Par Marion Riegert
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Amener la culture scientifique en prison

En 2022, Emilie Denat-Turgis, responsable communication de la délégation Inserm-Est et Ammra-Muny Tan, alors en apprentissage au sein de la délégation, lancent un partenariat avec l’administration pénitentiaire locale. Objectif : amener la science aux mineurs détenus via des actions de culture scientifique. Anne Pereira, chercheuse au Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives (LNCA – Inserm/CNRS/Unistra), est la première à tenter l’expérience.

Il y a un an, Emilie m’a contactée. J’ai vu cette demande comme un challenge. Il n’y a pas de raison que les mineurs détenus n’aient pas accès au savoir, raconte Anne Pereira. Je faisais déjà des interventions auprès d’adolescents, je me suis dit : pourquoi pas en prison ? Une première pour la chercheuse, qui se rend accompagnée d’Ammra-Muny Tan à la Maison d’arrêt de Strasbourg.

Sur place, les deux femmes se retrouvent dans une petite pièce d’une dizaine de mètres carrés, face à un groupe de quatre jeunes, âgés de 13 à 16 ans, avec un de leurs enseignants. Lorsque la porte se ferme, ils laissent un peu la prison de côté, glisse Anne Pereira, qui évoque tout de même une tension omniprésente.

Une expérience que je n’oublierai jamais

Son intervention, PowerPoint à l’appui, porte sur le cerveau et les écrans, en lien avec sa recherche. Si c’était à refaire, j’opterais pour un échange plus interactif avec des quizz, des jeux... Deux jeunes sur quatre étaient intéressés et connaissaient déjà pas mal de choses sur le sujet. Il faut parvenir à les garder concentrés, c’est un public auprès duquel il faut faire preuve d’imagination et de patience, se souvient la chercheuse, qui enchaine au bout de 45 minutes avec un nouveau groupe de quatre adolescents.

Ce qui m’a frappée, c’est que tout ce qui fait la vie d’un adolescent n’est pas possible pour eux

Ce qui m’a frappée, c’est que tout ce qui fait la vie d’un adolescent et son quotidien, sortir avec des amis, se défouler, faire du sport, n’est pas possible pour eux. J’ai mis les pieds dans quelque chose qui nous prend aux tripes. C’est une expérience forte que je n’oublierai jamais, conclut la chercheuse.

Apporter la science à tous

Notre mission est d’apporter la science à toutes et tous, raconte Ammra-Muny Tan, aujourd’hui cheffe de projet au sein de la délégation Inserm-Est, qui a l’idée de ce partenariat avec l’administration pénitentiaire locale lors de son apprentissage.

Au départ, la jeune femme pense plutôt toucher les adultes mais lorsqu’elle contacte la Maison d’arrêt de Strasbourg, l’administration pénitentiaire l’oriente vers les mineurs. L’intervention s’inscrit dans leur cursus scolaire, l’idée étant de les sortir de leur quotidien.

Côté organisation, Emilie Denat-Turgis et Ammra-Muny Tan participent à une réunion avec l’équipe pédagogique de la Maison d’arrêt pour définir les sujets évoqués lors des visites et les modalités. Trois interventions ont déjà eu lieu, celle d’Anne Pereira mais aussi une autour de la Saint-Valentin pour parler des hormones, et une autre durant laquelle les adolescents ont pu s’essayer à Corpus 360, une application permettant de voyager au cœur du système digestif via un casque de réalité virtuelle.

Forte de cette expérience, l’Inserm envisage de proposer le dispositif à tous les centres du Grand Est et de la Bourgogne – Franche-Comté, avis aux chercheurs amateurs…

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