Par Marion Riegert
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Une modification de l’odorat chez le moustique augmenterait sa capacité à transmettre les virus

Dans le cadre d’un financement du programme Human Frontier de 1.5 million de dollars sur trois ans, une collaboration internationale à laquelle participe Joao Marques, chercheur à l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg (IBMC*), s'intéresse au moustique Aedes aegypti. Objectif : découvrir si une adaptation du moustique le rendant plus attiré par l’odeur humaine est en lien avec sa capacité à transmettre certains virus comme la dengue, le virus Zika, le chikungunya ou encore la fièvre jaune. Une découverte qui permettrait de limiter la propagation de ces maladies.

Tout commence il y a quelques milliers d'années, des modifications génétiques ont lieu chez le moustique Aedes aegypti entrainant la formation de deux sous-espèces, celle des villes et celle des forêts. Aedes aegypti vivait originellement en forêt et était attiré par l’odeur des animaux. La formation du désert du Sahara à cette période l'oblige à s’adapter aux humains entrainant un changement génétique le rendant plus attiré par l’odeur humaine. Cette adaptation se propage ensuite au continent via le développement des villes, puis au reste du monde via le trafic d’êtres humains il y a 500 ans, détaille Joao Marques.

Nous savons aujourd’hui que la sous- espèce des villes est plus sensible à l’infection et plus efficace dans la transmission des virus, alors que la sous-espèce des forêts reste plus résistante aux virus et les transmet moins efficacement. La question est donc de savoir si la modification de l’attraction des moustiques envers l’Homme est liée à sa capacité à être infecté et à transmettre les virus ou si ce sont deux modifications qui ont eu lieu indépendamment les unes des autres.

Manipuler le système olfactif des moustiques

Pour le déterminer, différentes recherches vont être menées par les membres du consortium scientifique. A l’Insectarium de Strasbourg, Joao Marques sera en charge de comparer chez les deux sous-espèces la réponse aux infections et leur transmission via des modèles de souris et à l’aide de différentes odeurs humaines. Ben Matthews, chercheur canadien spécialisé dans les systèmes olfactifs des moustiques, s'occupera de manipuler le système olfactif des moustiques pour voir si cela influe sur les infections.

Mario Recker, mathématicien britannique, s'intéressera pour sa part à des modélisations permettant de comprendre les paramètres qui affectent la transmission dans la population. Et enfin, Tina Mukherjee, chercheuse indienne, qui étudie la connexion entre l’odorat et le système immunitaire chez la mouche drosophile, effectuera des tests sur les drosophiles, un modèle plus simple à manipuler avant de passer au moustique.

Chaque adaptation aux humains créerait un nouveau vecteur potentiel de virus

Une recherche fondamentale qui pourrait avoir des applications en fonction des découvertes réalisées. Si un lien entre adaptation à l’odeur et transmissibilité du virus était avéré, nous pourrions créer une odeur qui changerait la réponse du moustique aux virus et ainsi sa capacité à les transmettre. Sans oublier de prévenir ces adaptations chez les espèces de moustiques vivant encore en forêts et dont chaque adaptation aux humains créerait un nouveau vecteur potentiel de virus.

* L'IBMC regroupe trois unités de recherche rattachées à l’Institut national des sciences biologiques du CNRS. Cet Institut fédératif est soutenu par l’Université de Strasbourg et l’Inserm.

Le programme Human Frontier

Le Human Frontier Science Program est un programme de financement pour la recherche de pointe dans les sciences de la vie. Il est mis en œuvre par l’International Human Frontier Science Programme Organisation (HFSPO) fondée en 1989 à Strasbourg.

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