Par Marion Riegert
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Ville et nature, une cohabitation en tension

Dans le cadre du colloque qui ouvrira le festival Enfance et nature, Maurice Wintz, chercheur au laboratoire Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe (Sage – CNRS/Unistra), s’intéressera à la ville et la nature, entre distance, domination et dépendance.

Qu’est-ce que la nature en ville ?

Il est compliqué de définir ce qu’est la nature. Les évolutions objectives de la nature sont concomitantes avec les sociétés. De trois plantes à une forêt primaire, l’état de nature est lié à une dynamique sociale variable selon les espaces et les époques. Dans les années 50 en France par exemple, les agriculteurs représentaient 30 % de la population active, aujourd’hui, ils sont 1 %. L’état de nature est ainsi différent, les mosaïques paysagères ont laissé place à des parcelles mécanisées. En ville, les états de nature se retrouvent à travers les arbres, les parcs, les faucons pèlerins…

Quels sont les types de nature en ville ?

En ville, trois types de nature se distinguent : la nature spontanée avec des rats, des écureuils venus d’eux-mêmes. La météo aussi sur laquelle nous n’avons pas de prise. La deuxième, la nature socio-spontanée est issue de pratiques citoyennes : des pots de fleurs dans les appartements, des arrière-cours aménagées, des jardins. Plus on s’éloigne des centres-villes, plus la nature prend de l’importance avec une inégalité d’accès. Le troisième type est institutionnel, mis en œuvre par la municipalité, celle que l’on donne à voir. Sur le plan des espaces verts en ville par exemple, la nature était très horticole au 19e siècle avec des parcs aménagés alors que de nos jours l’accent est mis sur la biodiversité. 

La politique de nature en ville, un problème de riche ?

Dans une exposition que j’ai visitée à Vienne, un grand parc urbain était montré pendant la guerre, il était transformé en champ de pommes de terre… Aujourd’hui, nous pouvons nous permettre d’avoir de la nature comme cadre de vie dans la ville. Mais la question de nos ressources se pose tout de même. Ce n’est pas parce qu’il y a de la nature en ville, qu’on ne l’exploite pas ailleurs pour avoir du bois et de la nourriture notamment.

Vous évoquez le paradoxe du rapport socio-individuel à la nature, expliquez-nous ?

Avec beaucoup d’intermédiaires, il y a peu de place laissée à la nature dans la socialisation des enfants

Nous sommes dans une société hyper-technologique où l’interaction avec la nature n’a jamais été aussi forte avec une influence même sur le climat, pourtant nous n’avons jamais été aussi déconnectés de la nature. Avec beaucoup d’intermédiaires, il y a peu de place laissée à la nature dans la socialisation des enfants, nous n’apprenons plus par exemple à tuer l’animal que l’on mange, ni à cultiver. La nature est présente mais dans une forme contemplative avec une image positive. Cela induit une représentation biaisée et édulcorée.

  • Rendez-vous le 30 janvier de 8 h 45 à 12 h 30 au Collège doctoral européen de Strasbourg.

Le festival Enfance et nature

Les prévisions mentionnent qu’en 2050, environ 70 % de la population mondiale habitera en ville. Pourtant, les contacts directs et réguliers avec la nature dès le plus jeune âge sont essentiels et le syndrome de manque de nature est aujourd’hui reconnu comme un des marqueurs de problèmes de santé et de troubles psycho-sociaux de l’enfant.

Ateliers, tables rondes, conférences, ciné-débat… Du 30 janvier au 4 février 2023 à Strasbourg et Mulhouse, le festival Enfance et nature vise notamment à sensibiliser et engager les pouvoirs publics, les professionnels et le grand public pour les inciter à mettre en œuvre des pédagogies favorisant, dès la naissance, le contact de l’enfant avec la nature. Sans oublier de former et informer les professionnels quant aux dernières avancées scientifiques et de soutenir et initier des projets sur l’ensemble du territoire alsacien. Accessible à tous, il est organisé par l’association Académie de la petite enfance, la fondation Terra Symbiosis, basée à Strasbourg, en partenariat avec le laboratoire Sport et sciences sociales (E3S - Unistra) et le Laboratoire interuniversitaire des sciences de l'éducation et de la communication (Lisec - Université de Lorraine/Université de Haute-Alsace/Unistra).

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