Par Edgar Sanz et Yannick Tranter
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Si j'étais un moustique tigre

Série « Si j'étais » 4/5. Bruno Mathieu, alias le chasseur de vampires, est en réalité entomologiste à l’Institut de parasitologie et de pathologie tropicale de Strasbourg. Il étudie les moustiques qui peuvent transmettre des maladies à l’homme ou aux animaux. Depuis 2014, il s’intéresse plus particulièrement au moustique Tigre. Rencontre avec l’objet de sa traque.

Le vampire

Aujourd’hui les humains m’appellent « moustique tigre ». Cependant, je préfère le nom plus prestigieux de « vampire » dans la digne lignée de Dracula. Je ne suis pas originaire de Roumanie mais plutôt d’Asie où on me classe dans la catégorie des moustiques à creux d’arbre. Cela signifie que j’utilise des endroits creux remplis d’eau pour pondre mes œufs. Je deviens alors difficilement repérable. 

Comment ai-je conquis le monde en 20 ans ? Je me cache dans les pneus usagés et profite de leur grand trafic mondial. Il en est de même pour les bambous importés d’Asie et vendus dans le monde entier. Cela me permet de parcourir des milliers de kilomètres sans même un battement d’aile faisant de moi une des espèces animales les plus invasives au monde.  J’en suis assez fier.

Une fois ma destination atteinte, j’ai su m’adapter très vite à mon nouvel environnement urbain où je me sers de l’homme ou plutôt de son sang pour me nourrir. Je suis très anthropophile et nuisible. J’aime l’homme et vais chercher à le piquer plusieurs fois afin d’avoir l’énergie nécessaire pour pérenniser ma descendance. Il faut savoir que seule ma femme la moustique pique, de mon côté je suis inoffensif ou presque…

Sa piqûre est dangereuse à différents niveaux. D’une part, elle diffuse des anticoagulants, antidouleurs ou d’autres substances qui peuvent provoquer des réactions allergiques importantes chez mon hôte, l’homme ou l’animal, le temps d’un repas. D’autre part, comme dit précédemment, elle peut véhiculer des virus graves.

La chasse

J’apparais pour la première fois en France métropolitaine vers Menton à la frontière italienne en 2004. En 2014, je suis détecté dans le Bas-Rhin à Schiltigheim où ma présence ne sera confirmée qu’en 2015 car les chercheurs ne savent alors pas si mes œufs vont pouvoir supporter l’hiver. Et justement ce sont ces mêmes œufs qui sont l’objet principal de l’étude de mon espèce : les moustiques.

Bruno Mathieu est mon pire ennemi. Il part chasser mes œufs comme pour Pâques sauf que ce ne sont pas vraiment des chocolats… Son objectif est de voir si l’embryon est capable de passer l’hiver pour se transformer en vampire ou plutôt en moustique au printemps. 

Pour ralentir ma prolifération le chercheur utilise également d’autres stratagèmes. Il étudie notamment la distance maximale que les femelles peuvent parcourir pour se reproduire grâce à un carrousel.

La période où je me reproduis étant le meilleur moment pour intervenir et faire ralentir ma colonisation. C’est là que je suis le plus vulnérable. Les chercheurs vont ainsi soit chercher à modifier les spermatophores des mâles pour qu’ils transmettent un gêne tueur d’œufs. Soit essayer de rendre les mâles stériles. Néanmoins, la solution la plus efficace pour me faire disparaitre reste la méthode de prévention. Contrairement aux vampires, l’ail ou la lumière ne me font pas fuir… mais il suffit d’être vigilant et d’éviter de laisser des eaux stagnantes, une solution à la portée de tous mais connaissant votre sens de la discipline, j’ai encore un bel avenir devant moi…

Le chasseur

Mais comment en est-il arrivé là ? Après un master 1 à la faculté des sciences de biologie animale de Montpellier, Bruno Mathieu décide de réaliser un stage dans un organisme de démoustication. Cette première étude des insectes fait naître chez lui l’envie d’en savoir plus. Il reprend son master 2 de biologie de l’évolution et d’écologie en suivant une formation continue. Cela l’amène directement à Strasbourg pour mener une thèse sur les vecteurs de la fièvre catarrhale ovine.

Aujourd’hui, il travaille à l’Institut de parasitologie et de pathologie tropicale au sein de la Faculté de médecine, maïeutique et sciences de la santé de l’Université de Strasbourg.

Cet article a été réalisé dans le cadre d'un atelier de vulgarisation scientifique pour lequel des étudiants sont partis à la rencontre de chercheurs. Objectif : rédiger un texte destiné à présenter un sujet d’étude scientifique et le faire parler à la première personne du singulier.

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