Par Elsa Collobert
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Témoignage d'experts #1 : « Repenser nos usages du numérique, dans une perspective de sobriété »

Omniprésent dans nos vies et notamment dans notre travail, le numérique a un impact environnemental non négligeable, et qui ne cesse d'augmenter. Quelles stratégies mettre en œuvre pour passer d'une logique de consommation linéaire à un modèle plus circulaire et durable ? Éléments de réponse pour mieux « numilonger » à l’Université de Strasbourg avec Julien Dupré, directeur adjoint de la Direction du numérique (DNum), et Franck Gehres, architecte urbaniste du système d'information et référent Développement durable pour son service (DNum).

On a tendance à d'abord spontanément penser à l'impact de la consommation électrique de nos appareils électroniques. Mais leur production a au moins autant d'impact, il est même de l'ordre de 80 % pour les smartphones. A titre d'exemple, 800 kg de matières premières sont nécessaires pour la fabrication d’un ordinateur. Au moment d’un renouvellement, il faut donc se poser la question : ‘En ai-je vraiment besoin ?’ ‘Est-ce adapté à mes usages’, voire ‘Puis-je faire évoluer ceux-ci ?’

Nous cherchons donc d’abord à agir à la source : nos marchés d’acquisition, nationaux, intègrent depuis quelques années des critères liés à la durée de vie. Nous avons aussi étendu nos durées de garanties à cinq ans. Depuis peu, avec le changement de prestataire pour la téléphonie, nous pouvons acquérir des produits reconditionnés. Autant que possible, nous privilégions la réparation et le remplacement de certaines pièces, comme les batteries, au renouvellement complet de l’équipement.

L'Unistra compte environ 13 000 postes informatique : 5 885 sont gérés par la DNum ; plus de 7 000 en direct par les composantes. Le récent recensement réalisé pour le bilan carbone de l’établissement va offrir une meilleure visibilité pour sa gestion

Nous souhaitons aussi faire la chasse aux doublons : arriver à un seul poste informatique par personnel, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Nos préconisations sont soutenues par la direction de l’université, car la marche vers la sobriété est envisagée de façon globale, et est une priorité de l’État. Autre piste envisagée : réduire le nombre de copieurs, et notamment les imprimantes de bureau personnelles, pour les réserver aux endroits où il y a vraiment un usage effectif. A terme, si l’on veut atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à 5 % par an, certains choix drastiques devront être faits, privilégiant un usage plus sobre et raisonné du numérique.

Deuxième axe d’action : mettre en œuvre des gestes de bon sens, pour prolonger la durée de vie des machines – notre objectif est d’allonger encore celle-ci, de cinq à sept ans. L’obsolescence programmée n’est pas une fatalité ! Utiliser une housse de protection pour son ordinateur portable quand on le transporte pour le télétravail, pour éviter la casse ; éteindre son ordinateur le soir (tout le monde ne le fait pas !) ; recharger la batterie quand celle-ci est située entre 20 et 80 %. Nous essayons aussi au maximum de donner une seconde, voire une troisième vie à notre matériel informatique, en réaffectant les postes dans les services, en salles de travaux pratiques ou encore en postes de consultation publique, dans les bibliothèques. Le guide des bonnes pratiques édité par la DNum vient d'être mis à jour.

Entre 3 et 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont émises par le numérique*

Enfin, le numérique, ce sont nos smartphones, nos ordinateurs fixes et portables. Mais aussi tout ce à quoi on ne pense pas forcément, nécessaire à leur fonctionnement – câbles, serveurs, baies de stockage… La "face cachée du numérique", en d’autres termes. Sans nier le fait qu'il consomme de l’électricité (plus de 2,5 GW en 2022), notre data-center répond à un certain nombre de critères environnementaux. Il a été écoconçu, est refroidi par la nappe phréatique et en période de froid, la chaleur qu'il émet est réinjectée dans le réseau de chaleur du quartier. Pour cela, il a bénéficié d'une labellisation de la commission européenne.

* Source : Agence de la transition écologique (Ademe) et Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), dans un rapport conjoint

Un quizz pour s'auto-évaluer !

Testez vos connaissances avec le quizz du numérique responsable réalisé par la mission Développement durable et responsabilité sociétale (DD&RS) de l'Unistra [octobre 2022]

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