Par Marion Riegert
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Un colloque pour repenser le travail du point de vue des théories féministes

Sortir de la vision androcentrée du travail, construite sur des perceptions et des intérêts propres aux hommes, telle est l’utopie que tente de rendre réelle le colloque « Utopies féministes au travail. Réorganiser, redéfinir, abolir », du 6 au 7 novembre au Studium. Organisé dans le cadre de la bourse ERC Starting Grant WE-COOP d’Ada Reichhart, professeure junior de sociologie au sein du laboratoire Sociétés, acteurs et gouvernements en Europe (Sage - CNRS/Université de Strasbourg), il s’intéressera aux constructions utopiques au travail comme lieu d’oppression et d’émancipation des femmes.

Contrairement à la littérature où il est plus facile d’imaginer une utopie car cela désigne quelque chose qui n’existe pas, en sciences sociales, une utopie, cela peut aussi être ébranler des certitudes, créer des brèches, confronter le problème du pouvoir, souligne Ada Reichhart, qui organise le colloque.

Très étudiées en littérature, les utopies féministes ont été peu abordées en sciences sociales, qui plus est du point de vue du travail, poursuit la chercheuse qui cite les travaux de Charles Fourier, Robert Owen ou encore Saint-Simon autour du socialisme utopique. Les constructions politiques de “ce que le travail pourrait devenir” restent largement façonnées par leur héritage intellectuel, sans que n'ait été intégré depuis des perspectives genrées ou féministes - qui existaient pourtant déjà à l'époque !

Deux temps forts

Le colloque va ainsi se pencher sur une possible réorganisation, redéfinition voire abolition du travail en s’intéressant aux pensées féministes. Cela ne concerne pas uniquement le travail salarié, mais aussi des activités moins légitimes comme le travail associatif, sexuel ou encore domestique.

L’abolition de la famille qui organise la répartition inégalitaire du travail domestique

Sociologie, histoire, philosophie, anthropologie, sciences politiques… Une vingtaine d’intervenantes et d’intervenants seront présents sur deux jours pour aborder différents aspects de cette thématique, avec notamment une intervention sur l’abolition de la famille qui organise la répartition inégalitaire du travail domestique. Sans oublier les coopératives de femmes autochtones au Mexique, ou encore le travail du sexe comme anti-travail…

Deux temps forts seront au programme : le jeudi et le vendredi soir. Le premier, avec la conférence plénière de Jessica Gordon-Nembhard, professeure à la City University of New York, qui travaille sur les coopératives de femmes afro-américaines au 20e siècle. Être en coopérative était une manière pour elles de lutter contre les discriminations raciales tout en s’émancipant économiquement

Aux politiques de s’en saisir s’ils le souhaitent ! 

Le second, est une table ronde entre Maud Simonet, directrice de recherche en sociologie, et Katia Genel, professeure de philosophie, autour des actualités et perspectives des critiques féministes du travail aujourd’hui et de l’importance de désandrocentrer le travail.

A l’issue du colloque, Ada Reichhart souhaite publier un ouvrage en anglais sur la thématique. Afin de donner des perspectives d’avenir et d’ouvrir ce champ de recherche peu exploré. Mettre l’accent sur les brèches, permet de voir ce qui peut être amélioré. Ce sera ensuite aux politiques de s’en saisir s’ils le souhaitent !, conclut la sociologue.

Une bourse ERC pour étudier les coopératives ouvrières de production

Ada Reichhart a reçu un ERC Starting Grant de 1,4 million d’euros dans le cadre du projet WE-COOP. La chercheuse déplace le regard traditionnellement androcentré des recherches sur la démocratie au travail en se consacrant aux expériences de travail des femmes dans les coopératives ouvrières de production. 

C’est un lieu où le travail se fait de manière horizontale, avec une appropriation des moyens de production par les salariées et les salariés. Je m’y intéresse du point de vue du genre : voir comment les femmes réorganiseraient leur travail en tenant compte de leurs problématiques propres.

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