Par Elsa Collobert
Temps de lecture :

Avec le Plan Rhin vivant, « épauler les gestionnaires au service de la santé du fleuve »

A l’automne dernier, l’Université de Strasbourg a rejoint officiellement les partenaires du « Plan Rhin Vivant » par la signature d’une convention signée pour une période de six ans (2019-2025). L’ambition de ce plan, doté de plus de 50 millions d'euros, est de redonner ses lettres de noblesse à cet écosystème exceptionnel. « Notre rôle est d’épauler les décideurs à la lumière de la recherche », explique Laurent Schmitt, chercheur au Laboratoire image, ville, environnement (Live) et vice-président Développement durable et responsabilité sociétale. Un conseil scientifique a notamment été instauré.

Région Grand Est, Agence de l’eau Rhin-Meuse, Agence française pour la biodiversité, sous la coordination de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) : tous ces partenaires unissent leurs efforts au bénéfice de la bonne santé du Rhin. Réunis à travers le « Plan Rhin vivant », ces gestionnaires de la ressource, tant économique qu’écologique que constitue le Rhin, déclinent depuis 2019 un panel d’actions au bénéfice de sa renaturation. Objectif : restaurer les fonctionnalités du fleuve sur 200 km.

Il était logique pour l’Université de Strasbourg, qui travaille sur ces problématiques depuis longtemps, de rejoindre le mouvement. Le Rhin remplit des fonctions économiques, à travers le transport fluvial notamment, mais aussi écologiques, rappelle Laurent Schmitt (Faculté de géographie et d'aménagement et laboratoire Image, ville, environnement-Live). Son aménagement à partir du 19e siècle a progressivement modifié sa physionomie et la dynamique de ses habitats, et c’est ce qu’il s’agit de corriger aujourd’hui sans remettre en question la production d’électricité et la navigation. (lire encadré)

Gestion plus durable

En rejoignant la convention de partenariat signée en 2019 avec pour ambition la mise en place d’une gestion plus durable, l’Université de Strasbourg compte continuer à apporter sa pierre à l’édifice : Si cette signature officialise la collaboration, cela fait longtemps que l’expertise du monde académique irrigue la démarche des gestionnaires, et qu’une culture commune s’est mise en place, souligne Laurent Schmitt, dont de nombreux travaux portent sur la « bande rhénane ». En 2017, un colloque franco-allemand REX a été consacré à un retour d’expérience des opérations de la restauration du Rhin, avec Jean-Nicolas Beisel du Live/Ecole nationale du génie de l'eau et de l'environnement-Engees (financement de l’Engees). Plus récemment, des thèses et projets post-doctoraux ont été menés par divers chercheurs, notamment sur la nappe phréatique, l’évolution des rejets de polluants dans le bassin versant du Rhin, la pollution piégée dans les sédiments ou encore sur la renaturation du fonctionnement des habitats de l’île strasbourgeoise du Rohrschollen. Certaines de ces études sont co-financées par les gestionnaires, dont l’agence de l’eau Rhin-Meuse, la Ville de Strasbourg, le Conservatoire d'espaces naturels d'Alsace, la Région Grand-Est, la Dreal Grand Est, Électricité de France (EDF), Voies navigables de France (VNF), soucieux d’évaluer l’impact de ces projets.

Le fleuve se jouant par nature des frontières, beaucoup de ces projets sont menés main dans la main avec l’Allemagne, grâce notamment à des financements européens Interreg ou Life. La montée en puissance de la chaire "Eau et durabilité" d’Eucor ou encore de la Fédération de recherche eau et durabilité (Fered) nous positionnent encore davantage comme experts sur cette question de la gestion durable de la ressource en eau. La formalisation de la contribution académique au « Plan Rhin Vivant » permettra notamment de financer davantage de travaux, doctoraux, post-doctoraux, stages.

A la croisée des disciplines (sociologie, hydrologie, géographie physique et humaine, géologie...), plusieurs laboratoires travaillent sur ces thématiques : le Live, mais aussi l’Institut Terre environnement de Strasbourg (ITES), le laboratoire Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe (Sage), ICube, l’Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien (IPHC), souvent en lien avec l’Engees, l’Observatoire hommes-milieux Fessenheim ou la Zone atelier environnementale et urbaine (ZAEU). Leur éclairage sera utile aux gestionnaires dans leur prise de décision. N’oublions pas que restaurer le Rhin contribue à renforcer l’adaptation de notre région au changement climatique, avec un effet naturel de bioclimatiseur, une fonction de plus en plus cruciale à mesure que les canicules vont s’amplifier.

Un patrimoine historique et écologique remarquable à sauvegarder

Dans la vallée du Rhin supérieur, la conjugaison exceptionnelle d’un ensemble de facteurs géographiques et climatiques a permis le développement de l’un des écosystèmes les plus riches, les plus complexes et les plus originaux d’Europe, composé d’une mosaïque de milieux alluviaux façonnée par les crues du fleuve (forêts, chenaux variés, prairies, mares…).

Conduits au cours des deux siècles passés, les grands travaux d’aménagement du Rhin (rectification, régularisation puis canalisation) ont profondément modifié son fonctionnement hydraulique et entraîné la disparition d’une grande partie des milieux alluviaux, ou altéré le fonctionnement des écosystèmes relictuels. Pour autant, les vestiges de la forêt alluviale rhénane ont conservé une valeur écologique remarquable.

Avec celles du Danube, les forêts du Rhin supérieur figurent parmi les dernières grandes formations alluviales d’Europe occidentale.

Catégories

Catégories associées à l'article :

Changer d'article