Par Marion Riegert
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Enquête sur les femmes migrantes aux frontières

La population mondiale de femmes migrantes est aujourd’hui plus importante que celle des hommes. Léopoldine Leuret s’intéresse aux circularités des femmes migrantes, à travers les pratiques de mise à l’abri des associations, en des lieux frontières dans les Hauts-de-France. Le tout, dans le cadre d’une thèse débutée en 2021 au sein du Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles (Lincs – Unistra/CNRS).

 J’ai commencé à travailler sur ce sujet un peu par hasard, raconte Léopoldine Leuret qui se rend dans une association d’accueil de migrants à Calais pour son stage de master 2 en sociologie. Interpellée par l’absence de femmes migrantes, invisibilisées aux frontières, elle décide de se pencher sur le sujet à travers une thèse. Objectif : Questionner les allées et venues des femmes migrantes à la frontière, et voir si la prise en charge des associations a un impact sur leur présence dans la frontière.

Son territoire ? De Calais à Grande-Synthe, soit quelque 40 km. Un terrain à la frontière avec le Royaume-Uni sur lequel elle passe onze mois. Dont huit à réaliser une enquête participante en tant que bénévole au Refugee Women Center, une association présente à Grande-Synthe et Calais qui accueille des femmes et des familles. Elle rencontre ainsi une quinzaine de bénévoles, quelques hébergeurs et hébergeuses. Les trois mois restants sont consacrés à la rencontre de femmes migrantes.

A Grande-Synthe se trouvent un ou deux campements avec plus de femmes et de familles, venant majoritairement du Kurdistan (Syrie, Iran…). A Calais, il y a une quinzaine de campements avec quelques femmes sur des campements spécifiques, essentiellement venues d’Afghanistan, d’Erythrée ou encore du Soudan, détaille Léopoldine Leuret qui précise que les associations se rendent régulièrement sur les campements pour proposer des situations d’hébergement.

Le règlement de Dublin

Ces femmes sont venues seules ou en couple, avec des enfants parfois, dont certains sont nés sur la route de l’exil. Et ce pour assurer la survie de leur famille, échapper au mariage forcé, à un divorce compliqué, à des répressions religieuses ou encore une situation de guerre… A Calais la tranche d’âge se situe autour de 17-25 ans, 25-35 ans pour Grande-Synthe.

En hiver, elles seraient dans des pays limitrophes où elles resteraient quelques mois avant leur arrivée en France.

La doctorante distingue deux types de circulations : le premier, autonome, avec plus de femmes et de familles en été sur un temps court de deux ou trois semaines. A cette saison, le passage vers le Royaume-Uni est plus aisé. En hiver, elles seraient dans des pays limitrophes où elles resteraient quelques mois avant leur arrivée en France. Beaucoup parlent déjà anglais ou ont de la famille en Angleterre d’où le choix de ce pays. En cause aussi, le règlement de Dublin qu’elles cherchent à fuir et qui ne s’applique plus au Royaume-Uni depuis le Brexit. Selon ce règlement, les personnes peuvent uniquement demander l’asile dans le pays où elles ont donné ou se sont fait prendre leurs empreintes digitales par les forces de police.

Un rapport de genre dans les moyens de transport

Le second type de circulation se fait en lien avec les associations qui font bouger les femmes au sein de la frontière. Notamment pour gérer leur hébergement qui peut avoir lieu dans des maisons administrées par d’autres associations ou chez des hébergeurs citoyens. Avec des temporalités variant de quelques nuits à plusieurs semaines. En cas de besoin, les associations peuvent aussi avoir recours aux services de l’Etat comme le service d’urgence du 115 ou les centres d’accueil et d’examen des situations administratives. Mais leurs hébergements sont souvent éloignés de la frontière.

Les femmes optent plus souvent pour le bateau. Avec un coût pouvant atteindre 2 000 euros.

Si femmes et hommes se déplacent en groupe de manière générale, côté moyens de transport, Léopoldine Leuret note la mise en place d’un rapport de genre. Les femmes optent plus souvent pour le bateau. Avec un coût pouvant atteindre 2 000 euros, c’est plus cher que le camion qui peut être gratuit. Le problème, c’est que la technique pour emprunter ces derniers est de sauter dedans, ce qui est plus compliqué pour une femme enceinte ou avec un enfant, explique la jeune chercheuse qui prévoit de retourner dans le nord poursuivre son étude en rencontrant notamment de nouvelles femmes migrantes et en suivant une structure de l’Etat.

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