Par Marion Riegert
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Décrypter le mystère de la disparition de l’antimatière dans l'univers grâce aux neutrinos

Pour comprendre la disparition de l’antimatière dans l’univers, des chercheurs ont décidé de se pencher sur les propriétés des neutrinos. Après une étude de faisabilité de production d’un faisceau intense de neutrinos dans le cadre du projet H2020 ESSnuSB, le projet Horizon Europe ESSnuSB+ a officiellement démarré le 1er janvier 2023. Avec un nouveau financement européen de 3 millions d’euros sur 4 ans, il vise à compléter et élargir le premier projet. Le point avec Marcos Dracos, chercheur à l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC - CNRS/Unistra), coordinateur du projet.

Après le Big-Bang, matière et antimatière furent produites en quantité égale. Pourtant, aujourd’hui, l’antimatière semble avoir disparu de l’univers. Les scientifiques expliquent cette absence par la violation de la symétrie charge/parité (CP). Pour obtenir de l’antimatière, il faut inverser la charge de la particule et la parité (la regarder dans un miroir). Notre hypothèse est qu’il doit y avoir une asymétrie, c’est-à-dire un comportement différent face aux lois de la physique entre la matière et l’antimatière, c’est ce que l’on appelle violation de CP, explique Marcos Dracos.

Cette asymétrie a déjà été observée au niveau des particules hadroniques mais à un niveau insuffisant pour expliquer la disparition de l’antimatière. Récemment, suite à de nouvelles mesures, les chercheurs se sont tournés vers les leptons et plus précisément vers les neutrinos qui semblent plus prometteurs maintenant pour expliquer ce phénomène. Grâce au projet Horizon Europe ESSnuSB+, ils espèrent produire en grand nombre des neutrinos et des antineutrinos dans le but d’observer et mesurer précisément cette asymétrie.

Le faisceau de neutrinos le plus intense au monde

Le projet est basé sur l’European Spallation Source (ESS), une installation européenne actuellement en construction à Lund en Suède. Cette dernière bénéficie d'un accélérateur linéaire de protons qui sera utilisé pour produire entre autres un faisceau très intense de neutrinos : l'ESSnuSB (ESS neutrino Super Beam) sur lequel les équipes de l’IPHC travaillent.

Un budget global de plus d’1 milliard d’euros

L’accélérateur linéaire lance les protons sur une cible pour produire des neutrons. Nous allons utiliser cet accélérateur pour produire aussi des neutrinos et ce en doublant la fréquence d’impulsion des protons avec une puissance de 5 mégawatts afin de produire le faisceau de neutrinos le plus intense au monde, précise le chercheur qui évoque un projet de recherche fondamentale à très long terme.

Le premier volet appelé ESSnuSB impliquait 15 laboratoires de 11 pays européens. Débuté en 2018, il a permis aux chercheurs de réaliser une étude de faisabilité. Ce second projet baptisé ESSnuSB+ réunit 20 instituts européens de 11 pays. Il vise à consolider le succès du premier projet tout en incluant de nouvelles études, et à promouvoir le projet auprès des agences de moyens pour passer par la suite à une phase de prototypage. Nous espérons que l'accélérateur de proton de l'ESS sera pleinement opérationnel en 2025 afin de débuter par la suite la phase de négociations et de pré-construction. Avec en ligne de mire une installation neutrino opérationnelle en 2037 pour une prise de données sur 10 ans entre 2040 et 2050. Le tout, pour un budget global de plus d’1 milliard d’euros.

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