Par Marion Riegert
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Une biographie pour redécouvrir Lénine

A l’occasion des 100 ans de la mort de Lénine, Alexandre Sumpf, membre de l’unité mixte de recherche Arts, civilisation et histoire de l’Europe propose une nouvelle biographie de l’homme d’Etat russe, la première écrite par un historien de sa génération. Parue en novembre, elle se distingue par son refus de l’hagiographie complaisante ou de l’accusation haineuse.

100 ans après, quelle image garde-t-on de Lénine (1870-1924) ? Aujourd’hui, plus personne ne lit Lénine, et puis ce n’est pas Che Guevara, il ne fait pas rêver !, souligne Alexandre Sumpf, avec son franc parler. Le chercheur spécialiste de la période lui consacre tout de même un ouvrage. Pour moi, c’est l’occasion de faire de la recherche autrement, sortir de la bulle académique, rapporte l’historien déjà auteur d’une biographie de Raspoutine.

Cette biographie est un prétexte pour raconter la Russie de l’époque et intéresser le grand public à cette période, poursuit Alexandre Sumpf. Pour éviter une biographie plan-plan, rendre vivante cette figure et redonner du récit, il ponctue l’ouvrage de textes de Lénine qu’il a lui-même retraduits évitant ainsi les torsions communistes. Je ne me contente pas de digérer Lénine et de le donner à la béquée, j’invite le lecteur à entrer dans sa pensée.

Un « has-been » méprisé

Deux ans de recherches ont été nécessaires à Alexandre Sumpf pour rédiger le livre. L’avantage, c’est que les textes qu’il a écrits sont accessibles en ligne, j’ai laissé de côté les grandes bibliographies pour ne pas être influencé.

L’ouvrage alterne chapitres sur l’année 1917 et étapes de sa vie, puis de son culte. Il commence par le discours, le 22 janvier 1917, marqué par le fait qu’il ne croit plus en la révolution : Lénine est un « has-been » méprisé par certains, ignoré de beaucoup, et il ne voit pas arriver la chute du tsar.

Lénine, tout en étant russe, était contre l’impérialisme et le colonialisme

Viennent ensuite les années au pouvoir. L’occasion de faire quelques découvertes pour notre chercheur. Lénine était entouré de femmes qui croyaient en lui, l’assistaient, mais étaient elle-même de grandes révolutionnaires. Autre découverte : Lénine, tout en étant russe, était contre l’impérialisme et le colonialisme. A la fin de sa vie, il a proposé que le chef de gouvernement change chaque année et soit de nationalité différente.

L’homme derrière le mythe

Quelques anecdotes aussi sont évoquées comme le séjour de Lénine de 1897 à 1900 en Sibérie. Il y a été relégué par le pouvoir tsariste, mais cela n’avait rien à voir avec le Goulag, il avait une servante, a pris 10kg, a reçu un fusil par la poste… On apprend également que Lénine a vécu longtemps dans le sud de Paris où il circulait sur un vélo offert par sa mère.

Alexandre Sumpf tord aussi le cou aux rumeurs. Certains prêtent une relation extraconjugale à Lénine avec Ines Armand, une femme politique communiste d'origine française. Je ne crois pas trop à un ménage à trois. Il est vrai qu’il la tutoie dans ses lettres, mais j’y vois plus l’instrumentalisation de la fascination qu’il exerce qu’une relation amoureuse, précise le chercheur qui évoque également l’amour du communiste pour les chats.

Vladimir Poutine l’accuse d’avoir fondé l’Ukraine ce qui est faux

La biographie se termine avec un saut dans le temps à travers un chapitre sur le culte de Lénine et la comparaison Lénine-Staline. Il est même revenu dans l’actualité. Vladimir Poutine l’accuse d’avoir fondé l’Ukraine ce qui est faux, c’est Staline. Côté ukrainien, on fait de Lénine le symbole de la russification et on déboulonne ses statues. Paradoxalement, dès qu’une localité est reconquise par l’armée russe, les statues sont remises sur leur piédestal.

Lénine en quelques dates

Vladimir Ilitch Oulianov, de son vrai nom, nait le 22 avril 1870 à Simbirsk (aujourd'hui Oulianovsk) dans une famille plutôt aisée dont il est le troisième de six enfants. La fin de sa jeunesse est marquée par le décès de son père (1886) et l’exécution de son frère ainé pour avoir participé à un complot destiné à assassiner le tsar (1887).

Il travaille un temps comme avocat avant de devenir un des principaux dirigeants du parti social-démocrate russe. En 1902, dans Que faire ?, il plaide une prise du pouvoir par un parti d’avant-garde militarisé et la création d’un État socialiste seul en mesure d’assurer la conscientisation du prolétariat. Cette proposition hétérodoxe fait hurler les marxistes de tous les pays.

En mars 1917, la révolution russe conduit au renversement du régime tsariste. Le 7 novembre, Lénine prend le pouvoir et fonde la Russie soviétique, premier régime communiste de l'histoire, autour de laquelle se constitue en décembre 1922 l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS).

En 1919, Lénine crée l'Internationale communiste provoquant à l'échelle mondiale une scission de la famille politique socialiste et donnant ainsi naissance au mouvement communiste. Il impose également le parti unique en mars 1921.

Il meurt le 21 janvier 1924, écarté du pouvoir par la maladie.

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