannes Schachenmayer, chercheurs strasbourgeois voient, chacun, leur projet sélectionné et financé par cette bourse extrêmement sélective.
Johannes Schachenmayer, chercheur au sein du Centre européen de sciences quantiques (CESQ) de l’Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires (Isis – CNRS/Unistra)
Projet lauréat : MATHLOCCA - Many-body Theory of Local Chemistry in Cavities
« Des expériences récentes ont montré que la réactivité chimique peut être modifiée en couplant des molécules aux modes électromagnétiques d’une cavité, donnant ainsi naissance à un nouveau domaine de recherche : la chimie polaritonique.
Malgré des avancées significatives, les mécanismes théoriques fondamentaux sous-jacents demeurent encore mal compris. Le projet MATHLOCCA propose une théorie en optique quantique pour relever ce défi, en explorant de nouveaux phénomènes émergents quantiques dans des modèles moléculaires minimaux, où les degrés de liberté électroniques, nucléaires et photoniques sont couplés. L'approche théorique repose sur la physique des « états sombres » (dark states) modifiés par la cavité et prend en compte les corrélations quantiques fortes, qui pourraient jouer un rôle décisif dans notre compréhension de la chimie modifiée par la cavité. Acquérir une compréhension détaillée ouvrira de nouvelles possibilités d'utilisation systématique des champs de cavité comme de nouveaux types de « catalyseurs ».
Par ailleurs, MATHLOCCA introduira de nouvelles méthodes numériques pour les simulations quantiques ouverts à N corps. L'une des principales innovations est l'optimisation dynamique de la décomposition des matrices de densité en trajectoires d'états purs, ce qui rend ces dernières plus propices à une représentation classique. Cette approche pourrait révolutionner les capacités de simulation, tout en offrant de nouvelles perspectives sur la dynamique de l’intrication dans les systèmes quantiques ouverts à N corps. »
Pauline Jullien, chercheur au sein de l’Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP-CNRS)
Projet : EPIPAT - Unraveling the Epigenetic Arms Race Between Plants and Pathogens
« Les interactions plantes-pathogènes impliquent des modifications moléculaires et physiologiques complexes chez l’hôte et le pathogène. De plus en plus de preuves soulignent le rôle de l’épigénétique dans la défense des plantes, mais le manque de définition spatio-temporelle limite notre compréhension des modifications de la chromatine et de leurs fonctions pendant l’infection. Nos recherches ont montré qu’un facteur de virulence bactérien induit des changements globaux de méthylation de l’ADN et que l’infection par des pathogènes active des gènes codant pour des facteurs épigénétiques généralement exprimés pendant la phase reproductive des plantes (appelés « gènes RePat »).
Les mutations de ces gènes réduisent l’infection, ce qui suggère que les pathogènes exploitent les gènes RePat pour contourner les défenses épigénétiques innées des plantes. Le projet EPIPAT vise à identifier spatio-temporellement les modifications épigénétiques au cour de l’infection, à étudier les mecanismes d’induction des gènes RePat et à caractériser leur rôle dans la régulation de l’épigénome. Cette recherche apportera de nouvelles dimensions sur les interactions hôte-pathogène, établira des parallèles évolutifs entre reproduction et défense, et approfondira notre compréhension de l’immunité végétale. »
L’ERC Consolidator
En 2024, le Conseil européen de la recherche (ERC) finance 328 chercheurs et chercheuses en Europe à travers ses « ERC Consolidator grants », pour un montant total de 678 millions d'euros tirés du programme cadre Horizon Europe. Soutenant le meilleur de la recherche exploratoire dans tous les domaines, ces bourses récompensent des porteurs et porteuses de projets européens ayant obtenu leur doctorat 7 à 12 ans auparavant. Les bourses « Consolidator » sont attribuées une fois par an pour une durée de 5 ans. Des 2 313 projets proposés, 14,2 % ont été financés.
Les 203 lauréats et 125 lauréates réaliseront leurs projets dans des universités, des centres de recherche et des entreprises de 25 pays européens, notamment l'Allemagne (67 bourses), la France (38), le Royaume-Uni (38) et les Pays-Bas (37). La présidente de l’ERC, Maria Leptin, a cependant regretté de ne pouvoir financer plus de candidats jugés excellents : « Ce gâchis de talents ne peut être combattu qu’en augmentant les investissements dans la recherche fondamentale en Europe. », a-t-elle déclaré.
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