Par Lyna Ahrik et Grâce Dorcas
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Si j’étais une bactérie mangeuse de fer

Série « Si j'étais » 5/5. Valérie Geoffroy, chercheuse au sein de l’unité mixte de recherche Biotechnologie et signalisation cellulaire, est spécialiste de l’homéostasie du fer chez les bactéries. Rencontre avec sa petite protégée : une bactérie mangeuse de fer du genre Pseudomonas.

Présentez-vous ?  

Découverte en 2012,  je suis une bactérie mangeuse de fer du genre Pseudomonas, je fais partie de ces organismes vivants qui ont besoin du fer pour survivre. Comme les hommes ou les plantes, j’ai besoin de lui pour être virulente, pour assurer mes fonctions vitales comme la multiplication. Je peux être partout à la fois mais on me retrouve souvent dans le sol, beaucoup dans l’eau et sur les plantes pour lesquelles j’ai un effet protecteur. Je les protège des champignons, de même je suis importante pour l’écologie microbienne.

Pourquoi la recherche s’intéresse-t-elle à vous ?

L’homme depuis très longtemps utilise l’amiante et a fabriqué plus de 3 000 produits avec ses fibres. Résistantes au feu, elles ont des propriétés mécaniques mais aussi chimiques très intéressantes. Problème,  les poussières de ces fibres inhalées restent coincées dans les poumons avant de migrer dans tout le corps humain. Elles peuvent ainsi à long terme déclencher des cancers comme celui des ovaires chez les femmes qui ont travaillé avec l’amiante. Depuis 1997, l’amiante est interdite mais il reste encore beaucoup de chantiers de désamiantage à venir. La toxicité de l’amiante est due en grande partie au fer qui la compose. C’est là que j’interviens. Grâce à ma capacité à manger le fer, les chercheurs souhaitent trouver une solution biologique pour traiter ces déchets et enlever leur toxicité. Et moi je dispose d’un garde-manger à volonté !

Comment êtes-vous étudiée ?

Valérie Geoffroy travaille en équipe appelée unités mixtes de recherche qui comprend à la fois le CNRS et des enseignants-chercheurs de l’Université de Strasbourg. Pour me conserver, ils me stockent au congélateur à -80 degrés, puis ils me décongèlent dans un milieu de culture afin que je me multiplie, processus qui dure 20 minutes environ pour doubler ma population. Enfin, ils me mettent en contact avec les amiantes issues de différents matériaux pour mesurer la façon dont le fer se dissout. Leur idée à terme est ainsi de réaliser le désamiantage dans une cuve dans laquelle je prendrai mon petit bain en allant grignoter le fer. Le seul bémol, c’est que ce processus est beaucoup plus long que la vitrification, technique actuellement utilisée pour traiter ces déchets. Car une fois repue, je m’arrête de manger ! Mais Valérie Geoffroy n’a pas dit son dernier mot, elle modifie mes propriétés pour me rendre gourmande et faire en sorte que je ne sois jamais rassasiée...

Valérie Geoffroy de l’équipe Métaux et micro-organismes de l’unité mixte de recherche Biotechnologie et signalisation cellulaire est spécialisée dans l’étude de l’homéostasie du fer chez les bactéries. Elle met son savoir-faire en recherche pour démontrer l’efficacité de ces bactéries à extraire le fer contenu dans les déchets amiantés.

Cet article a été réalisé dans le cadre d'un atelier de vulgarisation scientifique pour lequel des étudiants sont partis à la rencontre de chercheurs. Objectif : rédiger un texte destiné à présenter un sujet d’étude scientifique et le faire parler à la première personne du singulier.

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