Par Frédéric Zinck et Caroline Laplane
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« Les sciences m’intéressent et la nature me fascine »

Avec l’élégance des molécules, Jean-Pierre Sauvage, prix Nobel de chimie 2016, signe un ouvrage qui révèle le spectacle et le spectaculaire de la chimie. Au travers de son parcours de chercheur, jusqu’à l’obtention du prix Nobel et au-delà, c’est toute la beauté et la complexité de la nature chimique qui est racontée.

Il y a bien sûr le parcours d’un homme et d’un chercheur brillant qui est relaté dans cet ouvrage, ainsi que des rencontres marquantes qui parsèment et vont faire évoluer son parcours disciplinaire. La rencontre déterminante et la complicité durable avec Jean-Marie Lehn, le rôle particulier de son épouse, Carmen, le raz de marée du Nobel…et sa surprenante invitation à l’Elysée.

Les organismes vivants constituent des machines incroyablement sophistiquées. A l’échelle moléculaire, qui est celle du chimiste, c’est un spectacle époustouflant

Mais Jean-Pierre Sauvage partage surtout sa fascination pour la nature et sa quête de connaissance insatiable : Les organismes vivants constituent des machines incroyablement sophistiquées. A l’échelle moléculaire, qui est celle du chimiste, c’est un spectacle époustouflant , explique le chercheur. Ce spectacle, il l’a observé, analysé, décrypté tout au long de sa carrière et de l’évolution de la discipline ; de la chimie de synthèse à la chimie supramoléculaire jusqu’aux machines moléculaires. Il partage toute cette beauté et cette complexité au travers de textes qui adoptent autant le ton d’une certaine poésie chimique (voir encadré) que l’exercice parfois difficile de la vulgarisation : Même en la vulgarisant – la photosynthèse - comme je m’apprête à le faire, il est possible d’en saisir l’effroyable complexité. On est littéralement happé par ce monde de l’infiniment petit et par la persévérance du chercheur. Chacune de ces structures chimiques complexes a requis des années d’efforts, d’essais infructueux et de remises en question avant de voir le jour. La motivation est toujours la même : relever un défi souvent très ambitieux, en espérant qu’au bout du chemin apparaitra un objet moléculaire aux propriétés inédites et passionnantes.

L’ensemble du récit nous fait vivre une épopée de la recherche en chimie et engage aussi à une certaine humilité. Jean-Pierre Sauvage parle ainsi des recherches qui lui ont valu un Prix Nobel : La voiture moléculaire de Feringa ou notre compresseur ne sont rien d’autres que des cousins artificiels des protéines qui peuplent le règne vivant, à ce détail près qu’ils en constituent des ersatz encore très primitifs.

Car en définitive face au laboratoire du chimiste, il y en a un bien plus vaste : Dans ce laboratoire géant d’une infinie vérité, la nature a eu tout le loisir d’explorer des centaines de milliards de stratégie de synthèse pendant des centaines de millions d’années, combinant, recombinant les éléments chimiques qui la compose dans tous les sens et dans toutes les conditions imaginables et possibles.

La partition de la photosynthèse

La partition est connue et comprise, et pourtant, nous sommes incapables de la rejouer. Tout va trop vite, tout est synchronisé avec une harmonie et une finesse extrême qui dépassent notre entendement. Il nous manque le chef d’orchestre, le seul capable de suggérer ses croches à peine audibles, ses silences fugaces, ses vibrations insaisissables. La nature orchestre une symphonie dont nous sommes seulement capables de siffler l’air.

  • L’élégance des molécules – Jean-Pierre Sauvage – Editions : humenSciences/ humensis, 2022.

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