Par Marion Riegert
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Violences sexuelles durant l’enfance et l’adolescence : « La parole reste circonscrite à la famille »

Les agressions sexuelles, particulièrement celles subies dans la famille pendant l’enfance, restent difficiles à révéler. À partir d’une enquête de l’Inserm, Elise Marsicano, Nathalie Bajos et Jeanna-Eve Pousson caractérisent ces violences selon le type d’agresseur. Sans oublier d’évoquer la question de la parole des victimes, et surtout de sa réception par l’entourage.

Nathalie Bajos, directrice de recherche Inserm et directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, a mené cette enquête à l’Inserm pour le compte de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique (Ciase) en 2019-2020. Elle avait notamment pour objectif d’actualiser les données sur le sujet, raconte Elise Marsicano, chercheuse au laboratoire Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe (Sage – CNRS/Unistra).

Les deux sociologues, au côté de Jeanna-Eve Pousson, post-doctorante en épidémiologie à l’Inserm qui travaille sur les inégalités sociales de santé, décident d’utiliser les données de l’enquête pour caractériser les violences sexuelles ayant eu lieu avant 18 ans selon le type d’agresseur. En s’appuyant sur la typologie proposée dans l’enquête Virage (Ined, 2015), elles distinguent trois sortes de violences sexuelles : intrafamiliales, exercées par un membre de la famille, parafamiliales, par un proche, et les autres violences commises par des personnes n’appartenant pas à ce cercle familial.

Une majorité des violences commises avant 11 ans

35,7 % des femmes indiquent qu’il s’agissait d’un membre de leur famille

Les chercheuses mettent en évidence que les violences sexuelles perpétrées avant 18 ans concernent 13 % des femmes et 5,5 % des hommes. Parmi elles, 35,7 % des femmes indiquent qu’il s’agissait d’un membre de leur famille contre 21,6 % des hommes. Les violences sexuelles intrafamiliales et parafamiliales commencent plus jeunes, avec une majorité commises avant 11 ans, et sont souvent répétées, rapporte Elise Marsicano qui précise qu’il n’y a pas de différence entre les milieux sociaux.

L’analyse s’intéresse par ailleurs à la circulation de la parole. La propension à parler des violences subies est toujours plus élevée chez les femmes que les hommes. Sauf auprès de la police-justice.

Des espaces d’écoute pour les victimes

La parole reste ainsi souvent circonscrite à la famille. Un professionnel de santé est informé dans un peu moins d’un cas sur sept. Il faudrait des espaces d’écoute pour les victimes, au-delà de la famille, je pense à l’école, c’est le seul espace auquel tous les enfants sont confrontés, souligne la chercheuse.

L’étude est parue à dessein dans une publication à grande diffusion : Population et Sociétés, le bulletin d’information scientifique publié en français et en anglais de l’Institut national d’études démographiques (Ined). Il s’agit d’une publication très suivie et qui dépasse le milieu de la recherche, glisse Elise Marsicano qui continue de travailler sur la question en participant notamment à une enquête de l’Inserm sur la sexualité en France.

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