Par Elsa Collobert
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Michel Deneken : « Instaurer un revenu minimum étudiant aurait de multiples vertus »

Dans une tribune co-signée avec treize présidents d'universités, largement relayée au niveau national, le président de l'Université de Strasbourg plaide pour l'instauration d'une allocation financière universelle offrant des conditions décentes de vie à chaque étudiante et étudiant, au bénéfice de leur parcours.

Pourquoi cette tribune, et pourquoi maintenant ?

Une nouvelle fois, la rentrée universitaire se déroule sous le sceau d'une précarité étudiante qui s'installe, dans tous les domaines et particulièrement le logement. Cette situation n'est pas acceptable. Nous sommes face à une rupture générationnelle, avec 80 à 85 % d'une classe d'âge qui s'engage dans les études supérieures. Les familles sont loin de pouvoir toutes subvenir aux besoins de leurs enfants partis étudier, parfois loin de chez eux. C'est une situation totalement inédite.
Aujourd'hui, les collectivités, l'État, font beaucoup pour soutenir financièrement les étudiants, mais le système de bourses est en train de craquer de partout.
Nous saluons aussi l'effort de la ministre Sylvie Retailleau, et de ce point de vue cette tribune est une contribution au débat national. Mais avec les autres présidents signataires, nous disons profitons de la réforme programmée des bourses pour adopter un autre point de vue.

Quels bénéfices attendriez-vous d'une telle allocation d'études ?

Aujourd'hui, nous estimons qu'un tiers des étudiants est dans l'obligation de travailler pour s'en sortir, à côté de leur cursus. Cela nuit à leur concentration, leur état de forme, les stresse et impacte leurs résultats.
Mettre en place une allocation d'études, décorrélée du revenu des parents, permettrait de les responsabiliser, de les impliquer, de leur libérer du temps pour qu'ils s'investissent autrement dans leur territoire, comme citoyens, dans la vie associative.
Comme nous le disons dans notre texte : Être en situation non seulement d’apprendre et de se former, mais également d’inventer, de créer et de s’engager.

Cela existe déjà ailleurs ?

Oui tout à fait, la mesure a fait ses preuves ailleurs en Europe, notamment en Finlande, aux Pays-Bas, au Danemark.
L'idée est bien entendu de soumettre cette rétribution universelle à certaines conditions, à la manière d'un contrat d'études et conditionné à l'assiduité, voire à la réussite. C'est déjà le cas aujourd'hui pour les bourses.

Comment est accueillie votre proposition ?

J'ai pu me rendre compte que l'idée fait grand bruit ! Et pas qu'en bien : j'ai entendu des choses terribles, qu'on encouragerait les étudiants à la paresse, à l'assistanat...

Certains parlent de coût, nous préférons parler d'investissement en faveur des générations futures
 

Certains parlent de coût, nous préférons parler d'investissement en faveur des générations futures. Bien entendu cette idée, tout ce qu'il y a de plus sérieux, n'est pour le moment pas financée. L'idée serait que l'État mette la main à la poche. Le revenu devrait être au moins égal au Smic.
Mais nous voulons appuyer sur l'idée que si on met tout bout à bout – les bourses, le repas à 1 € dans les restos'U (une mesure qui actuellement submerge les agents du Crous) –, ça ne coûterait pas forcément plus cher.
Le calcul serait même positif pour l'économie de notre pays : certes, les étudiants s'investiraient autrement, mais ils boucleraient plus vite leurs études et rejoindraient ainsi plus rapidement le monde du travail.

Est-ce une manière de répondre au président Macron, qui critiquait récemment la gestion des universités ?

Non, il n'y a pas d'agenda politique derrière, il s'agit d'ouvrir le débat. Rappelons que cette idée de revenu universel est trans-partisane.
Je me félicite toutefois que certains présidents d'universités m'aient approché pour... regretter de ne pas avoir signé la tribune à nos côtés !

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