Par Elsa Collobert
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« Les violences sexistes et sexuelles n’épargnent aucun pan de la société, et d’autant moins le secteur de la santé »

En milieu médical, une femme sur deux déclare avoir été victime de violences sexistes et/ou sexuelles (VSS) dans son parcours étudiant ou professionnel ; 38,7 % des étudiants en médecine déclarent avoir déjà reçu une remarque à caractère sexiste en milieu hospitalier*. Les chiffres sont éloquents, le milieu des soignants est loin d’être épargné par les VSS. Camille Mauras a été embauchée sur cette thématique, pour la prévention et l’accompagnement des victimes, dans les disciplines de santé. Rencontre à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, qui s’accompagne à l’Unistra d’une riche programmation.

Quel état des lieux pour les VSS en santé ?

Force est de constater qu’aucun secteur de la société n’est épargné, et les domaines de la santé – médecine, dentaire et pharmacie – ne font pas exception. Le mouvement de libération de la parole s’accompagne d’une plus grande place accordée à ces sujets et d’une écoute croissante des victimes.  La question du consentement dans la relation de soin, dans toute sa complexité, est beaucoup plus abordée aujourd’hui qu’hier. Mais beaucoup reste encore à faire : en témoignent les chiffres de la grande enquête menée par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) en 2021, selon lesquels seuls 10 % des étudiants et étudiantes ayant subi un harcèlement sexuel l’ont signalé. 
Il faut bien prendre conscience du caractère systémique et multidimensionnel de ces violences : on peut être victime, témoin ou accueillir la première parole d’une victime. Et ce dans différents contextes et statuts : entre étudiants, dans la relation formateur/étudiant, en tant que professionnels de santé (en consultation, en officine…). Le panel des violences est aussi large : de la remarque sexiste au harcèlement, jusqu’au viol.

C’est dans ce contexte qu’a été créé votre poste ?

En 2023, la vice-présidente Égalite, parité, diversité, Isabelle Kraus, propose d’inclure un axe sur la thématique des VSS dans la réponse au projet du Contrat d’orientation, de moyens et de performances (Comp) déposé par l’établissement auprès du ministère. Le constat de départ : il y avait très peu de signalements de VSS dans les composantes de santé.

Ma mission est donc d’y mener des actions de prévention, et de mieux faire connaître le dispositif existant à l’Unistra, aussi bien auprès des étudiants que des personnels.

J’ai déjà eu l’occasion de continuer à utiliser le formidable outil de sensibilisation qu’est le théâtre forum, dans plusieurs composantes, entre le 30 septembre et le 4 octobre derniers.

La particularité des études de santé, c’est aussi qu’à partir de la troisième année, les étudiants sortent du cadre de la faculté : il y a donc des violences en son sein, mais aussi dans le milieu hospitalier, en officine, en cabinet… lors des périodes d’externat et d’internat. Mon rôle est aussi d’accompagner les tuteurs de stage, de faire le lien entre les différents acteurs impliqués, dont les directions de composantes et les Hôpitaux universitaires, ainsi que d’initier des projets avec ces mêmes acteurs tout en incluant les associations étudiantes et partenaires extérieurs.

Je bénéficie de mon double regard, théorique et pratique : je suis en effet diplômée en droit des libertés, et riche d’une expérience d’un an en service civique à la Délégation départementale aux droits des femmes et à l’égalité femmes-hommes du Bas-Rhin.

Quel est le programme de la journée du 27 novembre ?

Huit sessions d’ateliers, orientés très pratique, sont d’abord proposées aux étudiants de la Faculté de médecine, autour des notions de consentement, des principales infractions faites aux femmes, de la méthode des 5D pour réagir… Les inscriptions sont quasiment déjà complètes. En fin de journée, nous nous adressons à un plus large public, avec la conférence-débat « La santé des femmes toujours une affaire d’hommes ? » proposée par Angelina Pace, elle-même médecin, au Palais universitaire.

Le tout complété par un stand de présentation des acteurs impliqués dans la lutte contre les VSSH à l’Unistra, y compris au sein des associations étudiantes, là aussi au Palais universitaire et un cours d’initiation à l’auto défense et à la confiance en soi. Toutes ces propositions ont été mises sur pied avec nos partenaires, les associations SOS France Victimes 67 (agréée par le ministère de la Justice) et Rebond. C’est important de bénéficier de leur accompagnement et de leur regard extérieur.

Sans oublier bien sûr l’indispensable soutien du Département de médecine générale et de la formation territoriale (DMG) et de la direction de la faculté, désireuse de faire progresser la prise en compte de ces sujets.
Nous sommes très heureux d’être inscrits au programme du Off des Assises européennes de lutte contre les violences faites aux femmes, qui se déroule tout au long du mois de novembre à Strasbourg. 

Finalement, cette programmation est bien représentative de mon poste, puisque je suis prioritairement embauchée pour les disciplines de santé, mais mon périmètre d’action ne s’y restreint pas.

* Sources : Résultats d’une enquête menée par l’Ordre des médecins en novembre 2024 ; enquête menée par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF, mars 2021)

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