« Les bienfaits du contact avec la nature pour les enfants ne sont plus à démontrer »
Des enfants confinés, surprotégés, rivés à leurs écrans… Face à cette réalité, les initiatives se multiplient pour rétablir le lien avec la nature, de la crèche à l’école. La doctorante au sein de l'unité de recherche Sport et sciences sociales (E3S) et du Laboratoire interuniversitaire des sciences de l'éducation et de la communication (Lisec-Unistra), Gillian Cante, coorganise une journée de colloque à l’occasion des Rencontres Enfance & Nature, du 3 au 6 février. Ambition : éclairer la pratique, grâce aux dernières avancées de la recherche.
Quels sont les apports de la recherche sur la thématique du lien entre enfance et nature ?
Cette question est surtout étudiée dans les pays anglo-saxons, scandinaves et en Allemagne. Il y a eu un boom de sa prise en compte après la période Covid.
De ce contexte favorable ont découlé plusieurs traductions concrètes, y compris dans les textes de loi : La Charte nationale de l’accueil du jeune enfant, suite à l’arrêté du 23 septembre 2021, mentionne le contact direct avec la nature. Un référentiel doit aussi sortir en 2025
, énumère Gillian Cante. Il est intéressant de noter que si les lignes bougent, c’est d’abord à l’initiative de la base et de mouvements citoyens.
Franco-canadienne, ayant grandi aux États-Unis, elle prend conscience de l’importance de la problématique lorsqu’elle devient maman, et fonde une crèche parentale. Plus tard, elle coorganise les Rencontres Enfance & Nature, dans un premier temps avec l'association Académie de la petite enfance et la Fondation Terra Symbiosis. Ce sera le point de départ de son travail de recherche, à compter de 2021, au sein de l'Université de Strasbourg.
À qui s’adressent ces rencontres ?
Aux professionnels de l’enfance et de l’éducation (enseignants, personnels de crèches, éducateurs de jeunes enfants…), aux parents, et tout particulièrement cette année, aux professionnels de santé, puisque la thématique de cette édition est celle des bienfaits de la nature sur la santé. L’ambition est de les faire profiter des dernières avancées de la science, qui peuvent étayer le bien-fondé de leurs pratiques. De ce point de vue, la recherche est quasi unanime sur les bienfaits de mettre les enfants en contact avec la nature
… sans occulter certaines limites. La nature est un concept sociologique, qui s’appréhende dans un contexte. Loin d’être un absolu doté de pouvoirs magiques, il faut un accompagnement pour en tirer des bénéfices éducatifs.
« Loin d’être un absolu doté de pouvoirs magiques, la nature est un concept sociologique : il faut un accompagnement pour en tirer des bénéfices éducatifs »
Quel écho pour les rencontres ?
Nous savons que leur impact va bien au-delà des personnes présentes : nos vidéos circulent, sont revisionnées, les contenus réutilisés dans des formations, et mentionnés dans les rapports publics et référentiels.
Le colloque sur la notion de « risque » dans le jeu en pleine nature, il y a trois ans, a eu un grand succès. C’est une question prégnante, qui peut freiner la pratique, de la part des parents. L’introduction à l'école de séquences dans la nature repose aussi, bien souvent, sur la bonne volonté des enseignants. La présence ou non d'espaces de nature – parc, forêt – à proximité, ou facilement accessibles en transports, peut aussi être facteur d’inégalités, sans compter la tension qui existe dans un contexte de baisse des dépenses publiques. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le fait d’être en ville n’est pas nécessairement un frein : à Paris ou à Strasbourg, beaucoup de choses sont faites.
Qu’entend-on par « enfance » ?
La France est l'une des seules en Europe à introduire une distinction entre âge préscolaire et scolaire, à partir de 3 ans. La scolarité devient alors obligatoire, or on sait que l’entrée à l’école signifie bien souvent un enfermement pour l’enfant, qui se retrouve plus souvent coupé de la nature. Ailleurs dans le monde et même en Europe, la période considérée comme « petite enfance » est plus longue, jusqu’à la 6e année révolue.
Il y aurait donc une particularité française ?
Oui, l’obligation de scolarité a été introduite en 2019 – alors même que 98 % des enfants étaient, de fait, scolarisés – en réaction au décrochement de la France dans les enquêtes du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa).
« Renforcement de l’immunité, des capacités cardio-vasculaires, réduction du stress et de l’anxiété... On connaît maintenant tous les bienfaits de la nature pour la santé physique et mentale de l'enfant et de l'adulte »
Cela a beaucoup choqué, hors du pays, car la France était vue comme un pays précurseur sur les besoins spécifiques du jeune enfant, notamment grâce aux travaux de Françoise Dolto.
Renforcement de l’immunité, des capacités cardio-vasculaires, réduction du stress et de l’anxiété... On connaît maintenant tous les bienfaits de la nature pour la santé physique et mentale de l'enfant et de l'adulte.
Arrivera-t-on un jour à des prescriptions de nature, à la manière de ce qui existe déjà pour le sport ? Le Canada, les États-Unis ou encore le Japon ont fait ce choix.
- Pour aller plus loin : Des bienfaits du jeu libre et de la nature dans l’éducation du jeune enfant
Les Rencontres Enfance & Nature, du 3 au 6 février : « Les bienfaits de la nature pour la santé des enfants »
Le colloque du 4 février, intitulé « Légitimité des savoirs dans la transition écologique, vers une reconnaissance de l’expertise citoyenne », est coorganisé par les chercheurs Gillian Cante et Guillaume Christen (École supérieure de praxis sociale de Mulhouse et ex-laboratoire Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe-Sage). Il s’inscrit dans une plus vaste programmation de quatre jours, riche d’une diversité de formats (ateliers, cinés-débats, tables rondes…), à Strasbourg et Mulhouse
, explique Alexia de Harambure, chargée de mission pour la Fondation Terra Symbiosis, coorganisatrice des rencontres avec l'association Eco-Conseil.
Grande fierté pour les organisatrices, c’est une sommité américaine qui introduira les rencontres, en visioconférence : Richard Louv, pour sa première intervention en France, nous parlera des effets délétères du “syndrome du manque de nature”, qu’il a mis en évidence dès 2005
.
Lors de cette édition, comme à chaque fois, une large place sera laissée au témoignage de praticiens, à l’exemple de celui de la directrice de la Petite roulotte du Schloessel, micro crèche nature de Koenigshoffen ouverte depuis 2023
, précise Gillian Cante.
Les rencontres sont organisées avec de nombreux partenaires : le CINE de Bussierre, le Moulin Nature et l'Ariena contribuent au programme. L'événement est soutenu par l'Université de Strasbourg, l'Agence régionale de santé (ARS) Grand Est et la Ville et Eurométropole de Strasbourg.
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