Par Edern Appéré
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Féminisation de la médecine : des bénéfices pour toute la profession

Mardi 5 novembre, Serge Covaci, chef de clinique à la Faculté de médecine, maïeutique et sciences de la santé donnait une conférence intitulée « Féminisation de la médecine, une solution plus qu’un problème ». Derrière ce titre ouvertement provocateur, celui qui est également médecin généraliste à Lingolsheim, dressait le bilan de la thèse qu’il a consacrée au nombre croissant de femmes dans la profession de médecin.

À quand remonte la féminisation de la médecine ?

Historiquement, la médecine est plutôt un milieu masculin. Ce n’est qu’en 1875 qu’une femme est devenue médecin pour la première fois en France. Tout au long du 20e siècle, la profession s’est peu à peu ouverte aux femmes, phénomène qui a connu une nette accélération dans le dernier quart du 20e siècle, grâce notamment à l’incitation à faire des études supérieures. Désormais, 49% de tous les professionnels de santé en exercice sont des femmes. Dans les facultés de médecine, les ratios parmi les cohortes étudiantes sont de deux tiers de femmes contre un tiers d’hommes : le phénomène est donc parti pour durer. Des études de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) estiment qu’en 2050, 60% des médecins seront des femmes.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce phénomène ?

Le point de départ de ma réflexion vient des propos ouvertement sexistes et misogynes que j’ai souvent entendus durant ma formation en médecine

Le point de départ de ma réflexion vient des propos ouvertement sexistes et misogynes que j’ai souvent entendus durant ma formation en médecine. Ces petites phrases me mettaient en colère, car elles me paraissaient intuitivement idiotes et sans fondement. J’ai voulu en avoir le cœur net, aussi, j’ai consacré ma thèse à la féminisation de la médecine, en faisant une revue de la littérature en sciences sociales consacrée à ce sujet. J’ai choisi cette approche car elle permet d’avoir une vue d’ensemble du phénomène. En médecine, la féminisation n’est abordée que sous un angle statistique et démographique.

Que disent les sciences sociales sur ce sujet ?

Dans le milieu médical, le discours prédominant concernant la féminisation de la médecine est un discours très négatif : les jeunes femmes travaillent moins, les jeunes sont fainéants et ont le mauvais goût d’être des femmes… Pourtant, le résultat des études en sciences sociales penche plutôt vers des apports positifs pour la profession et le milieu médical dans son ensemble. Les femmes ne travaillent pas foncièrement moins, mais il est vrai qu’elles prennent moins de patients. Elles leur consacrent davantage de temps, ce qui permet une meilleure qualité de soin. Une étude américaine réalisée auprès de 1,6 million de patients durant 4 ans a montré que le taux de mortalité hospitalière à 30 jours est significativement plus faible quand un patient est soigné par un médecin femme que par un médecin homme.

Quelles sont les conséquences de la féminisation de la médecine pour la profession ?

La féminisation, en particulier ce rapport différent au temps, permet de lutter contre les problèmes psycho-sociaux souvent présents dans le milieu médical

De façon générale, les femmes médecins ont un rapport différent au temps. Quand elles finissent leurs études de médecine et débutent leur carrière professionnelle, c’est souvent le moment pour elles d’avoir des enfants. Pour essayer de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie de famille, elles ont tendance à éviter l’hyper-disponibilité permanente qui existait auparavant dans la profession. Être joignable à toute heure du jour et de la nuit, travailler à un rythme effréné et avoir un mode de vie sacrificiel n’est ni viable ni enviable pour les femmes médecins de nos jours. Parmi les jeunes générations, renoncer à ce rapport sacerdotal à leur métier émane des femmes et se diffuse aux hommes, qui adoptent les mêmes pratiques. Les études en sciences sociales montrent que la féminisation, en particulier ce rapport différent au temps, permet de lutter contre les problèmes psycho-sociaux souvent présents dans le milieu médical : surmenage, burn-out, espérance de vie plus faible à cause de la fatigue induite par une charge de travail trop importante, suicides… Elle permet également de faire évoluer les mentalités ce qui, in fine, bénéficie à toute la profession, pas uniquement aux femmes.

Parlons santé

La conférence donnée par Serge Covaci s'inscrit dans le cycle Parlons santé organisé par le Département de médecine générale et de la formation territoriale de la Faculté de médecine, maïeutique et sciences de la santé. Tout au long de l'année universitaire, des conférences ouvertes à tous sont données sur des thématiques de santé publique. 

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