Cancer du sein : les tumeurs de 1 000 femmes passées au crible
Une femme sur huit est concernée par un cancer du sein dans sa vie : alors que la France est le pays au monde avec la plus grande incidence de la maladie, un programme pilote mené à Strasbourg se penche sur la présence de polluants dans les tumeurs de patientes opérées. Le point sur les résultats préliminaires avec Carole Mathelin, professeure des universités, praticienne hospitalière, cheffe de service de chirurgie à l’Institut de cancérologie Strasbourg Europe (Icans), à l’occasion d’Octobre rose, qui met la prévention sur le devant de la scène.
Aliments, mobilier, vêtements, ustensiles de cuisine, produits cosmétiques et ménagers… Les polluants sont partout dans notre quotidien, avec des risques très concrets sur notre santé. À Strasbourg, une étude pilote vient confirmer certains facteurs de risque : Très concrètement, nous avons testé la présence de 578 pesticides, 4 PFAS (alkyls perfluorés et polyfluorés) et 30 métaux dans les tumeurs, cancéreuses et bénignes, retirées à 1 000 femmes, opérées à l’Icans
, explique Carole Mathelin. La chirurgienne sénologue est à l’origine de cette étude, débutée en 2018. Le seuil des 1 000 patientes aujourd’hui atteint nous permet d’avoir le recul nécessaire, pour lancer la publication des premiers papiers
. Les résultats détaillés de cette étude unique au monde seront dévoilés en avant-première, lors des 31es Rencontres internationales de sénologie, les 9 et 10 octobre prochains à Strasbourg (lire encadré).
Ces résultats sont sans appel : Six métaux, les PFAS et une quarantaine de pesticides – herbicides, insecticides, etc. sont sujet d’inquiétude
, souligne la chercheuse. Car si tous ces produits perturbent le système endocrinien*, impactant les cellules hormono-dépendantes, nous avons encore peu de recul sur les “effets cocktails” des interactions de ces substances entre elles, et savons que ce n’est pas forcément la dose qui fait le poison. Nous allons nous concentrer sur ceux qui semblent jouer un rôle dans la survenue des cancers, et de quelle manière ils le font
.
Gestes simples au quotidien
Dans sa vie quotidienne, il existe des gestes simples à adopter pour limiter l’exposition aux perturbateurs endocriniens (lire encadré) : Aérer régulièrement son logement plutôt qu’utiliser des parfums d’ambiance et autres bougies ; être attentif à la composition de ses produits d’entretien et cosmétiques ; pour son alimentation, préférer les circuits courts, le local et le bio aux produits importés, souvent remplis d’herbicides et de conservateurs nocifs…
Finalement, synthétise Carole Mathelin, il convient de faire la balance bénéfice/risque : ai-je vraiment besoin de cet anti-moustique ? De cet imperméabilisant ? De literie antiacariens si je ne suis pas allergique ? Souvent, cela relève du bon sens
. Primordial, quand on sait que le facteur génétique, associé majoritairement à tort dans l’esprit commun à la survenue du cancer, ne compte que dans 5 à 8 % des cas ». L’environnement compte pour beaucoup : « Plus on adopte les bons réflexes tôt, plus on met de chances de son côté pour se prémunir de la maladie
.
Le facteur génétique ne compte que dans 5 à 8 % des cas de cancer du sein
Alors que l'incidence des cancers du sein augmente, notamment chez les jeunes femmes, ainsi qu’en raison du vieillissement de la population, il existe des raisons d’espérer : La présence de plomb, désormais interdit pour les canalisations et les peintures, diminue chez les jeunes patientes. Cela signifie que les choix en matière de santé publique pèsent dans la balance
, alors que des différences de concentration d’une région et même d’une ville à l’autre sont observées.
Carole Mathelin tient également à nuancer le discours généralement alarmiste autour des pesticides : l’étude permet d’en identifier une quarantaine comme dangereux, parmi plus de 500 testés
. Parmi les variables-clés déterminant leur toxicité : leur durée d’élimination, et celle de stockage dans les graisses (lipophilie). Il ne faut pas tous les mettre dans le même sac. Cela permet d’espérer un dialogue pondéré avec les producteurs, les utilisateurs (agriculteurs, viticulteurs, etc.).
Elle plaide enfin pour « une information plus transparente en direction du consommateur quant à la présence des PFAS, sur le modèle de ce qui existe déjà avec le Nutri-score », initié par des scientifiques.
- Pour en savoir plus, rendez-vous lors des Rencontres internationales de sénologie, du 8 au 10 octobre prochains (sur inscription gratuite)
- Lire aussi : “Soyez actrice de la santé de vos seins”
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* Le système endocrinien coordonne le fonctionnement des organes, via les hormones
Les 31es Rencontres internationales de sénologie de Strasbourg
Prévenir, former, guérir
: c’est sous cette bannière triptyque que se dérouleront les 31es Rencontres internationales de sénologie, accueillies à Strasbourg, jeudi 9 et vendredi 10 octobre prochains.
En présence de sommités du domaine venues de Chine, des États-Unis, du Brésil… il sera notamment question de l’équité dans l’accès aux traitements et des dernières innovations chirurgicales. Accueilli jeudi 9 à la Cour européenne des droits de l’Homme par son président, Mattias Guyomar, l’événement, qui doit rassembler 800 personnes, se poursuivra le lendemain par, notamment, un débat autour du thème de l’impact de l’environnement sur la santé du sein.
Le saviez-vous ?
Strasbourg est depuis longtemps à la pointe de la lutte contre le cancer du sein
Strasbourg est depuis longtemps à la pointe de la lutte contre le cancer du sein : C’est ici qu’a été construit le premier mammographe et l’examen mammographique de dépistage instauré dès 1989, soit quinze ans avant sa généralisation nationale
, rappelle Carole Mathelin, qui est aussi cette année présidente de l’Académie nationale de chirurgie. L’étude pionnière visant à mesurer l’impact de l’exposition aux perturbateurs endocriniens sur le cancer du sein s’inscrit donc dans une longue tradition.
Avec des actions concrètes comme la mise en place de paniers bio pour les femmes enceintes, la municipalité affirme également son rôle d’acteur majeur de prévention.
Une action de sensibilisation au dépistage du cancer du sein à l'université
C’est une première à l’Université de Strasbourg, initiée par le Service de santé au travail (SST) : à l’occasion d’Octobre rose, un webinaire pour sensibiliser au dépistage du cancer du sein est animé par Maurice Tanguy, médecin au Centre régional de coordination des dépistages des cancers du Grand Est (CRDC), jeudi 2 octobre 2025, de 11 h à 12 h.
Plus tard, au mois de novembre, des ateliers de sensibilisation « Soyons à l'écoute de nos seins » seront proposés (les dates exactes seront communiquées ultérieurement via Ernest).
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