30 ans du tram : l’accessibilité des transports en commun en question
L’Alsacienne Strasbourg, la Belge Bruxelles et la Turque Konya : dans ces trois villes, des chercheurs ont étudié le niveau d’accessibilité des transports en commun pour accéder à la ville, pour certains publics vulnérables. Tram, bus, train… Zoom sur leurs enseignements, dont pourront s’inspirer les pouvoirs publics, à l’occasion de la célébration des 30 ans du tram strasbourgeois (lire encadré).
Mesurer les inégalités d’accès à une métropole : c’est l’idée à la base du projet Joining Urban morphology, Spatio-Temporal and socio-cognitive accessibility for an Inclusive City Environment (JUSTICE)*, mené par trois équipes de recherche, entre la France, la Belgique et la Turquie, de 2021 à 2024.
À Strasbourg, plus petite des trois villes, c’est Alexis Conesa qui est à la manœuvre, en tant que coordinateur scientifique (Laboratoire image, ville, environnement Unistra/CNRS). Le géographe explique : Nous avons fait le choix de nous concentrer sur quatre catégories de personnes en situation de vulnérabilité – personnes porteuses d’un handicap moteur ; malvoyants et aveugles ; personnes âgées et personnes en situation de précarité économique et sociale
. Malgré leur diversité, ils partagent des points communs, par exemple le frein que représente la marche, pour relier deux stations ou en correspondance.
Parcours commentés
Des parcours commentés ont été réalisés, pour les suivre dans leurs déplacements du quotidien et identifier les points de blocage. Deux dimensions, qualitative et quantitative, ont été prises en compte : C’est plutôt novateur, dans ce genre d’étude, de combiner les deux approches.
Avantage de cette méthodologie participative : pouvoir enrichir la modélisation mathématique de l’atlas des déplacements réalisés, en bénéficiant de retours directs du terrain. Cet atlas en ligne enregistre des trajets pour aller d’un point A à un point B. Mais il faut prendre en compte que les usagers des transports ont des comportements ‘irrationnels’ pour un modèle mathématique : ainsi, cette personne qui préfèrera éviter le ‘nœud’ de la station Homme-de-Fer, en descendant une station avant ou après ; ou celle autre qui optera pour le bus, sacrifiant au meilleur confort du tram, mais pour avoir un interlocuteur à qui parler, au volant du bus.
L’implication d’usagers, par le biais d’association, nous a aussi permis d’identifier des points d’intérêt en ville que nous n’aurions pas eu l’idée d’intégrer, comme le Zénith, le Parc d’innovation d’Illkirch ou la piscine de Schiltigheim
.
Différents enjeux selon les villes
En fonction de plusieurs variables, comme l’heure de la journée, différents moments ont été identifiés comme problématiques. C’est particulièrement vrai pour les personnes travaillant en horaires décalés.
Entre la vétusté du matériel à Bruxelles, la cherté des billets à Konya, l’amélioration de la lisibilité de l’espace public dans quelques stations à Strasbourg : selon les villes, les enjeux étaient différents. Strasbourg était la ville la plus accessible, mais cela n’empêche pas quelques points noirs : Ceux-ci ont été listés avec l’aide des usagers lors de deux workshops organisés avec l’Eurométropole et la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS)
.
« Derrière, il y a la question de l’universalisme de l’inclusion : si on rend accessible un service à une personne empêchée, il le devient pour tout le monde »
Le message est donc passé aux décideurs : Des idées intéressantes ont émergé, à moindre coût, comme celle de doter les stations complexes d’une signalétique adaptée ou encore doter les bus de grips très visibles et tactiles pour se guider vers les boutons d’arrêt demandé
. Des traductions déjà concrètes ont émergé : Un stagiaire de la faculté a travaillé au sein de l’Eurométropole à l’amélioration du lien entre transport adapté et transport à la demande
, et trois stations de Konya ont été dotées de dispositifs pour prévenir en amont les conducteurs de bus qu’une personne en fauteuil est présente à la station.
À Strasbourg, en cette période de marché de Noël, où déferlent les nouveaux usagers dans les transports strasbourgeois, on se rend finalement compte qu’on peut tous se retrouver, à un moment donné, en situation de vulnérabilité
, conclut Alexis Conesa. Derrière, il y a la question de l’universalisme de l’inclusion : si on rend accessible un service à une personne empêchée, il le devient pour tout le monde.
Comme un écho au nom du projet, JUSTICE, qu’on peut relier à l’idée de justice sociale et spatiale
.
* A bénéficié de fonds de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et du soutien du JPI Urban Europe (infrastructure de recherche liée au Conseil européen de la recherche)
La Faculté de géographie et aménagement s’associe à la célébration des 30 ans du tram
En 1994, l’arrivée du tram à Strasbourg impacte considérablement le paysage urbain, entre l’intégration d’une dimension paysagère, artistique aux stations, ou encore l’emprise gagnée sur la circulation automobile. Dans certaines villes allemandes ou suisses qui ont conservé leur tram ancien, les voitures continuent à circuler sur les rails et leur place n’est pas toujours réduite !
, souligne Alexis Conesa.
L’urbaniste Alfred Peter, « le » paysagiste du tram, auteur de son design si caractéristique, sera présent mardi 3 décembre, à 18 h, au Studium, pour évoquer le projet, novateur à l’époque, du 3e tram de France, après Nantes et Grenoble. Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole en charge des mobilités, est également invité à cette conférence, organisée à l’invitation de la Faculté de géographie et aménagement et l’Association strasbourgeoise des étudiants en aménagement et urbanisme (Aseau). Sans oublier les posters réalisés par des étudiants et enseignants de la faculté, sur l’étude des populations desservies par le tram, une enquête sur le ressenti des passagers ou encore le tram comme objet de recherche.
Mardi 3 décembre, à 18 h, au Studium, sur inscription, gratuite mais obligatoire
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