Par Marion Riegert
Temps de lecture :

« Soyez actrice de la santé de vos seins »

Les 30e Rencontres internationales de sénologie se sont tenues à Strasbourg début octobre dans le cadre d’Octobre rose. Rencontre avec Carole Mathelin, professeur des universités, praticien hospitalier, chef de service de chirurgie de l’Institut de cancérologie Strasbourg Europe (Icans), qui a piloté ces rencontres. Elle revient sur le cancer du sein qui est le plus fréquent chez la femme et cause le plus grand nombre de décès par cancer.

Quelle est l’incidence du cancer du sein en France ?

En France, le cancer du sein touche 105 personnes pour 100 000 habitants. C’est un cancer qui progresse. Quand j’ai commencé à travailler dans les années 80, il y avait 25 000 nouveaux cas chaque année, nous sommes aujourd’hui à 62 000, dont 1% d’hommes. La mortalité est de 12 000 décès par an. Selon les modèles prédictifs, cela va continuer d’augmenter sauf si des actions sont mises en place. De manière globale, les pays riches ont une incidence plus élevée que les plus pauvres. Les raisons sont multifactorielles : difficultés pour accéder à une mammographie, ressources souvent limitées pour la radiothérapie et la prise en charge oncologique, exposition à certains facteurs de risque.

Quelles sont ces facteurs de risque ?

Nous en avons identifié environ un quart pour le moment. Il y a les facteurs génétiques, 5 à 8 % des femmes touchées ont un variant délétère d’un gène de susceptibilité au cancer du sein. Les facteurs liés au mode de vie : l’obésité, la sédentarité, la consommation d’alcool, les carences en vitamine D, le manque de sommeil et une alimentation déséquilibrée, sans oublier certaines maladies comme le diabète de type 2. Les facteurs hormonaux, une puberté précoce, une ménopause tardive, une absence de grossesse, une grossesse tardive ou une prise d’hormones au long cours à forte dose. Enfin, certains facteurs sont inconnus ou pas encore identifiés de manière claire, avec des études en cours. Parmi eux, il y a l’exposition à la lumière la nuit et les perturbateurs endocriniens, pesticides, composés per- et polyfluoroalkylés (PFAS) et certains métaux.

Que peut-on faire en prévention ?

Le dépistage ne s’arrête pas à 74 ans

Il y a des facteurs protecteurs comme l’activité physique, un régime équilibré, plusieurs grossesses, le fait d’allaiter. Côté recommandations, le dépistage est conseillé à partir de 50 ans. Si vous êtes dans une famille à risque, cela peut être anticipé et se faire dès 30 ans. Contrairement à une idée reçue, le dépistage ne s’arrête pas à 74 ans. Les femmes âgées sont aussi touchées par le cancer du sein. Mon conseil de manière globale serait de consulter un médecin une fois par an à partir de 25 ans afin de réaliser un examen clinique. 

Quels sont les traitements ?

Il n’y a pas de traitement standard. Des réunions de concertation pluridisciplinaires permettent de décider ce qui va être fait, parfois plusieurs thérapies peuvent être associées, en tenant compte des problématiques esthétiques, mais aussi de préservation des possibilités de grossesse si la femme est jeune. Dans une grande part des cas, la chirurgie est recommandée, parfois suivie d’une radiothérapie. La chimiothérapie l’est pour la moitié des patientes. La thérapie hormonale, dans le cas de cancers hormono-dépendants, représente 75 à 80 % des traitements. Dans des cas rares, 12 à 15 %, des thérapies ciblées sont préconisées. Concernant la chirurgie en France, il existe 13 spécialités mais aucune liée à la sénologie. Avec l’Académie nationale de chirurgie, dont je suis vice-présidente, nous aimerions mettre en place une formation de deux ans pour les chirurgiens axée à la fois sur le côté cancérologique et esthétique de la prise en charge. 

Où en est la recherche à l’Icans ?

Un travail autour d’un soutien-gorge connecté

La recherche en matière de cancer du sein est multiple et concerne tous les domaines : la chirurgie, les nouvelles thérapies, l’imagerie, les facteurs de risque... A l’Icans, nous travaillons sur de nouvelles thérapies et des imageries innovantes. Avec par exemple un travail autour d’un soutien-gorge connecté qui détecte les variations de température et pourrait ainsi permettre de déceler une tumeur précocement. Des recherches sont également en cours sur l’intelligence artificielle pour venir en appui à l’analyse des échographies mammaires, sans oublier la détermination des causes du cancer. Lorsque nous opérons une patiente, si elle est d’accord, nous testons 578 pesticides, 4 PFAS et 30 métaux pour connaitre les produits passés dans le sein et leur implication dans le cancer. 

Un mot pour finir ?

J’aimerais saluer les associations sans qui toute cette lutte et tous ces projets ne pourraient pas avoir lieu. Elles sont remarquables, il faut les soutenir, je pense par exemple dans le Grand Est à l’association Seve - Seins et vie. Il faut aussi encourager les actions de prévention auprès des étudiants notamment, ne pas rester passif. En observant des règles simples, que j’ai détaillées avant, cela épargnerait 20 000 cancers par an. Soyez actrice de votre santé !

Différentes actions organisées par l’Icans dans le cadre d’Octobre rose

Le cancer du sein se guérit de mieux en mieux, la guérison peut être obtenue dans plus de 9 cas sur 10 s’il est détecté suffisamment tôt. C’est pourquoi l’Icans met en place de nombreuses actions tout au long du mois pour informer et sensibiliser les publics aux cancers du sein et inciter les femmes âgées de 50 à 74 ans à participer au programme national de dépistage organisé du cancer du sein : #ICANSenROSE

Catégories

Catégories associées à l'article :

Mots-clés

Mots-clés associés à l'article :

Changer d'article