Par Marion Riegert
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Transmission de la recherche : « La science n’appartient à personne »

Jean-Louis Mandel et Jocelyn Laporte se sont connus lorsque le second fut le doctorant du premier à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC - CNRS/Unistra/Inserm) il y a 30 ans. Institut qu’ils n’ont jamais quitté. Tous deux sont invités à la soirée des 10 ans du réseau Alumni le 24 mars prochain pour parler de la transmission de la recherche. Rencontre en avant-première.

Je suis un bon exemple de consanguinité, plaisante Jean-Louis Mandel, professeur émérite de l’Université de Strasbourg connu pour ses travaux sur le syndrome de l’X fragile, lorsqu’on lui demande comment s’est passée la transmission pour lui lorsqu’il était jeune chercheur. Son père, médecin-chercheur à la Faculté de médecine de Strasbourg, fut le fondateur du Centre de Neurochimie du CNRS, l’actuel Institut des neurosciences cellulaires et intégratives (Inci - CNRS/Unistra). C’était quelqu’un de très enthousiaste pour la recherche, il m’a contaminé. Sans travailler directement avec lui, Jean-Louis Mandel devient doctorant de Pierre Chambon qui avait lui-même été l’élève de son père.

Durant ses 40 années de recherche en génétique humaine, Jean-Louis Mandel enfante deux ou trois générations de chercheurs qu’il appelle, sourire aux lèvres, ses enfants et petits-enfants scientifiques. Parmi eux, Jocelyn Laporte.  Durant ma thèse, j’ai identifié un gène impliqué dans une myopathie très sévère. Gène dont j’ai ensuite étudié les mécanismes plus en profondeur en vue notamment de développer des thérapies, explique Jocelyn Laporte, 25 doctorants et une douzaine de post-doctorants à son actif, qui dirige depuis 2007, l’équipe physiopathologie des maladies neuromusculaires à l’IGBMC.

Un échange plus qu’une transmission

Nos deux chercheurs évoquent une transmission horizontale où la discussion et les échanges sont les maitres mots. A l’époque, Jean-Louis m’a laissé assez libre d’avancer comme je le proposais. Avec mes étudiants, chacun peut apporter ses idées et hypothèses selon son niveau. C’est bien de discuter ensemble. Parfois, des idées en dehors des sentiers battus donnent lieu à de nouvelles perspectives. L’important, c’est de faire avancer la science, poursuit Jocelyn Laporte.

Jean-Louis Mandel abonde : Sans les étudiants et les post-doctorants, je ne serai pas allé loin, c’est un échange plus qu’une transmission. La science, d’autant plus quand elle concerne des maladies, n’appartient à personne. Ce qui compte pour les gens, c’est que l’on progresse vers le traitement de leur pathologie. On ne peut pas être partout. La question est de savoir qui est le mieux placé pour faire avancer le sujet.

Grand public et politiques

Au-delà de la transmission au sein des laboratoires, la transmission se fait aussi avec le grand public. C’est un point important surtout sur des thématiques de biomédecine où l’on travaille sur l’animal, les chercheurs ont souvent du mal à communiquer, ils ne sont pas formés pour ça. Deux tiers de nos financements viennent d’associations de patients, nous estimons que notre salaire vient des poches de tout un chacun, nous avons un devoir de retour, souligne Jocelyn Laporte.

C’est un peu comme un film, au départ on ne sait pas si ça va donner un grand succès public ou pas

C’est important d’expliquer au grand public ce qu’il paye par ses impôts et aux politiques car ce sont eux qui décident. Il faut notamment valoriser les sciences fondamentales qui sont toutes aussi importantes que les sciences appliquées, ajoute Jean-Louis Mandel qui cite l’exemple d’un chercheur japonais devenu prix Nobel de chimie en 2008. Il broyait des méduses récupérées dans un port pour comprendre le mécanisme de leur fluorescence, ce qui pouvait paraître sans intérêt. Il a ainsi découvert la protéine fluorescente verte dont les dérivés sont utilisés aujourd’hui par tous les laboratoires de biologie comme marqueurs des constituants cellulaires. C’est un peu comme un film, au départ on ne sait pas si ça va donner un grand succès public ou pas, conclut Jean-Louis Mandel.

Le réseau Alumni fête ses 10 ans

Rendez-vous le 24 mars à 18h30 au Palais universitaire pour la soirée des 10 ans du réseau Alumni de l’Université de Strasbourg, placée sous le signe de la solidarité pour les étudiants. Au programme : performances artistiques et sportives, échanges autour de la transmission de la recherche, moments de retrouvailles et de rencontres privilégiées avec la communauté universitaire.

Inscription obligatoire. Tarif standard 40 euros, 20 euros étudiants. La participation soutiendra les actions de la nouvelle mission Solidarités de l'Université de Strasbourg qui vient en aide aux étudiants et étudiantes en situation de précarité.

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