Par Marion Riegert
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Une bactérie pour manger un médicament antidiabétique, micropolluant de l’environnement

Au-delà des polluants majeurs comme les hydrocarbures et les solvants, notre mode de vie diffuse dans l’environnement des polluants pharmaceutiques, appelés micropolluants en raison des concentrations très faibles auxquelles ils sont rencontrés, que les stations d’épuration parviennent encore mal à éliminer. En s’intéressant à cette problématique, l’équipe de Stéphane Vuilleumier, chercheur au laboratoire de Génétique moléculaire, génomique, microbiologie (GMGM – CNRS / Unistra), est parvenue à isoler une bactérie capable de se nourrir d'un des agents antidiabétiques les plus prescrits au monde, la metformine.

Pour vous donner un ordre d’idées, la metformine, c’est une dizaine de grammes rejetés dans l’environnement chaque année par habitant en France, souligne Stéphane Vuilleumier qui précise que la molécule découverte au début des années 1920 présente des risques pour les organismes aquatiques notamment.

Les chercheurs disposaient d'indices de la dégradation microbienne dans l’environnement de cette molécule. Pour le vérifier, Stéphane Vuilleumier s’est rendu à la station d’épuration de Strasbourg afin de récolter des échantillons de boues activées. En laboratoire, nous avons ajouté à la boue prélevée et mise en milieu de culture, de la metformine comme seule source de carbone et d'azote pour la croissance. Les organismes capables de la manger se sont ainsi multipliés.

Observer la bactérie dans son environnement naturel

Trois semaines plus tard, la souche bactérienne MD1 est isolée. C’est allé beaucoup plus vite que ce que l’on pensait. Son génome est ensuite séquencé et quelque 7 000 mutants produits pour identifier le système de dégradation à l’œuvre en présence de la metformine. Le tout, en collaboration avec deux équipes strasbourgeoises de l'Institut Terre et environnement (Ites - CNRS / Engees / Unistra) et de l'Institut de biologie moléculaire et cellulaire (IBMC - CNRS), ainsi que le Centre national de séquençage (Génoscope) à Evry.

Les résultats suggèrent une évolution récente de la capacité de la souche MD1 à dégrader la metformine

D’un point de vue fondamental, l'équipe souhaite maintenant comprendre comment ce système de dégradation a évolué depuis l’apparition du micropolluant dans l’environnement. Les résultats obtenus suggèrent une évolution très récente de la capacité de la souche MD1 à dégrader la metformine pour sa croissance.

En vue d’éventuelles applications, les études chercheront désormais à déterminer si la souche MD1 est capable de dégrader le médicament dans des conditions où sa concentration est beaucoup plus faible que dans les expériences de laboratoire, comme c'est le cas en station d'épuration. Et pourquoi pas aussi étudier la présence de ce système de dégradation de la metformine dans le microbiome humain, et chez les patients diabétiques en particulier.

Génèse d'une découverte

A côté des méthodes chimiques et physiques, la dépollution peut également se faire à l’aide de micro-organismes capables de se nourrir de polluants. Stéphane Vuilleumier et son équipe s’intéressent plus particulièrement à ceux dont le métabolisme particulier les rend capables de se nourrir de composés monocarbonés ou dépourvus de liaisons carbone-carbone. Ce métabolisme microbien est à même de jouer un rôle-clé dans la dégradation de nombreux produits pharmaceutiques dont les atomes de carbone sont exclusivement liés à des atomes d'autres éléments. Pour trouver un premier candidat à étudier, nous avons épluché la longue liste des micropolluants pharmaceutiques. Il y en avait un qui a tout de suite attiré notre attention : la metformine, avec ses quatre atomes de carbone et cinq atomes d'azote, mais sans liaison carbone-carbone. Une histoire de longue haleine, débutée il y a une dizaine d’années déjà.

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