Par Marion Riegert
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Retour sur la crise qui agite le Pérou

Depuis la destitution de Pedro Castillo en décembre 2022, le Pérou s’enlise dans une crise sociale et politique. Explications avec Arthur Morenas, spécialiste des politiques économiques au Pérou, chercheur au sein du laboratoire Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe (Sage – CNRS/Unistra).

Parlez-nous du contexte de la crise ?

La crise s’inscrit dans l’histoire récente du Pérou. Dans les années 2000, il y a eu un retour à la démocratie, avec une forte demande économique et sociale de la part des citoyens. Mais rien n’a été fait en ce sens par les différents gouvernements. Il y eu une montée du mécontentement surtout dans les zones du sud. Le tout, sur fond du scandale Odebrecht. L’entreprise de construction brésilienne aurait corrompu une bonne partie de la classe politique et conduit à la chute du président péruvien Pedro Pablo Kuczynski en 2018. Depuis, avec six présidents en 5 ans, le système politique est totalement instable. Pour réaliser les différentes destitutions, le congrès utilise la clause d’incapacité morale prévue originellement en cas de problème de santé.

Quel a été l’élément déclencheur ?

Il y a d’abord la tentative de dissolution par Pedro Castillo, alors président de la République, du congrès de la République, qui s'apprêtait à examiner la troisième motion de destitution à son encontre en un peu plus d’un an. Une tentative qui aboutit à sa destitution. Et ensuite, la prise du pouvoir de sa vice-présidente Dina Boluarte. Cette dernière précise qu’elle ne convoquera pas de nouvelles élections, ce qui met le feu aux poudres.

Quelles conséquences ?

Il y a eu de très fortes manifestations au cours desquelles plus de 50 personnes sont tuées. Dina Boluarte est obligée de rétropédaler et de proposer des élections. Le pays est de plus en plus irréconciliable avec une division entre la province et Lima, le Nord et le Sud. A Lima, plus de 200 manifestants hébergés à l’Université de San Marcos sont expulsés et arrêtés à l’aide notamment de véhicules blindés et d’hélicoptères. L’an dernier, la croissance économique était de 10 %, avec la crise il se peut qu’il y ait un ralentissement. Côté tourisme, le Machu Picchu a dû être fermé.

Peut-on entrevoir une sortie de crise ?

Pour ma part, je n’ai jamais vu d’aussi grandes manifestations avec une répression aussi forte. Le Sud est plus connu pour se mobiliser mais en général cela reste localisé. Je doute que les élections organisées par Dina Boluarte changent quelque chose. Il faudrait également définir clairement le type de régime : présidentiel ou parlementaire.

Des candidats se profilent-ils ?

Il n’y a pas de figure politique qui émerge de tout ça. Pedro Castillo est en détention provisoire pour rébellion. L’extrême droite est alliée avec l’actuelle présidente et est à la tête du congrès et de la mairie de Lima. A gauche, il y a Antauro Humala, figure ultra radicale, frère du président de 2011, tout juste sorti de prison. Son mouvement est composé de beaucoup de militaires ou d’anciens réservistes.

Concernant les pays plus éloignés, il n’y a pas de prise de position notoire

Comment se positionnent les autres pays ?

La Colombie et le Mexique soutiennent Pedro Castillo, arguant du fait qu’il n’a pas pu exercer son droit à la défense auprès du congrès. Le Chili, l’Argentine et le Brésil sont du côté des manifestants. Mais concernant les pays plus éloignés, il n’y a pas de prise de position notoire.

Des citoyens en quête de République

L’ouvrage collectif Le Pérou, des citoyens en quête de République, coordonné par Arthur Morenas, vient de paraitre aux éditions l’Harmattan. Débuté en 2020, il réunit les contributions d'une vingtaine de chercheurs et chercheuses travaillant sur le Pérou.

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