Par Marion Riegert
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Elizabeth II, la stabilité face aux crises ?

Lors de sa prise de pouvoir sur le perron du 10 Downing Street, Liz Truss, nouvelle Première ministre du Royaume-Uni décrit Elizabeth II comme « Le roc sur lequel le Royaume-Uni moderne a été bâti. » Yves Golder, spécialiste de la politique et de la société britannique contemporaine, rattaché au laboratoire Savoirs dans l'espace anglophone : représentations, culture, histoire (Search), revient sur la stabilité incarnée par la reine tout au long de son règne.

La reine avait-elle un rôle politique ?

Elle n’avait pas de rôle politique concret. En tant que cheffe de l’Etat, c’est elle qui nomme officiellement le Premier ministre élu par suffrage indirect. Elle perçoit un salaire de l’Etat, soit un coût de 1,20 livre par contribuable et par an. Publiquement, elle ne donne jamais son avis sur les politiques menées par le gouvernement mais elle rencontre tout de même chaque semaine le Premier ministre qui l’informe de la politique du gouvernement. On ne sait pas réellement ce qu’il se dit durant ces entretiens ni si la reine a une influence à ce niveau. Durant les années Thatcher, elle s’est inquiétée en coulisse des politiques menées par le gouvernement et des mesures favorisant les plus aisés au détriment des citoyens les plus défavorisés. Elle a notamment essayé d’influencer Margaret Thatcher sur les sanctions économiques imposées à l’Afrique du Sud. La reine est par ailleurs cheffe d’Etat des pays du Commonwealth, cheffe de l’église anglicane et des armées. Si le Royaume-Uni devait entrer en guerre, ce serait à elle de la déclarer officiellement.

Quelle image incarnait-elle ?

Elisabeth II avait la tradition chevillée au corps, le 20e siècle semble s’achever avec son décès. Décolonisation, guerre des îles Malouines, conflit en Irlande du Nord, austérité menée par David Cameron, Brexit et Covid-19, face aux crises subies par le pays, elle incarne, au détriment des premiers ministres, une certaine stabilité. Lors de la crise Covid et sa gestion désastreuse par Boris Johnson, elle prononce un discours, le cinquième de tout son règne, durant lequel elle envoie un message d’espoir au peuple. Image maternelle, sorte de refuge pour les Britanniques, elle est aujourd’hui idéalisée avec une forme de nostalgie.

Elle est parvenue à traverser ces crises en restant digne

Mais derrière cette image, la reine a traversé elle-même des crises au sein de sa famille. Comme l’incendie du château de Windsor et la polémique qui a suivi suite au financement des travaux de rénovation par le contribuable. La mort de Diana, le scandale autour de l’implication du prince Andrew dans l’affaire Harvey Weinstein, le départ d’Harry et Meghan. Mais elle est parvenue à traverser ces crises en restant digne, détachée. Une popularité qui s’observe à travers son décès. Elle ne suscite pas vraiment d’élan républicain, ni de détestation à la différence par exemple de Margaret Thatcher où lors de son décès en 2013 on entendait dans la rue : « La sorcière est morte ».

Et maintenant ?

Aujourd’hui, est-ce que le royaume est toujours uni ? La reine symbolisait, entre autres, l’union du royaume. L’avenir dépendra du rôle incarné par Charles III. Il n’a pas bénéficié d’une image très positive avec l’affaire Diana et son mariage avec Camilla. Il apparait assez terne alors que c’est une personne très engagée. Il a joué un rôle plus politique que sa mère en affirmant ses idées. Il est très attaché à l’écologie, à l’économie sociétale et souhaite notamment mettre fin aux privilèges de la famille royale pour que seul un cercle restreint soit financé par le peuple. Il tient plus compte des problèmes qui l’entourent mais est-ce que cela va continuer, ou est-ce qu’il se fondra dans le moule ? S’il prend position, il risque de cliver et de perdre la hauteur incarnée par la famille royale.

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