Par Marion Riegert
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Batteries au lithium, gare à la surchauffe

Trottinette, vélo, cigarette électronique, téléphone, voiture… les batteries au lithium sont à l’origine chaque année d’incendies mortels. Pour sensibiliser la presse et le grand public, le Service d’incendie et de secours du Bas-Rhin (SIS 67) a organisé une campagne de sensibilisation avec l’aide de chercheurs du Laboratoire des sciences de l’ingénieur, de l’informatique et de l’imagerie (ICube – CNRS/Unistra/Insa Strasbourg/Engees) et de l'Institut national des sciences appliquées de Strasbourg (Insa Strasbourg). Explications avec Tedjani Mesbahi du laboratoire ICube.

Pourquoi cette campagne de sensibilisation ?

Ces derniers mois, plusieurs faits divers ont été rapportés, liés à des incendies mortels provoqués par l’explosion de batteries de trottinettes électriques et de véhicules électriques, certains survenus dans la région Grand Est. Les batteries occupent une place croissante dans notre quotidien, notamment avec le développement des solutions de mobilité légère. Mais cette tendance s’accompagne aussi d’un risque accru, en particulier avec certaines trottinettes électriques low-cost qui ne respectent pas les normes européennes ou dont les dispositifs de recharge ne sont pas certifiés, voire ont été modifiés. Face à cette situation, les autorités préfectorales, en collaboration avec la direction du SIS 67, ont décidé de lancer une campagne de prévention. Le SIS 67, en charge de sa mise en œuvre, nous a sollicités pour y participer.

Depuis quand collaborez-vous avec le SIS 67 ? Et pourquoi ?

Au sein de mon équipe de génie électrique à l’Insa Strasbourg, rattachée au laboratoire ICube, nous sommes spécialisés en ingénierie des systèmes électriques. Depuis plus de cinq ans, nous sommes impliqués dans plusieurs projets en collaboration avec le SIS 67, sur les problématiques liées au risque incendie provoqué par les batteries au lithium (cf. encadré). Mais aussi sur le développement de capteurs embarqués sur des drones dédiés à la surveillance des feux. 

La recherche ne doit pas rester confinée dans les laboratoires

Avec notamment des capteurs capables de mesurer et de transmettre en temps réel des données sur les fumées, afin d’optimiser les interventions des pompiers. Par ailleurs, je suis fortement engagé dans le transfert de nos résultats vers les entreprises. Je suis convaincu que la recherche ne doit pas rester confinée dans les laboratoires, mais qu'elle doit s’inscrire pleinement au service de la société.

Parlez-nous de l’emballement thermique des batteries, cause des incendies mortels relayés par la presse ?

Un emballement thermique est une réaction en chaîne incontrôlée, irréversible, durant laquelle la chaleur générée par la batterie accélère des réactions chimiques, entraînant une montée rapide de la température pouvant dépasser 600 °C et la libération de gaz inflammables, augmentant ainsi les risques d'incendie et d'explosion.

Quelles sont les causes de cet emballement thermique ?

On distingue trois causes principales de défaillance pouvant entraîner un incendie de batterie. La première est d’origine mécanique : un choc violent ou une perforation peut endommager le séparateur qui isole les électrodes. Si ces dernières entrent en contact, cela provoque un court-circuit, pouvant entraîner une surchauffe, voire un incendie. La seconde cause est électrique : il peut s’agir d’une surcharge, d’un court-circuit externe ou encore d’un défaut de fabrication. Enfin, la troisième cause est liée au stress thermique : une exposition prolongée à une source de chaleur externe, comme le soleil ou un incendie, peut provoquer un emballement thermique de la batterie.

Comment les prévenir ?

Il faut privilégier le matériel d’origine et vérifier que le chargeur utilisé respecte bien les normes européennes. La batterie doit toujours être protégée de la chaleur, et il ne faut jamais la charger la nuit, en l’absence de surveillance, ou dans un passage bloquant une issue de secours. La recharge doit impérativement s’effectuer avec un chargeur homologué, en bon état, et sur une prise adaptée. 

Par exemple, pour les voitures électriques, un risque d’incendie peut exister si la recharge se fait sur une prise domestique classique, notamment dans les habitations anciennes, dont l’installation électrique n’est pas toujours adaptée. Il est aussi important de protéger les batteries des rayons du soleil, de l’humidité et du gel. Enfin, la recharge doit se faire sur une surface non inflammable, éloignée de tout matériau combustible.

Des recherches pour améliorer les capteurs des batteries

Tedjani Mesbahi et son équipe développent des algorithmes avancés, combinant intelligence artificielle et lois d’automatique de pointe, associés à des capteurs intelligents de dernière génération. Leur objectif : optimiser la gestion des batteries et renforcer la prévention des risques. Nous concentrons nos recherches sur le Battery management system (BMS), qui agit comme le véritable cerveau de la batterie : il contrôle la circulation de l’électricité en décidant d’ouvrir ou de fermer les circuits, explique Tedjani Mesbahi. Les capteurs intégrés au BMS assurent la surveillance en temps réel, garantissant à la fois la sécurité, la performance et le suivi de l’autonomie des batteries.

Le BMS peut également permettre d’estimer la durée de vie d’une batterie et, surtout, de prévenir l’emballement thermique. Notre objectif est de rendre ce système encore plus performant et prédictif grâce à l’intelligence artificielle, précise-t-il.

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